HISTOIRE
ACTU
Auteur(s) : MARINE NEVEUX
Chevaux, mulets, chiens, pigeons… La liste des fidèles alliés à poils et à plumes des soldats durant la guerre 14-18 est longue. Éric Baratay, historien, est revenu sur cette cruelle épopée lors de la conférence organisée par Paris Animaux Zoopolis, le 8 octobre.
On estime que 11 millions d’équidés ont été enrôlés dans l’effort de guerre. » L’association Paris Animaux Zoopolis et ses invités ont rappelé le rôle des animaux durant la guerre 14-18 lors d’une conférence donnée au musée de l’Armée des Invalides le 8 octobre. Avec « l’ambition que cette lumière du passé puisse nous conduire à mieux les traiter aujourd’hui », a poursuivi en introduction Florence Burgat, philosophe et chercheuse. L’association mène aussi une campagne en vue de l’édification d’un monument pour leur rendre hommage à Paris. Les animaux de la Grande Guerre sur un piédestal… On assiste à une mutation de l’opinion publique sur la perception des animaux comme être sensibles et vivants, souligne Serge Barcellini, contrôleur général des armées et président du Souvenir français. « La mémoire est le réceptacle des évolutions de l’opinion publique ». Il note leurs différentes places durant la Première Guerre mondiale : celle de nuisibles (poux, rats, cafards), puis d’animaux utiles (chevaux, ânes, pigeons, chiens), quasiment des combattants, jusqu’à l’animal mascotte. « Avec le centenaire de la Grande Guerre, les animaux entrent dans la vie commémorative. On passe de l’animal symbolique à l’animal sensible. »
La guerre 14-18 est celle qui a enrôlé le plus d’animaux, constate Éric Baratay, historien et professeur à l’université Jean-Moulin de Lyon, avec d’abord l’omniprésence des attelages hippomobiles. « Sans les chevaux, la guerre n’est pas possible ». En témoigne, après la bataille de la Marne, l’épuisement des chevaux qui limite la progression de l’armée française. Le combat s’enlisera alors en une longue guerre des tranchées. Dans les années 1970-1980, les historiens amateurs redécouvrent la participation des animaux dans ce conflit mondial. Un travail sociétal se met en place. Les historiens y viennent dans les années 2007 à 2010. Beaucoup d’archives ont disparu. Les témoignages d’anciens combattants apportent un éclairage, ainsi que les notes des vétérinaires qui relatent les soins donnés aux animaux, les épidémies auxquelles ils sont confrontés.
La réquisition des chevaux est un basculement de la ferme à la guerre aux conséquences lourdes. Rapidement, les vétérinaires constatent une surmortalité équine considérable, non en raison des obus et tirs, mais parce que les animaux ne sont pas adaptés, ni sur le plan comportemental ni physiquement. En outre, face la pénurie d’animaux, des importations d’Amérique sont organisées, y compris de mustangs, chevaux sauvages non adaptés. Ils affrontent alors les trains, les bateaux, le débourrage en un temps très court, avec des méthodes souvent violentes.
L’effort le plus important pour les équidés est celui de trait et de bât. Les chevaux et les mulets montrent peu ou pas leur fatigue, et s’effondrent subitement lors des trajets. Ils sont laissés moribonds sur le chemin. La mortalité est alors élevée. L’autre fléau est constitué par les épidémies, car les chevaux ne sont pas assez nourris et pas suffisamment résistants. « En France, on estime à 40 % la mortalité des équidés, alors qu’elle n’est que de 20 % en Angleterre, car les fronts sont plus petits et les combattants plus respectueux des besoins des chevaux ».
Les armées entraînent les chiens à savoir repérer les blessés. À l’automne 1914, ils sont réquisitionnés à Paris. L’armée se fournit aussi dans les refuges et fourrières, mais ces chiens, à l’origine surtout errants, sont peu adaptés. Leur rôle sanitaire s’arrête avec la guerre des tranchées. D’autres fonctions émergent : celle du chien de tranchée qui repère à l’ouïe et à l’odorat la présence de l’ennemi qui vient faire des prisonniers la nuit. De plus, leur rôle de messager était également essentiel.
Bien d’autres animaux participent à cette guerre : les pigeons voyageurs, mais aussi tous ceux qui apportent un réconfort et raccrochent les soldats à la vie : des animaux trouvés sur place, des animaux abandonnés ou capturés : oiseaux, hérissons, etc., témoins d’une vie antérieure plus heureuse ou de l’espoir d’une possible vie à venir.
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Pour en savoir plus :
1914-1918, l’autre hécatombe - Enquête sur la perte de 1 140 000 chevaux et mulets de Claude Milhaud, Belin, 2017. Voir La Semaine Vétérinaire n° 1730 du 8/9/2017, page 53.