Traitement de la maladie rénale : les avancées - La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 31/08/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : KARIN DE LANGE  

Les vétérinaires s’occupent d’un nombre grandissant de chiens et de chats âgés, dont la qualité et la durée de vie ont été augmentées grâce aux progrès réalisés en médecine vétérinaire. D’où le thème choisi par Hill’s pour son symposium mondial 1 : « Les aventures de l’âge, la maladie rénale chronique et le vieillissement ». Résumé des points forts côté rénal.

MRC : la restriction de phosphate est essentielle

La maladie rénale chronique (MRC) est la cause de mortalité la plus fréquente chez les chats de plus de cinq ans, a rappelé Harriet Syme. « Elle est associée à un éventail de changements secondaires, y compris osseux : l’hyperparathyroïdie secondaire ou l’ostéodystrophie rénale. » Chez les animaux atteints de MRC, la parathormone (PTH) et le facteur de croissance des fibroblastes (FGF-23) sont responsables d’une élévation de la phosphatémie à la suite du dysfonctionnement rénal. « Les deux paramètres s’élèvent lorsque la fonction rénale est en baisse. D’ailleurs, le FGF-23 est un excellent indicateur de survie. » Le phosphate joue probablement un rôle plus important chez les animaux atteints de la MRC qu’estimé auparavant, et il a été démontré qu’une réduction de prise de phosphate alimentaire diminue les taux de PTH et de FGF-23 chez le chat. « Les régimes à faible taux de phosphate adaptés aux atteints de la MRC ont été associés à une durée de vie prolongée chez le chat et le chien. »

Le lien entre la vitamine D et la maladie rénale

Chats et chiens ont besoin d’un apport alimentaire suffisant en vitamine D à cause de leur manque de synthèse cutanée de vitamine D3. La vitamine D et ses métabolites jouent un rôle dans de nombreux organes et interviennent dans de multiples processus. « Pour toute description d’une nouvelle affection, il est possible de trouver une publication scientifique mettant en avant une carence en vitamine D comme origine ! » plaisante Valerie Parker. Même si elle est surtout connue pour son impact sur l’homéostasie phosphocalcique, la vitamine D joue aussi un rôle dans la santé rénale. « Une corrélation a été établie entre la diminution de la concentration en vitamine D et l’élévation du stade Iris 2 de la maladie rénale. » Les chiens souffrant de MRC ont un métabolisme de vitamine D altéré qui est sans doute multifactoriel. Chez le chien, la progression de la MRC et la mortalité sont associées à une hypovitaminose D, une augmentation des taux de PTH et de FGF-23. Cependant, une simple supplémentation en vitamine D n’est pas forcément la bonne réponse. En effet, « l’objectif de toute supplémentation en vitamine D devrait être l’augmentation des taux sériques des métabolites 25(OH)D et/ou 1,25(OH)2D ». Or le traitement optimal pour obtenir cette augmentation sans pour autant perturber l’homéostasie n’est pas encore connu.

La restriction protéique: moins importante au début de la MRC

« L’alimentation est l’aspect le plus important dans la gestion de la maladie rénale chronique », souligne Angela Witzel. L’objectif d’une restriction protéique dans les régimes à visée rénale est clair : diminuer les déchets azotés et réduire la quantité de protéines devant bénéficier d’une filtration glomérulaire. Cependant, « la restriction protéique comme thérapie nutritionnelle dans la gestion de la MRC est devenue de plus en plus controversée en particulier chez le chat , car cela peut contribuer à la fonte musculaire ». Il n’y a pas de taux protéique alimentaire optimal. La qualité de la protéine – ou plutôt des acides aminés – est plus importante que la quantité. « La restriction protéique est particulièrement intéressante chez les chats pendant les stades avancés de MRC (stades IRIS 3 et 4), mais d’une moindre importance pendant les stades précoces (stades 1 et 2) lorsque les chats ne sont pas encore urémiques. » Au début de la MRC, « la restriction du phosphate alimentaire est probablement plus importante que la restriction protéique ». La bonne nouvelle : des aliments adaptés aux stades précoces de la MRC sont désormais disponibles et contiennent un taux protéique légèrement réduit, des taux faibles en phosphore et en sodium, et des taux modérément élevés en acides gras oméga 3, en graisse et en potassium. Comparés à des régimes à visée rénale, la plupart des aliments disponibles en grande surface contiennent « des taux très élevés de phosphore », ce qui peut avoir un impact potentiellement grave sur les animaux atteints d’une MRC, prévient Angela Witzel. Les aliments crus devraient être évités également, car « ils ont probablement une teneur trop élevée en protéines et en phosphore ».

Moduler le SRA : traitement de “référence” en cas d’IRC

Le système rénine-angiotensine (SRA) est un régulateur de l’équilibre hydrique et de la pression artérielle, importants dans la prise en charge des animaux atteints d’insuffisance rénale chronique (IRC). L’angiotensine II, générée par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), conduit à une sécrétion d’aldostérone, une vasoconstriction, un stress oxydatif et une rétention de sodium. Ces effets augmentent la pression intra-glomérulaire et aggravent les maladies rénales. « La modulation du SRA, par des inhibiteurs de l’ECA ou avec des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA), est donc considérée comme la référence pour la prise en charge des chiens et des chats atteints de glomérulopathie primaire », explique Harriet Syme. Un ARA (telmisartan) est commercialisé pour le traitement de la protéinurie rénale chez les chats. Bien qu’une étude ait montré la non-infériorité du telmisartan par rapport au bénazépril quant à la réduction de la protéinurie, « il reste à savoir si le traitement avec un ARA est plus efficace que les inhibiteurs de l’IECA pour prolonger la vie des animaux atteints ».

1 Toutes les présentations sont disponibles librement sur hillsglobalsymposium.com/library.

2 International Renal Interest Society.

Harriet Syme Professeure au Royal Veterinary College de Londres (Grande-Bretagne). Valerie Parker Professeure à l’université de l’Ohio ( é tats-Unis). Angela Witzel Professeure à l’université du Tennessee ( é tats-Unis). Article rédigé d’après des présentations faites lors du symposium mondial de Hill’s à Lisbonne (Portugal), en avril.