L’industrie veut faire entendre sa voix - La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018

BIEN-ÊTRE ANIMAL

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

L’édition 2018 de la conférence annuelle du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV) témoigne de l’écho favorable de la question du bien-être animal rencontré chez les industriels de la santé animale. Cette conférence a également été l’occasion pour les vétérinaires de faire connaître leurs attentes dans ce domaine. Les parties prenantes sauront-elles jouer collectif ?

En quelques années, le débat public s’est emparé de la question du bien-être animal. La pression sociétale à ce sujet ne cesse de croître. Face aux différents enjeux, les acteurs de la santé animale se positionnent comme des interlocuteurs légitimes. L’industrie du médicament vétérinaire souhaite aussi affirmer son positionnement dans ce débat. De quelles façons l’industrie de la santé animale peut-elle contribuer au bien-être animal ? C’est autour de cette question que plusieurs acteurs (industriels, vétérinaires, représentants de l’Administration) ont été invités à échanger, le 3 juillet dernier, lors de la conférence annuelle du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV)1. Une thématique d’actualité sur laquelle les industriels du médicament vétérinaire sont attendus et affirment être mobilisés. « Nous avons pris des dispositions dans notre déontologie qui visent à faire respecter le bien-être animal dans la production de médicaments », a souligné, en introduction, Jean-Louis Hunault, président du SIMV, avant d’ajouter que le syndicat collabore avec les parties prenantes à ce sujet. Comment les laboratoires peuvent-ils répondre aux attentes de la société et des vétérinaires ? Le débat est ouvert.

Un sujet complexe

La problématique du bien-être mobilise de nombreux acteurs au-delà de la santé animale. « Ce thème est à la croisée de nombreuses influences qui sont parfois contradictoires », rappelle Pierre Mormède, vétérinaire, président du groupe de travail bien-être animal de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Dans ce contexte qui pourrait être difficile à appréhender, les industriels de la santé animale sont attendus sur le terrain de l’innovation. « Le volet innovation est un point d’importance sur lequel l’industrie peut apporter beaucoup de choses », soutient Clara Marcé, vétérinaire, cheffe du bureau de la protection animale au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, qui a présenté les cinq axes d’action de la stratégie de la France pour le bien-être des animaux 2016-2020. Dans le même esprit, Alain Boissy, directeur du Centre national de référence sur le bien-être animal, rappelle que l’innovation tient une place centrale face à cette question. Il indique en ce sens que l’implication de l’industrie est particulièrement attendue pour soulager la douleur, contribuer à réduire le stress, apporter une expertise ou encore participer à l’élaboration et à la diffusion de bonnes pratiques sur l’usage des médicaments vétérinaires. Un discours qui fait écho dans le secteur de l’industrie du médicament vétérinaire.

Une industrie qui veut innover

Pour Loïc Dombreval, député des Alpes-Maritimes et président du groupe d’études parlementaires sur la condition animale, la question du bien-être animal est un sujet compliqué. « Les attentes de la société en matière de bien-être ont été un électrochoc pour de nombreux députés », souligne-t-il. Il rappelle, par ailleurs, que cette problématique ne pourra être résolue sans le concours des vétérinaires et des industriels de la santé animale : « Les vétérinaires et les laboratoires pharmaceutiques sont le bras armé du bien-être animal. » Un rôle central dont les industriels indiquent avoir pris conscience. Les 10 dernières années ont été marquées par la mise sur le marché de nouveaux produits (antiparasitaires et analgésiques pour animaux de compagnie, anti-inflammatoires non stéroïdiens chez les bovins sans injection, alternatives à la castration, vaccins, etc.). Pour Serge Leterme, président de Diagnostics for animals, « la contribution de l’industrie au bien-être animal est une évidence (…). Notre rôle est de rendre le diagnostic le plus précoce possible. Nous allons vers une médecine de précision. C’est là qu’est notre rôle essentiel. » L’industrie souhaite aussi innover dans le domaine de l’élevage, afin de marquer sa contribution au bien-être. En témoigne, le projet de ferme du futur présenté par Marie-Bénédicte Charpentier (Neovia), qui accompagne les éleveurs connectés afin que les nouvelles technologies soient au service du bien-être animal. Toutes ces initiatives ayant pour but de répondre aux défis des attentes sociétales, mais aussi des vétérinaires.

