La Vie secrète des chats dissipe les idées reçues sur leur comportement - La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018

TÉLÉVISION

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR VALENTINE CHAMARD  

Le programme de divertissement diffusé par TF1, qui permet de se glisser dans la peau des chats, est aussi une source de données scientifiques, rares en éthologie.

L’émission La Vie secrète des chats revient sur les écrans de TF1 pour une 2e saison, diffusée le dimanche après-midi à partir du 9 septembre. Le principe ? Suivre et analyser le parcours de chats à l’aide d’objets connectés à la seule fin de mieux connaître leur comportement et, nouveauté, de comparer deux populations de 50 chats, l’une des villes (quartier Montparnasse de Paris), l’autre des “champs” (village de Vézénobres dans le Gard). Deux vétérinaires coaniment l’émission : Laëtitia Barlerin, titulaire d’un DEA de biologie du comportement animal, journaliste, décrypte la relation entre les chats et leurs propriétaires, tandis que Thierry Bedossa, praticien à Neuilly-sur-Seine et chargé de consultation en comportement au Chuva de Maisons-Alfort, analyse les données recueillies avec l’aide d’une équipe de trois éthologues qu’il a constituée 1. Il nous en dévoile les coulisses et les enseignements.

Pour quelles raisons avez-vous participé à cette émission ?

Thierry Bedossa : Le concept du programme (collecte d’informations grâce à des objets connectés : trackers d’activité, GPS, caméra autoportée, accéléromètre) m’a séduit, ainsi que la possibilité, à terme, de publier les résultats de cette étude, si sa méthodologie, évaluée par une autre équipe scientifique, s’avère compatible avec une publication. J’estime que ce type de source inestimable d’informations va radicalement changer l’exercice vétérinaire, que ce soit en médecine générale, interne ou comportementale. L’écrasante majorité des propriétaires ne savent malheureusement pas recueillir les marqueurs comportementaux de leur animal ni même des signes cliniques, ce qui dessert au final leur compagnon. Si, grâce aux outils connectés, il était possible de connaître de façon fiable le niveau d’activité, les variations de température, de fréquence cardiaque ou de l’état métabolique de l’animal, notre exercice gagnerait en performance de manière prodigieuse. De ce point de vue, j’ai été “scotché” par les conclusions tirées du programme.

Quels en sont justement les enseignements ?

T. B. : Ce qui m’a été donné à voir sur la vie des chats est un ravissement. En analysant l’éco-éthologie des chats, on comprend pourquoi ils supplantent les chiens dans les foyers : ils sont capables de s’adapter à tout type d’environnement, tout en gardant leurs traits originels. Du côté des chats “ruraux”, je suis particulièrement marqué par l’exemple d’un chat vivant en lisière d’un massif forestier. Son domaine de vie s’étend sur une surface de 2 km2, ce qui, ramené à son poids, représente l’équivalent de celui d’un tigre ! Non stérilisé, il court certes plus de risques, mais quelle vie ! Cela enrichit mon point de vue sur la stérilisation : elle est tout sauf anodine, les données scientifiques n’y sont pas toujours favorables et elle modifie à jamais la vie de l’animal. Le respect de l’individu devrait primer avant tout.

Le concept de l’émission2 , adapté pour la France, est importé des pays anglo-saxons. Des différences sont-elles présentes ?

T. B. : En France, les producteurs de l’émission souhaitent la participation de vétérinaires pour l’animation du programme. Or, au Royaume-Uni notamment, cette mission est confiée à un biologiste-éthologue, car l’image de la bienveillance auprès des animaux et des connaissances scientifiques s’y rapportant n’y est plus associée à celle des vétérinaires mais à celle des chercheurs ! J’y vois un signal d’alerte. Nous avons encore cette chance en France de bénéficier d’une légitimité dans ce domaine, il appartient à la profession et à ses instances représentatives de la conserver. Il importe aussi de réfléchir à nos pratiques vis-à-vis des animaux, certaines pouvant ternir notre image.

1 Sarah Jeannin, Brunilde Ract-Madoux, Charlotte de Mouzon.

2 Produite par BBC Studios France.