Comment réagir face à la peur des vaccins ? - La Semaine Vétérinaire n° 1776 du 07/09/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1776 du 07/09/2018

CONTROVERSE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : MARINA CHAILLAUD  

Adeptes du complot, défenseurs des libertés individuelles, arguments pseudo-scientifiques peuvent mettre à mal le discours des praticiens sur l’importance de la vaccination. Pourtant, aucune donnée scientifique ne ne donne raison aux premiers. Que répondre face à ces détracteurs   ?

Depuis leur création jusqu’à la mise en place des 11 valences obligatoires pour les enfants, la vaccination suscite la controverse, en médecine humaine comme vétérinaire. Les praticiens sont donc en première ligne pour démêler le vrai du faux auprès de leurs clients.

Les vaccins sont victimes de leur succès : Un bénéfice en apparence inférieur au risque

Alors que les épidémies mortelles ont quasiment disparu, les potentiels effets secondaires d’un nouveau vaccin sont souvent pointés du doigt dans les médias. Séverine Boullier, professeure en immunologie à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), donne l’exemple de crashs aériens1 : combien de trajets en avion se déroulent sans encombre tous les jours ? Pourtant, dès qu’un accident aérien survient, il est largement médiatisé. On en oublierait presque que c’est statistiquement le moyen de transport le plus sûr…

Aujourd’hui, la plupart des opposants réclament davantage le droit de “consentir éclairés” à une vaccination choisie que celui de ne pas être vaccinés. Il faut voir là une récurrence de la méfiance du public vis-à-vis de l’irruption de l’État dans les affaires privées (encadré). Le public redoute également les effets de certains adjuvants2 (notamment les sels d’aluminium) ou des vaccins vivants atténués comme le ROR3.

Des contrevérités assénées sur Internet ou dans les médias

Certains argumentaires pseudo-scientifiques antivaccins sont tenus par de prétendus “spécialistes” sur Internet ou dans les médias traditionnels. Mais en recherchant au-delà de la blouse blanche, on ne trouve aucun expert crédible. Faux diplômes, faux titres, voire fausses institutions servent de caution pour un public crédule : il existerait, par exemple, un “tribunal des vaccins”… D’autre part, il y a souvent confusion entre liens temporel et causal lorsqu’il est question d’effet secondaire vaccinal. C’est le cas notamment de la polémique sur le vaccin contre le papillomavirus chez les femmes, alors que des études prospectives ont montré que l’incidence des effets secondaires redoutés n’est pas modifiée par la vaccination. Le négationnisme existe aussi : certains disent que la variole n’a pas été éradiquée par les vaccins mais que les mesures d’hygiène ont suffi. Enfin, il y a la théorie du complot : les autorités sanitaires, les médecins ou les vétérinaires seraient à la solde des industries pharmaceutiques. Pour lutter contre cette image, pas de remède miracle pour le vétérinaire, si ce n’est le dialogue et la transparence.

Les réponses à apporter

Il convient déjà de rappeler les grandes réussites de la vaccination d’un point de vue épidémiologique. À l’échelle individuelle et collective, elle permet de bloquer la circulation du pathogène dans un groupe tout en protégeant passivement ceux qui sont trop jeunes pour être vaccinés. Si la couverture de la population est assez importante, le pathogène peut être éliminé : c’est le cas de la variole, déclarée éradiquée en 1980 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est aussi le cas de la peste bovine, au niveau mondial, ou de la rage terrestre en France. Avant 1989, on comptait environ 3 000 animaux enragés et 8 000 personnes par an étaient mordues. Principaux vecteurs, les renards ont été la cible de campagnes d’éradication, mais c’est la vaccination dans des appâts qui a permis le réel déclin de la rage. La France est indemne de rage terrestre seulement depuis 2001. Rappelons également les preuves de l’efficacité vaccinale : pour les vaccins contre la maladie de Carré, le parvovirus ou la leptospirose, les épreuves virulentes des dossiers d’autorisation de mise sur le marché montrent 100 % de protection. De plus, le risque vaccinal doit être relativisé, car les sources “antivaccins” prennent souvent des cas isolés (ou non prouvés) pour des généralités. Il est vrai que des effets secondaires existent, mais ils ne sont pas tous graves. L’intensité d’une réponse immunitaire est variable, car liée au phénomène de l’inflammation : des réactions douloureuses au point d’injection ou des céphalées existent. Mais les chocs anaphylactiques représentent moins d’un cas pour 1 million de doses. La balance bénéfice risque est donc largement en faveur de la vaccination.

Prendre du recul sur les scandales modernes

Une publication britannique établissait, en 1997, un lien entre le vaccin contre la rougeole et l’autisme chez l’enfant, ce qui causa une baisse de la couverture vaccinale et une résurgence de la rougeole. Or, il a été démontré que l’instigateur avait manipulé les résultats. Mais la défiance vis-à-vis de ce vaccin persiste : on compte 407 cas de rougeole en 2017 en France, dont un décès.

L’influence des vaccins sur l’apparition de maladies immunomédiées n’est pas prouvée chez l’homme, ni pour la sclérose en plaque et le vaccin contre l’hépatite B ni pour la myofasciite à macrophage et l’aluminium.

Le plus important reste le suivi de terrain : même si la fabrication d’un vaccin passe par la preuve de son innocuité, vétérinaires, propriétaires ou éleveurs doivent rester pharmacovigilants4 et déclarer les cas suspects.

En ce qui concerne le quotidien du praticien vétérinaire, gardons à l’esprit que les propriétaires “antivaccins” se présentant en consultation auront déjà fait un premier pas : notre écoute et notre ouverture d’esprit sont les clés pour mettre en place le dialogue.

1 Source : conférence de Séverine Boullier, professeure en immunologie à l’ENVT, organisée par NeoCare en janvier 2018.

2 Adjuvants : substances associées à l’antigène vaccinal induisant une réponse immunitaire plus forte que si l’antigène était utilisé seul. Ils ont un rôle pro-inflammatoire et participent à l’efficacité vaccinale.

3 Rougeole-oreillons-rubéole.

4 pharmacovigilance-anmv.anses.fr.

UNE OPPOSITION DÈS LE XVIIIE SIÈCLE