CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO
Trouver des alternatives à l’antibiothérapie est essentiel étant donné la progression de l’antibiorésistance, préoccupation majeure de santé publique. Depuis les années 1960, seules deux nouvelles classes d’antibiotiques ont été découvertes, contre 20 entre 1940 et 1962. Les recherches actuelles ne s’orientent donc plus principalement sur la recherche de nouveaux antibiotiques, mais vers de nouvelles voies thérapeutiques, solutions alternatives à l’antibiothérapie.
Actuellement, les antiseptiques sont recommandés comme seul traitement des pyodermites superficielles. Lors de pyodermites profondes, ils accélèrent la guérison lorsqu’ils sont associés à des antibiotiques administrés per os. La chlorhexidine est l’antiseptique le plus utilisé, mais le peroxyde de benzoyle peut aussi être prescrit. Leur usage doit être raisonné car Staphylococcus pseudintermedius, par exemple, possède un gène de résistance à la chlorhexidine (mais les conséquences cliniques de la présence de ce gène sont encore mal connues).
Il existe plus de 3 000 peptides antimicrobiens (PAM) naturels ou synthétiques. Il s’agit de peptides de petite taille (7 à 100 acides aminés), chargés positivement. Ils ont une action directe antibactérienne, car ils induisent des lésions des membranes bactériennes (chargées négativement). Certains ont une action antimicrobienne indirecte par stimulation des cytokines et des chémokines anti-inflammatoires (immunité innée). Leur activité peut être antibiotique, antifongique, antivirale, anticancéreuse et immunomodulatrice. Cependant, leur action n’est pas spécifique d’un agent pathogène. En médecine vétérinaire, une étude in vivo sur des chiens présentant une dermatite atopique (hors crise d’atopie) a montré une diminution du nombre de bactéries lors d’utilisation de PAM sans recours aux antibiotiques. Une autre étude démontre une amélioration clinique de 84 % à 2 semaines lors d’otite (étude sur 16 chiens traités 1 jour sur 2 avec un PAM artificiel, l’AMP2041, associé à du tri-EDTA et de la chlorhexidine). L’existence d’une résistance aux PAM existe, mais elle est encore mal connue.
Plus de 500 composants actifs sont connus. L’huile essentielle principalement utilisée en dermatologie est celle issue de Melaleuca alternifolia (arbre à thé). Son action antimicrobienne est due à différents mécanismes : atteinte de la membrane bactérienne, perturbation des transports intracellulaires, du gradient de pH et du potentiel électrique.
Chez le chien, des études in vitro ont montré une efficacité des huiles essentielles de manuka, d’arbre à thé, de jojoba, d’avocat et de romarin officinal. Une seule étude in vivo a démontré que l’usage d’un produit à base d’huile essentielle, testé en association avec un antibiotique, accélère la guérison (versus l’association d’un antibiotique avec un placebo). Actuellement, il n’existe pas d’étude in vivo sur l’usage unique d’une huile essentielle dans la gestion des pyodermites.
Chez l’homme, une étude randomisée sur 32 personnes présentant des plaies colonisées par Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (Sarm) a montré l’efficacité de l’huile essentielle d’arbre à thé, les traitements usuels ayant échoué : l’application locale (préparation à 10 %) a permis de diminuer significativement la quantité de bactéries en cause chez 87,5 % des patients et a entraîné un taux de guérison de 100 % dans les 28 jours. L’usage des huiles essentielles semble donc efficace, mais davantage d’études sont nécessaires pour le confirmer, notamment en médecine vétérinaire.
L’utilisation des huiles essentielles présente certaines limites : la qualité et la quantité de produit actif varient d’une préparation à l’autre (en fonction des parties extraites du végétal, du climat, de la composition du sol, etc.). Des effets secondaires sont parfois constatés : dermatite irritative ou allergie de contact.
La résistance aux huiles essentielles n’est actuellement pas connue. Cependant, Vincent Bruet met en garde contre le risque de développement de résistance, étant donné l’utilisation des huiles essentielles à des doses suboptimales dans des produits commerciaux, notamment cosmétiques.
Les bactériophages sont des virus qui se reproduisent de façon exponentielle au sein de son hôte bactérien avant de le détruire. Leur intérêt majeur est leur spécificité d’hôte. En effet, les bactériophages thérapeutiques tuent spécifiquement une bactérie pathogène et n’ont pas d’effet sur les bactéries commensales. Ils sont utilisés également comme vecteurs : un gène ou une molécule d’intérêt peuvent être introduits au sein des bactéries (par exemple, pour transmettre des endolysines qui détruisent la paroi bactérienne, ou des gènes codants pour des peptides augmentant la sensibilité des bactéries à certains antibiotiques, etc.).
Chez l’homme, de nombreuses publications ont rapporté l’efficacité des bactériophages lors d’infections pulmonaires, gastro-intestinales et cutanées. Peu d’études dans le domaine vétérinaire existent sur le sujet. Une étude menée sur dix chiens présentant une otite à Pseudomonas aeruginosa a montré l’efficacité des phages : une seule application d’un mélange de six bactériophages a permis une diminution de 67 % de la population bactérienne en 48 heures et une amélioration clinique de 30 %.
À ce jour, aucun effet indésirable n’a été constaté. Néanmoins, une préoccupation existe concernant la capacité de certains phages à modifier les bactéries en les rendant davantage pathogènes. Il existe aussi des résistances bactériennes aux phages. Enfin, des phages peuvent être inefficaces, car inactivés par la synthèse d’anticorps par l’organisme.
Du fait de la spécificité d’hôte et de l’absence de dysbiose, les bactériophages présentent potentiellement une voie thérapeutique intéressante. De plus, leurs actions sont similaires sur des bactéries sensibles et sur celles présentant une résistance à un antibiotique.
Cependant, d’autres études sont nécessaires pour confirmer leur efficacité et leur sûreté.
Chez l’homme, de nombreuses recherches sur les vaccins contre S. aureus ont été menées, sans succès. En médecine vétérinaire rurale, il existe un vaccin (Startvac® pour les vaches et Vimco® pour les brebis et les chèvres) pour lutter contre les mammites à S. aureus, dont l’efficacité est variable.
Aux États-Unis, Staphage Lysate® est utilisé pour la gestion des pyodermites chroniques ou récidivantes, mais l’efficacité de ce vaccin, contenant des débris cellulaires de S. aureus, n’est pas complétement prouvée.
Le potentiel d’efficacité des vaccins antibactériens encourage la poursuite des recherches dans ce domaine.
Les autovaccins constituent également une piste thérapeutique à explorer. Une étude sur dix chiens souffrant de pyodermites récidivantes donne des résultats encourageants.
D’autres voies thérapeutiques peuvent être envisagées pour lutter contre les bactéries :
- par stimulation du système immunitaire : utilisation du phénylbutyrate (qui stimule l’expression de PAM) ou du peptide synthétique P4 (qui permet d’amplifier la phagocytose de Streptococcus pneumoniae), etc. ;
- usage des probiotiques en prophylaxie ;
- utilisation d’anticorps qui se lient aux pathogènes pour les inhiber, ou inhiber des facteurs de virulence ou des toxines ;
- usage des chélateurs des métaux (zinc, manganèse, fer qui sont nécessaires aux bactéries pour exprimer leur virulence et leur biofilm).
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