REVUE DE presse - La Semaine Vétérinaire n° 1770 du 29/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1770 du 29/06/2018

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : RÉALISÉE PAR TANIT HALFON 

DES PORCS GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS RÉSISTANT AU VIRUS DU SDRP

Face à des moyens limités de prévention du syndrome dysgénésique et respiratoire porcin (SDRP), une équipe internationale de chercheurs s’est intéressée à une approche génomique pour contrôler la maladie. Dans une précédente étude1, ils avaient mis en évidence, in vitro, que des macrophages présentant une délétion de la séquence codante pour le domaine 5 (SRCR5) du récepteur membranaire CD1632, étaient résistants à l’infection virale. Ici, les chercheurs ont directement exposé des porcs au virus SDRP-1 de sous-type 2, souche BOR-57 (souche européenne, à fort pouvoir pathogène), à 7 à 8 semaines d’âges, via une inoculation intranasale. Les animaux testés étaient divisés en deux groupes. Pour le premier, l’outil Crispr-Cas9 (Clustered regularly interspaced short palindromic repeats)3 a permis d’obtenir quatre individus homozygotes pour la délétion de l’exon 7 du gène CD163, codant pour le SRCR5. Le deuxième groupe était constitué de quatre individus témoins. Tous les animaux ont été élevés dans le même bâtiment d’élevage à partir du sevrage. À la différence des animaux témoins, aucun ARN viral, ni anticorps dirigés contre le virus n’ont été détectés chez les porcs génétiquement modifiés. Ces derniers n’ont, de plus, développé aucun signes cliniques et présentaient une prise de poids quotidienne significativement supérieure au groupe témoin entre 7 et 14 jours. L’examen histologique des poumons a montré l’absence de lésions chez les animaux génétiquement modifiés. La recherche d’antigènes par immunohistochimie sur les poumons et les nœuds lymphatiques s’est révélée négative. Enfin, aucune augmentation du taux de cytokines (20 testées) n’a été détectée chez ces animaux. Ces résultats confirment que les animaux présentant une délétion de la séquence codante pour le domaine 5 du gène CD163sont résistants à l’infection virale. De plus, en ne “coupant” qu’une partie spécifique de la séquence codante, la santé des animaux génétiquement modifiés n’est pas impactée, ce qui montre que le gène CD163 continue à jouer son rôle dans les fonctions biologiques dans lesquels il est habituellement impliqué.

1 Burkard C. et coll. 2017. Precision engineering for PRRSV resistance in pigs: Macrophages from genome edited pigs lacking CD163 SRCR5 domain are fully resistant to both PRRSV genotypes while maintaining biological function. PLoS Pathog. 2017;13(2):e1006206.
2 Il a été démontré, in vitro et in vivo, que la liaison avec le domaine 5 de la protéine membranaire CD163 participait à l’entrée du virus dans la cellule.
3 Système composé d’une endonucléase, la Cas9, et d’un ARN guide, permettant de cibler et de couper une séquence spécifique du génome.


Burkard C. et coll. Pigs lacking the scavenger receptor cysteine-rich domain 5 of CD163 are resistant to PRRSV-1 infection. J. Virol. 2018. 10.1128/JVI.00415-18.

INHIBITION DE LA RÉPLICATION DU VIRUS DE LA PESTE PORCINE AFRICAINE

Jusqu’à présent, aucun vaccin n’a encore démontré son efficacité pour lutter contre la peste porcine africaine. Face à ce constat, des chercheurs ont eu l’idée de mettre à profit l’outil Crispr-Cas9 (Clustered regularly interspaced short palindromic repeats)1, pour créer des cellules transgéniques résistantes au virus. Pour ce faire, ils ont transféré des plasmides exprimant l’endonucléase Cas9 et un ARN guide spécifique dans le cytoplasme de cellules pulmonaires de sanglier. L’ARN guide utilisé était basé sur une séquence génomique de la souche virale BA71V, retrouvée dans la plupart des génotypes circulants en Europe de l’Est, incluant la séquence codante pour la phosphoprotéine p30 (CP204L). Cette dernière est connue pour participer au processus de réplication du virus de la peste porcine africaine. Les cellules obtenues ont ensuite été exposées à deux virus recombinants, un premier dérivé de la souche BA71V et un deuxième dérivé de l’isolat ASFV-Kenya 1033, et comparées à des cellules témoins. L’expérimentation a ainsi révélé que le virus était capable d’entrer dans les cellules, modifiées et témoins, et de commencer sa réplication. Cependant, pour le premier virus, plusieurs lignées transgéniques ont montré une réplication réduite. De plus, une inhibition complète de la réplication virale a été observée pour une lignée. Pour confirmer ces effets, les chercheurs ont exposé les cellules modifiées et témoins à un isolat naturel (virus arménien virulent isolé en 2007), ainsi qu’à l’isolat non modifié ASFV-Kenya 1033. Avec pour conséquence, dans le premier cas, une inhibition sévère de la réplication virale et, dans l’autre, aucune différence avec les cellules témoins. Cette étude permet ainsi de démontrer pour la première fois que la réplication du virus de la peste porcine africaine peut être supprimée dans des cellules transgéniques exprimant le système Crispr-Cas9, qui vise un gène viral essentiel à la réplication virale. De plus, l’étude confirme que la protéine p30 est impliquée dans l’attachement et l’entrée du virus dans la cellule.


1 Système composé d’une endonucléase, la Cas9, et d’un ARN guide, permettant de cibler et de couper une séquence spécifique du génome.

Hübner A. et coll. Efficient inhibition of African swine fever virus replication by CRISPR/Cas9 targeting of the viral p30 gene (CP204L). Sci. Rep. 2018;8(1):1449.