ENTRETIEN
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON
Le 20 mars 2018, la Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (Fesass) et la présidence bulgare du conseil des ministres de l’Union européenne organisaient à Bruxelles un atelier sur les interactions entre la faune sauvage et les animaux d’élevage, réunissant plus de 80 participants de 20 États membres. Alain Cantaloube, secrétaire général de la fédération, nous en explique les enjeux.
Au regard de la situation en Europe de l’Est relative à la peste porcine africaine, et face aux résurgences de maladies que l’on croyait éradiquées, comme la tuberculose ou la brucellose, cette question nous est apparue essentielle. C’était d’ailleurs l’une des priorités de la présidence bulgare qui, quelques jours avant la tenue de l’atelier, avait organisé à Sofia, en Bulgarie, une réunion européenne1 sur ce sujet. La problématique de la peste porcine africaine a été abordée et la conclusion qui semble s’imposer est que les États membres vont devoir s’habituer à vivre avec une contamination de la faune sauvage et, en conséquence, accentuer les mesures de biosécurité en élevage.
Nous souhaitions tout d’abord sensibiliser et clarifier la problématique en mettant en lumière l’analyse des différentes parties prenantes2, à la différence de la réunion de Sofia qui était clairement orientée pour les pouvoirs publics. Nous voulions ensuite dégager des mesures à mettre en œuvre en se fondant sur l’analyse des parties prenantes. Enfin, il s’agissait aussi de fournir des informations actualisées à nos membres et à l’ensemble des participants.
Tout d’abord, il a été rappelé combien la question des liens entre faune sauvage et animaux d’élevage s’inscrit dans la problématique One Health. Non seulement cette relation concerne la santé animale, mais elle impacte également la santé publique et l’environnement, ce qui nécessite une approche européenne, technique et politique. Il apparaît aussi nécessaire de renforcer les liens entre les professionnels de la faune sauvage et de la santé animale, avec notamment une clarification des responsabilités de chacun. Par exemple, il faut que les chasseurs deviennent des acteurs à part entière de la surveillance sanitaire de la faune sauvage, dans tous les États membres comme c’est le cas en France. Il est également nécessaire d’accroître la prise de conscience sociétale. Cela passe, entre autres, par une participation des organisations non gouvernementales et des associations environnementales aux prises de décision pour la faune sauvage. Nous avons aussi souligné l’importance de la biosécurité individuelle et collective, avec des éleveurs qui doivent être convaincus que ce n’est pas un coût, mais un investissement sur l’avenir.
Le principal blocage est financier : quelles aides seront débloquées pour la mise en œuvre des mesures de biosécurité et de gestion sanitaire ? Un des objectifs de l’atelier était d’ailleurs de sensibiliser les politiques à cette réalité économique.
Aujourd’hui, la question des liens entre compartiment sauvage et domestique est prise en considération par la Commission européenne, en témoigne l’inscription de cette problématique dans la loi santé animale. Pour autant, notre objectif reste encore de porter auprès de la Commission et des États membres les retours d’expérience des parties prenantes, ainsi que leurs préoccupations. De plus, notre volonté est également de construire des recommandations plus concrètes sur la manière de gérer telle ou telle maladie, à destination des parties prenantes, afin de tendre vers une harmonisation des pratiques sur le territoire européen. Par exemple, lors de cet atelier, nous avons échangé sur l’installation de clôtures, en termes de logistique et de coûts, autour des exploitations. Aujourd’hui, même si la France est en avance sur cette question, ce n’est pas le cas de certains autres États membres, qui nécessitent des accompagnements, notamment pour la formation des éleveurs et des techniciens d’élevage.
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1 La réunion s’est tenue les 8 et 9 mars 2018, sur le thème du rôle de la faune sauvage dans la gestion de la santé animale.
2 Chefs ou représentants des services vétérinaires, organisations membres de la Fesass, organisations professionnelles et syndicales agricoles, organisation de chasseurs, scientifiques, représentants de la Commission européenne, représentant de l’Organisation mondiale de la santé animale, etc.
Pour en savoir plus : fesass.eu.