Les praticiens s’engagent contre l’antibiorésistance - La Semaine Vétérinaire n° 1778 du 21/09/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1778 du 21/09/2018

FILIÈRES HORS-SOL

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Les groupes vétérinaires Chêne Vert conseil et Cristal souhaitent revaloriser les missions du praticien au sein des filières volaille et porc, en mettant en œuvre des projets en lien avec l’antibiorésistance et le bien-être animal.

Le mercredi 12 septembre, lors de l’édition 2018 du Salon international des productions animales (Space) à Rennes, les vétérinaires Julien Flori, du groupe Chêne Vert conseil, et Thierry Gavaret, du réseau Cristal, ont présenté leur démarche commune visant à replacer le praticien des filières porc et volaille dans la lutte contre l’antibiorésistance. Leur postulat de départ : la recherche de solutions pour lutter contre l’antibiorésistance passe par le vétérinaire. « Actuellement, la problématique de l’antibiorésistance est préemptée par les industriels et les distributeurs, qui commercialisent des viandes “sans antibiotiques”, au risque de créer de la confusion pour les consommateurs », expliquent-ils. Alors même que le problème n’est pas l’usage des antibiotiques mais bien leur mésusage. Le praticien apparaît alors comme un acteur moteur pour y arriver. Dans ce cadre, les deux groupes vétérinaires ont identifié trois grands enjeux pour la profession : un enjeu de responsabilité ; d’image, l’idée étant que le praticien soit reconnu comme « un interlocuteur responsable et de référence sur les questions de santé dans les filières » ; et économique, le rôle de conseiller devant être accentué. De là découlent les objectifs de la démarche : contribuer à préserver l’arsenal antibiotique, tout en améliorant le bien-être animal, et redéfinir les rôles et responsabilités des praticiens au sein des filières en cours d’évolution.

Des projets en perspective

« La finalité est d’aboutir à des projets concrets, non pas de proposer une énième charte », soulignent les conférenciers. C’est chose faite. Trois thématiques majeures ont été identifiées : scientifique, économique/sociétale et pédagogique, auxquelles sont d’ores et déjà associés plusieurs projets pilotes. L’un d’entre eux serait de concevoir et de mettre en application des indicateurs de l’antibiorésistance en élevage, afin d’effectuer un suivi du phénomène dans le temps. Un autre chercherait à caractériser des indicateurs de bien-être animal ou de santé pouvant être à la base d’une certification. Un dernier recenserait les connaissances et les démarches innovantes, afin de les diffuser aux éleveurs. « Pour les volailles, Chêne Vert conseil, en collaboration avec Welfarm, va se lancer dans la mise en place d’un cahier des charges “Valeurs d’éleveurs” 1 , pour le groupe Michel, détaille Julien Flori. En clair, l’idée est de développer un suivi d’élevage à forte valeur ajoutée, qui évaluerait les bonnes pratiques d’élevage, en association avec des formations modulables à destination des éleveurs et des techniciens, en ligne ou en présentielle. Avec à la clé, une contractualisation et une certification indépendante vétérinaire ».

Un travail collaboratif

Réflexions en interne, interviews de parties prenantes représentatives des filières, réunions avec les acteurs des filières… s’enchaînent depuis janvier 2017 pour valider la démarche2. Avec une dernière réunion le 29 mars qui a abouti au plan d’action associé aux projets pilotes. « La démarche a été bien accueillie, car jusqu’à présent, les discussions entre parties prenantes étaient plutôt bilatérales, soulignent les conférenciers. Notre démarche, au contraire, s’inscrit dans un processus de concertation. » Parmi les participants, des organisations de production, la grande distribution, des fabricants d’aliments, des abatteurs/transformateurs, mais aussi des experts scientifiques, et des associations de protection de la nature et animale. Le député Loïc Dombreval et le directeur général honoraire de l’Organisation mondiale de la santé animale, Bernard Vallat, font également partie des acteurs ayant été sollicités. « À l’issue de ce processus, la majorité des parties prenantes se sont engagées à participer à un observatoire antibiorésistance/bien-être animal pour suivre les projets pilotes, précisent-ils. Et à maintenir le dialogue. »

1 La démarche “Valeurs d’éleveurs” du groupe Michel vise plus de bien-être animal et moins d’antibiorésistance, en lançant des bâtiments de volailles avec jardin d’hiver.

2 Les deux groupes vétérinaires avaient déjà commencé, en juin 2016, une réflexion sur l’évolution du métier, en lien avec les nouvelles pratiques d’élevage.