DROIT
ÉCO GESTION
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
Cet article aborde les règles encadrant les sites internet de vente de produits pour animaux dont les vétérinaires sont adhérents.
Les sites internet de vente de produits pour animaux1 sont de plus en plus nombreux. Les vétérinaires peuvent être tentés par la création d’une société de vente en ligne ou le partenariat avec l’une d’entre elles. Toutefois, quelques règles doivent être respectées2. Marc Veilly, secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), apporte quelques précisions à ce sujet.
D’après l’article R.242-33 XIV du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), « le vétérinaire peut exercer une autre activité professionnelle compatible avec la réglementation, d’une part, avec l’indépendance et la dignité professionnelles, d’autre part. Cette activité ne doit pas mettre en conflit ses intérêts avec ses devoirs déontologiques, notamment en lui fournissant des moyens de concurrence déloyale vis-à-vis de ses confrères ». Un vétérinaire peut ainsi exercer une autre activité, par exemple une activité de vente en ligne de produits pour animaux au sein d’une société commerciale, dès lors que les deux activités sont juridiquement distinctes et qu’il n’y a pas de lien capitalistique ou économique entre elles. La société commerciale n’est pas inscrite au tableau de l’Ordre.
La prise de participation dans une société commerciale en lien avec l’exercice de la profession vétérinaire oblige le vétérinaire à en informer le conseil régional de l’Ordre des vétérinaires (Crov) auprès duquel il est inscrit (article L.242-2 du CRPM), qui en assure le contrôle conformément à l’article R.242-3-1 du même code.
L’article R.242-40 du CRPM prévoit l’obligation de transmission à l’Ordre des contrats et des conventions conclus dans le cadre de l’exercice de la profession. Les contrats avec les fournisseurs sont exclus de cette disposition. Le CNOV estime que ceux passés entre les vétérinaires et le gestionnaire d’une plateforme de vente en ligne de produits pour animaux relèvent des contrats “fournisseurs” et ne sont donc pas sujets à transmission à l’Ordre.
Tout vétérinaire adhérent a la possibilité d’être référencé au sein du site de vente, afin que ses clients puissent passer commander et faire livrer les produits dans sa structure professionnelle.
Le vétérinaire doit éviter de prendre des engagements contractuels susceptibles de porter atteinte à son indépendance, tels que s’obliger à recommander l’utilisation du site de vente en ligne à ses clients.
L’article R.242-33 XVIII du CRPM dispose que « le vétérinaire ne peut pratiquer sa profession comme un commerce ». L’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux est une activité libérale réglementée, par nature civile. Le Code de déontologie autorise néanmoins le vétérinaire à effectuer certains actes de commerce dans le cadre de son activité libérale dès lors qu’ils sont accessoires à l’activité vétérinaire. Ainsi, l’article R.242-62 du CRPM précise que « la délivrance des aliments pour animaux visant des objectifs nutritionnels particuliers et, d’une façon générale, celle des produits, matériels et services en rapport avec l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux, est autorisée en tant qu’elle constitue une activité accessoire à l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux ».
Le CNOV considère une activité comme accessoire si elle respecte trois conditions (premier principe doctrinal du procès-verbal des 12 et 13 décembre 2017 relatif aux aliments pour animaux) :
- elle reste en lien avec l’activité de médecine ou de chirurgie des animaux ;
- elle est exercée dans le cadre de l’activité vétérinaire (la gestion des marchandises est rattachée à l’exercice de l’activité vétérinaire) ;
- le vétérinaire n’est pas financièrement dépendant des revenus tirés de la délivrance des produits pour animaux.
Ainsi, il revient au contrat de partenariat de garantir le caractère accessoire de la vente des produits à l’acte de soins, en faisant apparaître deux mentions obligatoires (second principe doctrinal du procès-verbal des 12 et 13 décembre 2017) :
- le client doit avoir reçu un conseil relatif à l’achat des produits. Par exemple, il peut lui être demandé de déclarer sur l’honneur être client dudit vétérinaire ;
- les commandes passées par des personnes qui n’auraient pas reçu de conseil préalable sur l’achat du produit ne sont pas autorisées au titre de l’article R.242-33-XVIII du CRPM.
Il appartient au vétérinaire de vérifier préalablement que la commande passée a bien été effectuée par un de ses clients, sinon il doit la refuser. Mais dans ce cas, une information préalable des utilisateurs du site est indispensable conformément au droit de la consommation.
La gestion des marchandises (négociation avec les fournisseurs référencés, ventes en ligne, achat de marchandises, etc.) doit relever juridiquement de l’activité libérale du vétérinaire (nécessité d’un lien juridique effectif entre l’activité libérale vétérinaire et les actes de vente). Le CNOV considère que ce lien peut être assuré par le régime du mandat, sans que cette solution ne soit exclusive d’autres possibilités qui devront être expertisées, au cas par cas, au regard de la déontologie vétérinaire.
Pour les sites fonctionnant avec des vétérinaires partenaires, si le client ne reçoit pas la marchandise chez lui, il ne peut faire livrer les produits achetés que chez le vétérinaire dont il est client, ce dernier ayant obligation de vérifier en amont cette qualité. Dans le cas contraire, s’il ne s’agit pas d’un client, l’établissement de soins vétérinaires ne peut pas servir de point de retrait d’une commande de produits : il ne peut pas faire “Relais colis”.
Conformément au principe de liberté des prix, la société de vente en ligne fixe ses prix indépendamment de ceux pratiqués dans les établissements de soins vétérinaires. Toutefois, cette question est hors du champ de compétence de l’Ordre des vétérinaires et relève de la compétence de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Certains sites de vente en ligne indiquent : « Les vétérinaires du site peuvent être contactés pour des précisions et des renseignements plus approfondis. Ils sont là pour vous conseiller et vous aider à choisir. Leur avis peut être capital sur l’efficacité et l’adéquation d’un produit.
» Il convient de préciser que ces vétérinaires doivent être inscrits à l’Ordre et identifiés, afin que l’internaute soit assuré que c’est bien un vétérinaire qui lui répond. Ils peuvent donner des conseils généraux, mais ne peuvent pas faire de consultation à distance.
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1 Hors médicaments vétérinaires nécessitant une ordonnance.
2 Concernant la réglementation de la vente en ligne de médicaments vétérinaires disposant d’une autorisation sur le marché, voir La Semaine Vétérinaire n° 1775 du 7/9/2018, pages 48-49.