La fin des “péni-strepto” ? - La Semaine Vétérinaire n° 1778 du 21/09/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1778 du 21/09/2018

MÉDICAMENTS VÉTÉRINAIRES

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

L’Agence européenne des médicaments estime qu’il n’y a aucune synergie in vivo entre la pénicilline et la streptomycine, aux doses et pour les indications habituelles.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) lançait, jusqu’à fin octobre 20171, une consultation publique sur son document de réflexion sur l’utilisation des aminosides en médecine vétérinaire. Dans un document datant de juin 20182, l’agence recommande finalement de classer tous les aminoglycosides (aminosides) sur la liste des antibiotiques critiques. L’argument de son Comité des médicaments à usage vétérinaire (CVMP), selon lequel le risque de développement de la résistance bactérienne aux aminoglycosides est moins important que celui portant sur les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations, dont l’usage est plus répandu, ne fait pas le poids face aux recommandations de l’Antimicrobial Advice Ad Hoc Expert Group (Ameg), en collaboration avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Ce sont finalement ces trois acteurs qui devront se prononcer sur le sort des aminosides. Il serait fort surprenant que leur avis final soit modifié. En revanche, les antibiotiques de cette famille qui ne sont pas autorisés en médecine vétérinaire resteraient dans la catégorie 3, en attendant une évaluation des risques.

Un antibiotique critique

Fin 2017, l’agence estimait que l’usage répandu de cette classe d’antibiotiques, qui représentait 3,5 % des ventes d’antibiotiques en Europe en 2015, aurait entraîné un développement de la résistance de plusieurs espèces bactériennes. Les substances ayant le volume d’utilisation le plus élevé étaient la néomycine, la dihydrostreptomycine et la spectinomycine. Dans son document de réflexion, elle recommandait de classer cette famille d’antibiotiques en catégorie 2 de la hiérarchisation établie par son groupe de travail, l’Ameg, en collaboration avec l’EFSA et l’ECDC. Selon l’agence, cette catégorisation considère le risque pour la santé publique due à l’antibiorésistance. Elle indique par ailleurs que, compte tenu de leur importance en médecine humaine, tous les aminoglycosides autorisés, y compris la streptomycine, seraient placés dans la catégorie 2 des antibiotiques critiques (risque plus élevé pour la santé publique). Elle avance, comme autre argument, le fort potentiel de transmission des déterminants de la résistance entre les animaux et les humains, ainsi que le potentiel de cosélection de la résistance.

Pas de synergie entre la pénicilline et la streptomycine

La question de l’utilisation de ces antibiotiques en association a également été soulevée par l’agence. En réponse3 à des commentaires de l’industrie du médicament, notamment sur l’efficacité de certaines spécialités vétérinaires contenant de la pénicilline et de la dihydrostreptomycine, l’agence indique que ce sujet est discutable. Selon elle, il n’y a aucune preuve de synergie entre la pénicilline et la streptomycine, aux doses et pour les indications actuelles, in vivo. Elle ajoute qu’il n’y a pas d’informations cliniques qui permettent de soutenir que la combinaison pénicilline-streptomycine offre un avantage par rapport à la pénicilline seule pour les principales indications. « Concernant des staphylocoques (lorsqu’ils sont pénicillinsensible) et des streptocoques, les CMI 4 ont une faible teneur en pénicilline. Quand les staphylocoques produisent de la pénicillinase, il n’y a pas de synergie du tout », estime l’agence. Pour Pasteurella spp, elle observe également un manque de synergie, même in vitro. Même constat pour E. coli, dont l’agence note que les CMI de la pénicilline sont trop élevés pour une synergie aux doses autorisées. Pour justifier son argumentation, l’agence rappelle que les médicaments vétérinaires contenant de la pénicilline et de la streptomycine en association ont été retirés du marché américain en 1993, car comme aucune preuve de synergie clinique n’a été apportée. En outre, au regard des niveaux élevés de résistance à cette substance et à la spectinomycine chez de nombreux animaux, l’agence recommande que leur emploi soit conditionné par la réalisation d’un antibiogramme.

1 La Semaine Vétérinaire n° 1732 du 22/9/2017, page 15. bit.ly/2pBmYRn.

2 bit.ly/2pyYjN6.

3 bit.ly/2IfGV8X.

4 Concentration minimale inhibitrice.