Interprétation des analyses chez les petits mammifères - La Semaine Vétérinaire n° 1779 du 28/09/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1779 du 28/09/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR 

La majorité des nouveaux animaux de compagnie (NAC) cachant leurs signes cliniques, la réalisation d’examens complémentaires est essentielle dans la démarche diagnostique et doit être proposée assez rapidement. Peu de valeurs de référence (suivant les standards de rigueur scientifique établis) sont publiées en pathologie clinique. Ainsi, il convient de mettre les résultats en relation avec l’état clinique de l’animal.

Hématologie

Furet

Les valeurs de référence du furet, bien que carnivore domestique, diffèrent de manière notable avec celles du chien ou du chat.L’hématocrite, la concentration en hémoglobine et en érythrocytes sont plus élevés, alors que la durée de vie des érythrocytes est plus faible. Les furets n’ont pas de groupe sanguin détectable et donc pas d’anticorps anti-antigène érythrocytaire. La moyenne du dénombrement relatif des lymphocytes est de 35 %, avec un dénombrement absolu d’un maximum de 3 500/ml. Les neutrophiles sont les leucocytes prédominants. Ils présentent de petits granules pales, qui sont généralement peu visibles. Les éosinophiles ont des noyaux simples ou bilobés. Les granules sont plus ronds que chez le chat et plus petits et plus clairs que chez le chien. Les basophiles sont segmentés et similaires à ceux du chien. Les monocytes sont le plus souvent vacuolés.

Certains facteurs peuvent influencer l’hémogramme : période de reproduction, rythme circadien, contention/stress, site du prélèvement. Les furets âgés de moins de 7 mois peuvent avoir des lymphocytes comme leucocytes prédominants. L’anesthésie gazeuse peut aussi influencer l’hématocrite, pouvant alors chuter à 36 %. La concentration des érythrocytes et de l’hémoglobine chute vite et significativement à cause d’une séquestration splénique. Enfin, la différence des valeurs entre furets putoisés et albinos est négligeable1.

Lapin

Les mâles ont plus d’érythrocytes que les femelles et une plus forte concentration en hémoglobine. Les neutrophiles sont appelés hétérophiles et contiennent de petits granules acidophiliques et un nombre variable de grands granules rouges (pseudo-éosinophiles). Une hétérophilie avec un « virage à gauche » sur l’histogramme indique une maladie inflammatoire. Les lapins ne développent généralement pas de leucocytose lors d’infection bactérienne, mais le nombre absolu de leurs lymphocytes, qui sont les leucocytes circulants prédominants, augmente. Leur nombre est aussi plus élevé tôt le matin et moins le soir. Un comptage d’éosinophiles très faible ou nul n’est pas rare. Les lapins ont peu de basophiles dans leur circulation périphérique. Le monocyte est le leucocyte le plus grand (15-18 µm).

Certains facteurs peuvent influencer l’hémogramme : sexe, âge (les nouveaux-nés ont moins d’érythrocytes, mais un volume globulaire moyen [VGM] et une teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine [TCMH] plus élevés), environnement (les lapins en batterie ont un hématocrite, un taux d’hémoglobine, un nombre d’érythrocytes et de lymphocytes plus faibles), variation diurne, gestation. Aucune variation significative entre les races géantes et naines n’est notée.

Cobaye

Comme chez le lapin, les neutrophiles sont appelés hétérophiles, bien différenciés des éosinophiles par leur couleur azurophile et la morphologie de leur granules cytoplasmiques. Des cellules de Kurloff sont présentes sur le frottis sanguin. Elles sont mononucléées avec des larges corps d’inclusions, représentent 3 à 4 % des leucocytes et sont rarement observées chez les jeunes cobayes.

