Traitement des affections “orphelines” des bovins : omphalites, méningites, arthrites - La Semaine Vétérinaire n° 1778 du 21/09/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1778 du 21/09/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Si, pour le traitement de certaines maladies fréquentes comme les mammites, une littérature abondante est disponible, ce n’est pas le cas pour d’autres affections, dites “orphelines”, telles que les omphalites, les arthrites ou les méningites, qui sont encore fréquemment traitées de façon empirique. Dès lors, les conférenciers ont cherché à confronter les recommandations publiées par la commission vaches allaitantes de la SNGTV (fiches de bonnes pratiques) aux données disponibles dans la littérature.

Les omphalites : une antibiothérapie adaptée

Les omphalites, affections fréquentes et exclusivement bactériennes, sont souvent traitées par chaque éleveur avec son propre “cocktail” préventif ou curatif. Les antibiotiques font partie de ces traitements mais certains doivent être privilégiés. Il s’agit de ceux ayant une bonne diffusion tissulaire et un spectre d’action pour les entérobactéries, Trueperella pyogenes, les streptocoques ainsi que les germes anaérobies, c’est-à-dire les phénicolés, la gentamycine, la clindamycine associée à la spectinomycine, l’amoxicilline associée à l’acide clavulanique ou les macrolides à utiliser par voie générale pendant 5 à 10 jours minimum. Un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) complémentaire sera aussi mis en place lors de douleur ou d’hyperthermie. Si le traitement médical échoue, un débridement et drainage de l’abcès ou une intervention chirurgicale pourront alors être éventuellement recommandés. Enfin, outre l’hygiène correcte du logement et les bonnes pratiques colostrales, la prévention par désinfection du cordon se justifie pleinement quel que soit l’antiseptique utilisé 1 (navel guard, chlorhexidine, iode). Il convient cependant de ne pas appliquer ces produits trop longtemps au risque de ne jamais voir le nombril sécher.

Les arthrites : une étiologie difficilement identifiable

Les arthrites chez le veau sont des affections généralement secondaires, dont le diagnostic doit être précoce afin de limiter au plus vite la réaction inflammatoire articulaire et éviter ainsi toute lésion cartilagineuse. Si une arthrite septique est suspectée, la récolte de liquide synovial au niveau des culs-de-sac synoviaux de l’articulation touchée peut être réalisée pour déterminer son étiologie précise (Truepella pyogenes, streptocoques, staphylocoques, entérobactéries ou mycoplasma). Cependant, comme les bactéries sont peu fréquemment isolées, toute cytologie avec une concentration en protéines totales supérieure à 4,5 g/dl, un comptage cellulaire supérieur à 25 000 cellules/μlitre, un comptage en neutrophiles supérieur à 20 000 cellules/μlitre ou supérieur à 80 % de neutrophiles pourra aussi être considérée comme significative d’une arthrite septique 2. Un traitement avec un antibiotique permettant le passage transmembranaire dans l’articulation (phénicolés, clindamycine associée à la spectinomycine, macrolides, gentamycine, amoxycilline associée à l’acide clavulanique, sulfamide associé à TMP) devra alors être mis en place de façon précoce, par voie générale, pendant 10 jours minimum. L’utilisation des fluoroquinolones peut se justifier (dans le respect des dispositions réglementaires) dans les cas de polyarthrites associées à un tableau de septicémie colibacillaire dans les 48 premières heures de vie. En outre, l’usage d’AINS en injection unique associé à une immobilisation de l’articulation atteinte peut être conseillé, car cette affection provoque une distension de la capsule articulaire particulièrement douloureuse. à l’inverse, le recours aux traitements corticoïdes (AIS) est discuté pour ses effets potentiellement délétères sur l’immunité et le cartilage articulaire 3. Enfin, si le traitement échoue, ou même en première intention, il est possible de réaliser un rinçage articulaire avec une solution de type Ringer lactate ou bien une arthrotomie associée à un rinçage ou à une arthrodèse du carpe ou du boulet. La difficulté réside souvent dans le diagnostic de toutes les articulations atteintes, comme celle de l’épaule par exemple.

Les méningites, des urgences médicales

à l’exception des malformations congénitales du système nerveux, la majorité des syndromes méningés ont une origine infectieuse qui justifie par conséquent le recours à une antibiothérapie. Le diagnostic peut être confirmé par la découverte d’une protéinorachie lors de ponction de liquide cérébrospinal (LCS), la bactériologie sur LCS étant peu informative car de faible sensibilité. En pratique, un traitement en urgence doit être mis en place avec un antibiotique à large spectre compte tenu de la diversité des agents potentiellement impliqués (E. Coli, pasteurellaceae, streptocoques, staphylocoques). Ce sont les phénicolés (florphénicol : 20 mg/kg, 2 fois par jour SC ou IM), les sulfamides associés au TMP (5 mg/kg, 2 à 3 fois par jour IV ou IM) ou même les fluoroquinolones (5 mg/kg, 2 fois par jour IV) qui sont préconisés 4 pendant 10 à 14 jours minimum, sachant qu’aucun antibiotique ne dispose actuellement d’une AMM. En cas de phase aiguë, le recours à des céphalosporines de 3e ou 4e génération (5-10 mg/kg, 3 fois par jour IM ou IV) pourrait toutefois se justifier compte tenu de l’urgence médicale. L’inflammation des méninges doit aussi être gérée rapidement en parallèle par l’usage de corticoïdes ou d’AINS, complété si besoin par des perfusions de soluté hypertonique et par un nursing poussé du veau.

1 Guatteo et al., 2012.

2 Wieland et al., 2017 ; Faradonbeh et Faradonbeh, 2016.

3 Desrochers et Francoz, 2014.

4 Fecteau, 2009.