Les situations d’urgences mimées sur un mannequin à Oniris - La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018

ÉCOLES

ACTU

Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL  

Créé il y a quatre ans, le Virtual Critical Care, centre de simulation de réanimation et de soins intensifs, est devenu un lieu indispensable à la formation des futurs vétérinaires nantais. À leur disposition, un mannequin de chien connecté, plus vrai que nature, pour acquérir les gestes qui sauvent avant d’opérer en clinique.

À l’exception du masque canin digne de la commedia dell’arte, on s’y croirait. Mais ici, l’improvisation n’a pas cours. Tout est réglé au millimètre pour reproduire les conditions d’exercice d’une salle d’urgence et de soins intensifs. Jusqu’à la tenue (blouse, stéthoscope, etc.) des étudiants, imposée pour plus de réalisme. Françoise Roux, titulaire des diplômes des collèges américain et européen de spécialiste en urgences et soins intensifs, responsable du service d’urgences et maître de conférences, veille aux détails. C’est elle que la direction d’Oniris a missionné en 2012 pour créer la première plateforme européenne d’enseignement virtuel des gestes d’urgence et de réanimation sur mannequin de simulation, inspirée de la médecine humaine. Le Virtual Critical Care a ainsi vu le jour il y a quatre ans. L’investissement de 150 000 € a été financé par la région des Pays de la Loire et une chaire du Crédit agricole Atlantique Vendée. Ce qui a fait de l’établissement nantais un pionnier mondial dans l’enseignement par simulation. « Rien n’existait, alors on a utilisé un mannequin de bébé fourni par un fabricant norvégien dont les caractéristiques physiologiques sont proches de l’animal », explique Françoise Roux.

Pour apprendre l’autonomie et le travail en équipe

À elle seule, cette “poupée” truffée de hautes technologies coûte 50 000 €. Le mannequin possède un cœur, des poumons, des vaisseaux sanguins. Il respire, a une pression artérielle, produit un bruit cardiaque, dispose d’une vraie bouche et d’une trachée pouvant être intubée, des muqueuses capables de bleuir… « Lors d’un surdosage de morphine, on peut constater les effets jusqu’à l’arrêt respiratoire ou faire varier les battements du cœur de 0 à 300 pul sations par minute », dit-elle, attablée derrière une console de commandes où elle génère divers scénarios et fait varier une multitude de paramètres selon les décisions prises par les étudiants. « L’énorme avantage, c’est que vous pouvez passer trois semaines dans un service d’urgence sans rencontrer le fameux syndrome de tension du foie. Avec le Virtual Critical Care, tous les élèves auront, au moins une fois, vus tous les cas. La philosophie, c’est qu’aucun étudiant n’intervienne pour la première fois sur un patient vivant, rappelle-t-elle. Ça leur permet d’apprendre l’autonomie, le travail d’équipe et d’évacuer le stress. » Et concrètement, pendant qu’une équipe opère, l’autre observe et commente, dans une salle de visionnage, distincte, séparée par une vitre. « Ensuite, on débriefe. Sans les contraintes de l’urgence, savoure l’enseignante. Ce qui permet aux étudiants de mieux raisonner. » Toutes les séances sont filmées. Les vidéos sont ensuite mises en ligne sur la plateforme interne, le Laboratoire expérimental de simulation de médecine intensive de l’université de Nantes (Lesimu), accessible 24 h/24, 7 j/7.

Un équipement précieux mais sous-utilisé

« Ils peuvent ainsi travailler plus spécifiquement et détecter les aspects où ils ont des lacunes. » Inscrit dans le parcours de compétences des vétérinaires, ce système est utilisé 3 x 3 heures en troisième année, 2 x 2 heures en 4e et 5e années, 3 heures avec les internes. « On fonctionne par équipe de quatre, avec le concours d’une ASV », précise Françoise Roux. Interrogés par questionnaire, les étudiants ont plutôt plébiscité cette nouvelle forme d’apprentissage et en réclament. « Très utile. Je suis venu à Nantes pour ça. Il faudrait plus de séances… », disent-ils, pointant, en filigrane, la carence de ce dispositif. Faute de moyens humains, il reste sous utilisé.