ÉTHOLOGIE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : JUSTINE GUILLAUMONT ET LORENZA RICHARD
La présence de chiens et de chats socialisés en clinique vétérinaire aurait un effet positif sur les animaux qui rendent visite au praticien, d’après l’étude menée par Justine Guillaumont, dans le cadre de son master en éthologie, sur le bien-être des animaux en clinique vétérinaire. Les observations ont été réalisées à la clinique du Pont-de-Neuilly (Hauts-de-Seine), où les chiens et les chats du personnel et ceux qui vivent dans la structure circulent librement dans les locaux. Ils sont entraînés à répondre aux tentatives d’agression ou de menace par des comportements d’évitement ou d’invitation au jeu. Ils savent également émettre des signaux de communication positifs aux “patients” stressés ou qui voient rarement des congénères1. Les observations montrent, par exemple, que des chiens venant en consultation comportementale pour des problèmes d’agressivité envers leurs congénères restent paisibles avec ceux de la clinique. Certains animaux reçus par le praticien peuvent même imiter les comportements de leurs congénères, qui montent sur la table d’auscultation, par exemple, et ils se laissent plus facilement manipuler par le vétérinaire. De plus, la moitié des propriétaires interrogés dans le cadre de l’étude confirme que la présence de chiens et de chats familiarisés à la clinique semble apaiser et occuper positivement leur animal. Toutefois, le quart des personnes interrogées disent appréhender la visite de leur animal chez le vétérinaire et le contact avec d’autres animaux, ce qui ne leur permettrait pas d’observer objectivement un apaisement de leur compagnon.
Ces résultats seraient liés en partie à l’empathie2. Celle-ci a longtemps été considérée comme le propre de l’homme, toutefois, les études récentes montrent que la reconnaissance des émotions entre les individus d’une même espèce, mais aussi entre différentes espèces, serait possible. Un chien qui écoute les sons émis par un congénère de vie placé dans une situation de stress (il est laissé seul dans un endroit inconnu) présente des comportements qui indiquent sa contrariété, et lors des retrouvailles, il tend à réconforter son semblable3. Ainsi, voir des chiens et des chats calmes et reposés réduirait l’angoisse des animaux hospitalisés dans l’univers stressant de la clinique vétérinaire.
De plus, des études révèlent qu’il existe une synchronisation des individus entre eux chez les espèces sociales. Cette synchronisation peut être de trois types : temporelle (changer d’action en même temps qu’un autre individu), locale (se trouver au même endroit qu’un individu à un instant donné) et comportementale (produire les mêmes comportements qu’un autre dans un court laps de temps). En clinique vétérinaire, ces découvertes pourraient expliquer notamment l’imitation du comportement des chiens résidents par les “patients”, comme le fait de monter sur la table. Cela pourrait également avoir d’autres applications, pour favoriser la réalisation de comportements par les animaux en soins.
Toutefois, pour que ces interactions restent positives, il est essentiel que les animaux résidents à la clinique soient familiarisés et entraînés aux soins et à l’environnement vétérinaire.
En effet, les chiens et les chats de la clinique doivent savoir comment se comporter face à des congénères stressés. Ils doivent être sociabilisés, familiarisés avec l’environnement et entraînés pour leur rôle, d’abord avec des chiens calmes, puis avec d’autres de plus en plus difficiles, qui vocalisent ou émettent des grognements agonistiques.
Dans la clinique d’étude, les chiens et chats résidents circulent librement dans les locaux et l’appartement du vétérinaire, situé au niveau des deux étages supérieurs de la clinique. Les lieux sont aménagés (paniers, jouets, etc.), afin qu’ils se sentent heureux et transmettent par contagion émotionnelle leurs ressentis agréables aux animaux soignés à la clinique. Dès leur plus jeune âge, les chiens sont placés dans des environnements où ils peuvent se familiariser avec les humains et leurs congénères, en alternant les séjours à la campagne, dans le refuge de l’association Aide aux vieux animaux, à Cuy-Saint-Fiacre (Seine-Maritime), et à la clinique. Ils sont entraînés quotidiennement aux interactions sociales “positives”, notamment par des promeneurs professionnels qui les emmènent dans des environnements stimulants physiquement (forêts) et socialement (groupes de 5 à 15 congénères, pas ou peu familiers). De plus, ils se dépensent dans la clinique en recherchant leur alimentation, qui leur est distribuée au sol.
Les six chats résidents forment un groupe apparenté : la femelle matriarche met bas dans les locaux. Certains chatons sont placés, d’autres restent sur place. Ils ont à leur disposition, à chaque étage et dans toutes les pièces, des couvertures, des jouets, des griffoirs, des endroits pour se reposer, se cacher ou manger, et de nombreuses litières afin d’éviter les troubles de l’élimination. Des arbres à chats leur donnent accès à des ouvertures sur le toit par lesquelles ils peuvent sortir à l’extérieur.
Ces interactions intra et interespèces, qui socialisent et familiarisent les chiens et les chats vivant à la clinique, et qui leur permettent d’apprendre à se comporter avec leurs congénères, peuvent être mises en pratique dans la plupart des structures vétérinaires.
Toutefois, certains animaux soignés, notamment les chats, ont peur des congénères présents en clinique. Disposer une couverture sur leur caisse de transport, ou placer leur cage en hauteur, afin qu’ils ne les voient pas, est alors recommandé.
Enfin, aucun propriétaire ne s’interroge sur la transmission de maladies à leur animal, car les chiens et chats résidents sont l’objet d’un suivi médical et de pratiques prophylactiques. De plus, les contacts entre les animaux résidents et les “patients” atteints de maladie contagieuse sont évités et les protocoles d’hygiène scrupuleusement respectés.
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1 Mariti C., Falaschi C., Zilocchi M. et coll. Analysis of the intraspecific visual communication in the domestic dog (Canis Familiaris): a pilot study on the case of calming signals. J. Vet. Behav. : clinical applications and research. 2017;18:49-55.
2 Custance D., Mayer J. Empathic-like responding by domestic dogs (Canis Familiaris) to distress in humans: an exploratory study. Anim. Cognition. 2012;15(5):851–59.
3 Quervel-Chaumette M., Faerber V., Faragó T. et coll. Investigating empathy-like responding to conspecifics’ distress in pet dogs. Plos One. 2016;11(4):e0152920. doi:10.1371/journal.pone.0152920.