Monique L’Hostis : « Déclinons le concept One Health dans nos métiers » - La Semaine Vétérinaire n° 1770 du 29/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1770 du 29/06/2018

ENTRETIEN

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

Lors de l’édition 2018 des journées nationales des groupements techniques vétérinaires, Monique L’Hostis, ancien professeur de parasitologie à Oniris (Nantes) et responsable de la formation en apiculture-pathologie apicole, a discuté du concept “Une seule santé” appliqué à l’apiculture. Rencontre avec l’intervenante.

Qu’entendez-vous par One Health1 en apiculture ?

Dans ce concept, on fait face à une prise de conscience des liens étroits entre toutes les santés : humaine, animale et environnementale. Bien que les zoonoses n’existent pas chez les abeilles, ces relations se retrouvent en apiculture au niveau de la chaîne alimentaire, avec des polluants qui passent du végétal (le producteur) à l’abeille (le consommateur primaire), puis à l’homme (le consommateur secondaire), via les produits de la ruche. De plus, la colonie subit également des traitements acaricides contre la varroose.

Comment s’applique ce concept en filière apicole ?

Au travers des spécialistes connaisseurs de l’abeille. Le vétérinaire s’y inscrit en veillant à la bonne santé de l’abeille mellifère et en conseillant sur les bonnes pratiques médicamenteuses à mettre en œuvre pour éviter les résidus dans les produits apicoles. L’agronome y participe via l’élaboration de paysages durables, sans pesticides, en s’appuyant sur le principe que la biodiversité végétale est à l’origine de la biodiversité animale. Ainsi, il permettra d’éviter de maintenir des abeilles sous “perfusion”2. Enfin, l’apiculteur, en adoptant des bonnes pratiques d’élevage et en s’efforçant de plaçer ses colonies dans des espaces les plus sains possibles, assurera la qualité des produits de la ruche. L’idée est aussi que tous ces experts partagent le même message.

En dehors du vétérinaire “spécialiste” de l’abeille, comment le praticien peut-il appliquer le concept One Health au quotidien, notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement ?

Il faudrait d’abord que tous se l’approprient pleinement afin de pouvoir le décliner dans leur exercice. Aujourd’hui, le simple tri du papier comme base du développement durable au sein des établissements de soins vétérinaires n’est plus suffisant. Au geste citoyen doit se substituer un geste professionnel correspondant à une réduction des intrants médicamenteux. Par exemple, en pratique canine, j’encourage les vétérinaires à mener une réflexion sur l’usage qu’ils font des antiparasitaires. En rurale, une étude, associant l’Anses, l’Itsap, Institut de l’abeille, et la SNGTV3, est en cours pour analyser les liens possibles entre les traitements médicamenteux des animaux de production et la mortalité des abeilles. De manière générale, je pense qu’il faut que la profession développe du conseil.

1 Approche interdisciplinaire dont l’objectif est de gérer des problématiques communes à la santé humaine, animale et environnementale.

2 Dans certaines zones “pauvres” en quantité et en diversité florale, les abeilles doivent être complémentées en nourriture par les apiculteurs certaines périodes de l’année.

3 Agence nationale de sécurité sanitaire, Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation, Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

LA BIODIVERSITÉ, UN ENJEU DU ONE HEALTH

Aujourd’hui – et l’actualité ne manque pas de nous le rappeler –, le curseur est clairement pointé sur l’environnement, notamment sur la préservation de la biodiversité. C’est par cette voie d’entrée que Monique L’Hostis a mis en lumière l’importance du concept One Health (“Une seule santé”)lors de sa conférence aux journées nationales des groupements techniques vétérinaires1. La prise en compte de la biodiversité marque, pour la conférencière, « la limite entre deux époques » : celle où le monde était perçu comme un « ensemble immuable » et l’actuelle, caractérisée par la prise de conscience de « la finitude écologique de la Terre ». Une nouvelle époque qui voit aussi la naissance du terme d’anthropocène, correspondant à l’ère géologique dans laquelle les sociétés humaines transforment de manière irréversible leur environnement2. Dans ce contexte, l’abeille mellifère apparaît comme un bon modèle pour éclairer le concept. Face à une perte progressive de surface agricole, une disparition des haies, l’expansion des monocultures, l’usage des pesticides, et l’arrivée de nouveaux parasites exotiques, l’abeille, en crise écologique majeure, illustre parfaitement l’étroitesse des liens entre tous les acteurs des écosystèmes.

1 Les 15, 17 et 18 mai 2018 à Nantes (Loire-Atlantique).
2 Les scientifiques parlent de l’être humain devenant « une force géologique nouvelle » (bit.ly/2lmFkDt).