Prophylaxie animale : vers une tarification nationale ? - La Semaine Vétérinaire n° 1779 du 28/09/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1779 du 28/09/2018

MALADIES ANIMALES

ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Après analyse de la campagne de prophylaxie 2017-2018 à l’échelle départementale, le Conseil général de l’alimentation de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a rendu ses conclusions

à l’origine, c’est une grève des vétérinaires sanitaires de la Mayenne, portant sur la tarification des actes de tuberculination, qui avait conduit, en 2015, le cabinet du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt à demander au CGAAER une mission1 d’expertise des modalités de fixation des tarifs de prophylaxie animale. Le rapport, rendu en janvier 2016, préconisait alors aux différents acteurs intervenant au niveau de chaque département de mieux encadrer les tarifs et les procédures de prophylaxie. Pour permettre la mise en place de ces mesures, un arrêté ministériel2 établissant la liste des interventions relatives à des mesures de surveillance ou de prévention obligatoires, ainsi qu’une note de service3 portant sur les modalités de fixation des tarifs de prophylaxie animale, avaient été pris en 2017. Or, après examen du déroulement de la dernière campagne de prophylaxie 2017-2018 (conventions et arrêtés tarifaires), les membres du CGAAER ont constaté que, « dans bon nombre de cas, les instructions de la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) n’avaient pas été suivies ».

Des cahiers des charges au point mort

L’absence d’avancées sur les obligations réciproques des éleveurs et des vétérinaires a tout d’abord été évoquée. En effet, le rapport de la mission de 2016 faisait part de l’importance de la mise en place d’un cahier des charges “éleveur”, comprenant notamment un volet contention, et d’un autre, “vétérinaire”, précisant le contenu des visites et des actes. Or, les organismes à vocation sanitaire et les organismes vétérinaires à vocation technique responsables de ces mesures ont été « très occupés, par ailleurs, dans le cadre d’une démarche ambitieuse sur le maintien d’un tissu vétérinaire en milieu rural piloté par la DGAL », selon les agents du CGAAER, et ils ne s’en sont donc pas chargés.

Une absence de nomenclature commune

Par ailleurs, alors que le strict respect de la nomenclature fixant les tarifs départementaux de prophylaxie (tarifs en euros et non en acte médical ordinal ou en acte médical vétérinaire) était recommandé, les conventions et arrêtés préfectoraux analysés pour cette dernière campagne se sont révélés souvent non conformes. En effet, 55 documents (62 %) ne respectaient pas complètement les prescriptions de l’arrêté ministériel2.

Un bilan des évolutions tarifaires de 2015 à 2018 contrasté

De même, dans la note de service3, il était demandé aux directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), aux directions régionales du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (Draaf) et à la direction administrative financière (DAF) d’« adopter une méthode objective, à partir d’éléments factuels, de fixation des tarifs de prophylaxie justifiés et fondés et si besoin, en cas d’une insuffisance manifeste de certains tarifs départementaux de prophylaxie [d’avoir recours à] des expertises comptables pour éclairer les négociations au cours de commissions bipartites ». Or, les rapporteurs ont constaté que, si les tarifs ont donc connu certaines évolutions, ils présentent encore actuellement “de grosses incohérences”, car ils ne sont généralement pas négociés par des experts éclairés. En effet, à part pour les intradermotuberculinations comparatives (IDC) et les prises de sang (PS), la rémunération actuelle des intradermotuberculinations simples (IDS) et des vaccinations est peu favorable aux vétérinaires ; ces actes n’ayant souvent pas été réévalués dans les départements où ils n’étaient plus pratiqués. Par exemple, les tarifs d’intradermotuberculination simple (IDS) sont inférieurs aux tarifs des PS dans 23 départements, alors qu’ils prennent deux fois plus de temps (technique plus complexe et nécessité d’une seconde visite pour la lecture des réactions allergiques). Le cas particulier de la hausse des tarifs de l’IDC s’explique par une subvention importante de la DGAL qui souhaite privilégier cette pratique plutôt que l’IDS, afin d’améliorer le dépistage dans les zones à risque sanitaire particulier.

Vers l’adoption de tarifs nationaux ?

Face à ces constats, les experts de la DGAL recommandent dans un premier temps qu’une convention-cadre soit instaurée pour limiter les non-conformités dans la présentation des conventions tarifaires. Puis, dans un second temps pour la campagne 2018- 2019, ils souhaitent que les coûts de prophylaxie soient objectivés de façon à rémunérer les vétérinaires selon un revenu cible correspondant à celui d’un vétérinaire praticien. Pour cela, une piste envisagée est de se fixer à la moyenne des tarifs pondérée des PS et des IDC payées selon un revenu correspondant à celui d’un vétérinaire. Le rapport insiste aussi sur le fait que ces tarifs doivent leur permettre d’embaucher, pour la prophylaxie, des étudiants vétérinaires en fin d’études et de jeunes diplômés, afin de « conforter l’implantation de nouveaux vétérinaires en milieu rural ». Pour cette future campagne, il a été retenu la cadence de 40 actes à l’heure pour les vaccinations et les prises de sang, 20 pour l’IDS et 15 pour l’IDC. La dernière étape sera de fixer des tarifs au niveau national, comme les représentants des vétérinaires l’ont déjà réclamé. En effet, il semble que le modèle de négociation tarifaire départemental mis en place en 1990 ne soit plus adapté à la situation sanitaire actuelle qui nécessite, pour les vétérinaires sanitaires, de pouvoir parfois mobiliser du temps ou des collaborateurs pour des actes liés à une urgence inopinée. En outre, le rapport indique que « même si les groupements de défense sanitaire (GDS) ont systématiquement affirmé leur attachement à une fixation départementale, ils n’ont pas permis actuellement d’obtenir d’avancées en matière d’objectivation des coûts, d’objectivation des cadences, et d’obligations en matière de contention ». Par conséquent, les tarifs de prophylaxie collective, de police sanitaire et de visites d’achat devront donc être définis pour un maximum de types d’actes afin de faire face à toute situation d’urgence sanitaire et être équivalents à l’échelle nationale. étant donné que les tarifs de prise de sang et d’IDC se situent déjà en grande majorité à des niveaux correspondant à la rémunération d’un vétérinaire praticien, le rapport de la mission conclut qu’« une négociation nationale pourrait être envisagée dès à présent sans qu’il soit nécessaire d’y mettre de préalable ». Nous verrons donc si ces négociations aboutissent rapidement.

1 Mission n° 15046 du Conseil général de l’alimentation de l’agriculture et des espaces ruraux.

2 Arrêté ministériel du 27 juin 2017.

3 Note de service (DGAL/SDSPA/2017-586 du 10/07/2017).