Répondre aux besoins des vétérinaires…

Mais quels sont les souhaits des vétérinaires vis-à-vis de l’industrie sur la question du bien-être animal ? Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), et Jean-François Rousselot, président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) s’accordent à dire que le vétérinaire doit être un interlocuteur naturel dans ce domaine. La collaboration avec l’industrie, mais aussi l’Administration sur ce sujet est indispensable pour la prise en compte des besoins et de l’expertise de la profession. Sans surprise, l’innovation arrive en tête des attentes citées, non loin du maintien de l’arsenal thérapeutique, qui est aussi une préoccupation majeure de la profession, de même que la communication. Jean-François Rousselot propose ainsi la mise en place conjointe d’une campagne à destination des vétérinaires et du grand public, afin de rappeler que « le vétérinaire est le vrai expert du bien-être animal ». Des projets de collaborations sont déjà mis en œuvre avec l’industrie, tels que le prix de l’innovation vétérinaire 2018, porté par l’Afvac et le SIMV. Il sera remis lors du prochain congrès de l’Afvac, prévu du 29 novembre au 1er décembre à Marseille (Bouches-du-Rhône).

… mais aussi aux attentes sociétales

Il n’y a pas que sur le terrain de l’innovation que les industriels sont attendus. Loïc Dombreval interpelle notamment les laboratoires pharmaceutiques sur les alternatives aux essais sur les animaux et le scandale des « fermes à sang », qu’il qualifie de « crise larvée ». Plusieurs voix s’élèvent dans le débat public afin de dénoncer les conditions dans lesquelles sont effectués les prélèvements de la gonadotrophine chorionique équine (eCG) chez les juments gestantes en Amérique du Sud. « Sur ces questions, il doit y avoir de véritables engagements de l’industrie pharmaceutique (…), une forme de responsabilité sociétale des entreprises des laboratoires. » Loïc Dombreval attire l’attention des laboratoires sur le choix de leurs fournisseurs et ajoute que cette démarche de transparence pourrait répondre aux attentes sociétales de plus en plus prégnantes. « Il faut trouver avec l’ensemble des parties prenantes des accords sur fond de désaccord. » Face à ces interpellations, Jean-Louis Hunault se veut rassurant. « Nous avons des travaux très engagés notamment sur la cartographie des méthodes alternatives aux essais sur les animaux. » Une révolution est-elle en marche ? Il est certainement trop tôt pour l’affirmer, mais du côté des laboratoires, des initiatives émergent. Le laboratoire Ceva Santé animale vient en effet d’annoncer la cessation de tout approvisionnement d’eCG en Amérique latine2. « Le laboratoire travaille depuis de nombreuses années à l’amélioration du bien-être animal et est notamment engagé dans la recherche d’alternatives en ce qui concerne l’eCG », souligne-t-il.

1 bit.ly/2LSYonJ.

2 cevavousrepond.com.

DEUX QUESTIONS À JEAN-LOUIS HUNAULT


Que retenez-vous de cette édition de la conférence annuelle du SIMV ?
Nous avons entendu dans cette conférence des parties prenantes que l’on n’entendait pas. Nous avons à peu près tous un certain déficit d’implication et de prises de paroles. Mais la bonne nouvelle, c’est que
des attentes ont été exprimées, voire des interpellations. Cela démontre qu’un peu comme le développement durable ou la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) nous avons tous certainement une approche transversale du bien-être animal à intégrer dans nos feuilles de route. À travers cette conférence, nous avons mis en évidence que nous sommes en déficit d’action collective. Il y a une espèce d’interdépendance qu’il faut arriver à s’approprier.

Avez-vous le sentiment que l’on en demande trop aux laboratoires sur cette question du bien-être animal ?
Non. Je pense que ces 10 % du chiffre d’affaires des entreprises dédié à l’innovation sont au service d’un modèle économique gagnant pour l’animal, les propriétaires et les vétérinaires. Nous avons la chance d’avoir des groupes puissants et des jeunes entreprises qui peuvent consacrer beaucoup d’investissement à trouver des nouvelles technologies. Je vois avec grand plaisir arriver les vétérinaires à nos rencontres dédiées à la recherche en santé animale. Plus nous serons en face de ceux qui mettent en œuvre nos innovations et plus nous les adapterons à leurs besoins. Ce n’est pas trop d’attente mais une forme de reconnaissance.