Biochimie

Furet

L’alanine aminotransférase (ALAT) est un paramètre validé chez le furet. Son activité est dix fois supérieure dans le foie par rapport à d’autres tissus. Sa demi-vie varie de 45 à 60 heures. Il existe une corrélation entre le degré de nécrose hépatique et la concentration sérique en ALAT. L’administration de corticoïdes induit une augmentation d’ALAT. Les phosphatases alcalines (PAL) sont un groupe d’isoenzymes dont l’augmentation d’activité est observée lors de stase biliaire. La bilirubine est un indicateur de la fonction hépatocellulaire et de l’arbre biliaire. Une augmentation est présente lors de lymphosarcome hépatique ou biliaire et de calcul ou de mucocèle biliaire. La glycémie est particulièrement importante chez le furet et varie rapidement lors de maladie. La sous-estimation de la glycémie est possible avec un glucomètre. L’urée est inversement proportionnelle à la filtration glomérulaire. Sa valeur est influencée par le taux de protéines dans l’alimentation, la fonction hépatique, l’état d’hydratation. Elle est cependant peu spécifique et peut être élevée lors d’atteinte pré-rénale, rénale ou post-rénale. La concentration sanguine en créatinine, provenant de la sécrétion tubulaire ou de la dégradation entérique, est, elle aussi, inversement proportionnelle à la filtration glomérulaire. Son augmentation survient lorsque 75 % des néphrons sont non fonctionnels. Il existe une faible corrélation entre l’élévation de l’urée et de la créatinine.

Lapin

L’ALAT est une enzyme hépatique peu spécifique chez le lapin. Elle est par exemple présente dans le myocarde. L’ALAT a une activité moitié moindre par rapport au chien. Sa concentration sanguine augmente lors de régimes riches en protéines. Sa demi-vie est de 5 heures. Il existe une corrélation entre le degré de nécrose hépatique et la concentration sérique en ALAT. Les PAL sont un groupe d’isoenzymes légèrement différentes dans leur structure. Leur concentration sanguine augmente lors de stase biliaire. Les lapins produisent de façon prédominante de la biliverdine. La bilirubine n’est donc pas le paramètre le plus sensible lors d’obstruction de l’arbre biliaire. La concentration sanguine en urée est influencée par le taux de protéines dans l’alimentation, la fonction hépatique, l’état d’hydratation. Une étude2 sur 140 lapins a montré qu’il s’agit d’une valeur pronostique. Avec un suivi de 5 jours, 50 % des lapins ayant un dosage de l’urée entre 0,6 et 1,2 g/l sont décédés, de même que 90 % de ceux ayant une urémie supérieure à 1,2 g/l. La créatininémie augmente lorsque 75 % des néphrons sont non fonctionnels, la limite supérieure est plus élevée. La glycémie est d’ordinaire relativement stable. Cependant, les lapins avec une glycémie supérieure à 3,6 g/l ont un pronostic vital sombre, et les animaux souffrant d’une obstruction digestive ont généralement une glycémie autour de 4,45 g/l.

Cobaye

L’interprétation des valeurs des paramètres biochimiques est relativement similaire à celle du lapin. Cependant, la valeur supérieure de la créatinine est plus basse et la glycémie normale peut être plus haute.

Analyse urinaire

Assez peu de données rigoureusement validées de manière scientifique sont disponibles concernant les analyses urinaires chez les petits mammifères. Les valeurs de références disponibles sont résumées dans le tableau ci-dessus. L’urine est moins concentrée chez les petits herbivores et leur pH urinaire est alcalin (le furet a un pH acide comme les autres carnivores domestiques). Il n’est pas rare de trouver des traces de carbonate ou d’oxalate de calcium, lorsque leur présence est importante, signifiant souvent un apport dans la ration trop important.

1 Hein J., Spreyer F., Sauter-Mouis C., et al. Reference ranges for laboratory parameters in ferrets, VetRecord. 2012;171(1): 218.

2 Zoller G, Di Girolamo N, Huynh M. Biochemical Predictor of Short-Term Outcome in Rabbits with Urologic Disorders. Proceeding ExoticsCon 2015. p. 335 ;

Quesenberry KE, Donnelly TM, Mans C. Biology, husbandry, and clinical technique of Guinea pig and Chinchilla. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Medicine and Surgery. 3rd ed. Quesenberry KE, Carpenter JW, eds Elsevier, St Louis, Missouri. 2012:291 ; Textbook of Rabbit Medicine. 2nd ed.Varga M, eds Elsevier, St Louis, Missouri. 2014:111-136 ; Exotic Animal formulary. 4th ed. Carpenter JW,eds Elsevier, St Louis, Missouri. 2013:502-505, 542-546, 582-585.

Charly Pignon Diplomate ECZM-Small mammals, chef du service NAC à l’ENVA. Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès de l’Afvac à Nantes (Loire-Atlantique), en novembre 2018.