MANAGEMENT
ÉCO GESTION
Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT
Ils sont impatients, indécis, exigeants et parfois impolis. Pour parvenir à contenir les humeurs d’une clientèle pas comme les autres, quelques règles simples peuvent être mises en place au sein de la clinique.
Il est des journées sans anicroches et d’autres où certains clients peuvent rapidement mettre à mal l’équilibre d’une clinique par leur comportement hors norme. Des situations de moins en moins rares que chacun gère plus ou moins bien. Face à cela la première règle à adopter arrive bien en amont des clients retords. Il convient de mettre en place une organisation qui permette, tant que possible, d’anticiper ces dérives, à tout le moins de les gérer au mieux. Le praticien doit donc édicter des règles et fixer un cadre. « Le mode de fonctionnement de la clinique doit être clairement affiché afin que les clients le connaissent et que le personnel puisse le leur opposer en cas de besoin », résume Thierry Habran, vétérinaire et fondateur dirigeant du groupement de cliniques VetOne. Par affichage, on entend le sens propre du mot, mais aussi le fait de bien énoncer ces règles, qui peuvent concerner les tarifs comme l’organisation de la structure. Elles concernent les clients, mais aussi le personnel. « S’il n’existe pas de cadre de fonctionnement bien clair, les clients sentent très vite les brèches dans lesquelles ils peuvent s’engouffrer », assure ce spécialiste en management des cliniques vétérinaires. Par ailleurs, les clients ont bien souvent plus de retenue avec le praticien qu’avec les ASV. C’est pourquoi, si un ASV se sent débordé par certains comportements peu amènes, il ne faut pas hésiter à appeler le vétérinaire en renfort. Ainsi, chacun trouvera sa place plus facilement. Reste quelques “ficelles” à adopter en fonction du comportement des clients.
« Je ne sais pas… », « Je vais réfléchir… », « Je vous rappellerai… », autant de petites phrases entendues fréquemment et auxquelles on ne sait pas toujours comment réagir. Et surtout, comment couper court à ces échanges, car le client indécis… est chronophage. Dans ce cas, la meilleure solution consiste à être le plus précis possible dans ses propositions. « Et surtout à ne proposer que deux solutions, car la multiplication des options est une source de stress pour un client indécis », estime Thierry Habran. L’offre binaire va de pair avec chaque question. Pour “bousculer” l’hésitant, rien de tel que de procéder par étape : une question, deux solutions ; et surtout pas un enchaînement de réponses, qui ne feront que perdre un peu plus celui qui ne sait pas trancher.
Quand rien ne va et que le client estime être en droit d’exiger toujours plus, inutile de s’emporter et encore moins de se justifier. « On n’a pas à justifier ses choix de tarifs ou d’organisation de travail. En revanche, il faut être en mesure de les présenter clairement aux clients », tranche le dirigeant de VetOne. D’où la nécessité d’avoir un cadre bien fixé. Et donc de pouvoir tout de suite proposer une solution au client. Plutôt des solutions, car l’exigeant a généralement plus d’une revendication dans son sac et chacune mérite une réponse. « Lorsque vous avez fait cinq ou six propositions permettant de répondre à sa demande, le client est forcément moins enclin à faire un esclandre », constate Thierry Habran. Bien évidemment, la diplomatie, mais aussi la fermeté, doit accompagner chacune des proposition ; ainsi le client restera « roi » dans les limites de l’organisation de la clinique. En outre, l’exigeant est souvent insatisfait. Dans ce cas, les recettes sont assez proches. Tact, empathie, écoute et force de proposition – pour “réparer” un oubli, une erreur ou répondre à une demande – font partie de la panoplie des solutions pour gérer les éternels mécontents. D’autant plus si une faute vous est imputable. Dans tous les cas, pas de panique, la situation n’est pas ingérable et les spécialistes de la relation client estiment que neuf fois sur dix un exigeant ou un mécontent reste un client fidèle.
Ah ! Internet et ses myriades d’informations accessibles à tous… Le bien et le mal pour les vétérinaires, de plus en plus confrontés à des clients qui poussent la porte en sachant déjà de quoi est atteint leur animal et comment le soigner. « La première étape vise à savoir quelle est la source d’information du client. Certains ont lu ou entendu, mais d’autres, notamment ceux qui travaillent dans le domaine médical, peuvent avoir suffisamment de connaissances pour esquisser un début de diagnostic. Ensuite, il suffira de proposer à son client d’aller plus loin et de confirmer ou pas son intuition. Ainsi, le vétérinaire reprend la main », explique Thierry Habran. Au-delà des “je-sais-tout”, il existe aussi ceux qui veulent tout savoir et que tout soit justifié. Là, rien de tel que de bien préparé le rendez-vous afin de pouvoir expliquer pourquoi l’on établit tel ou tel diagnostic, pourquoi on propose tel ou tel protocole de soins et à quel tarif. « Avec les clients pointilleux, il faut toujours anticiper, de façon à avoir des arguments et d’emblée rassurer son client et couper court à ses arguments », conseille le spécialiste.
Voilà sans aucun doute celui qui peut en quelques minutes semer la pagaille dans la clinique. Son profil ? Il râle à peine entré et il est capable de faire preuve d’une mauvaise foi telle que tout est prétexte à reproches. Première réaction à adopter : l’isoler pour éviter un spectacle déplorable aux autres clients et lui demander d’expliquer les motivations de son comportement. « Un client agressif et colérique l’est toujours moins lorsqu’il n’a pas de public, et le forcer à verbaliser correctement son mécontentement est un exercice qui va aussi dans ce sens », constate Thierry Habran. De plus, un client en colère est incapable de rationaliser la situation, car il est pris dans son émotion. L’isoler et l’inviter à s’expliquer permet déjà d’apaiser la situation. L’autre règle d’or consiste à ne jamais l’arrêter dans ses explications. « On le laisse aller au bout et on s’assure qu’il a bien terminé avant de lui répondre », ajoute-t-il. Vient ensuite le temps de la reformulation : « Si j’ai bien compris, vous estimez que… », sans oublier de lui dire qu’on le comprend, car comprendre ne veut pas dire qu’on partage son avis. Puis, celui des propositions. « Si l’on a fait une erreur et qu’il existe une réelle cause de mécontentement, il faut bien évidemment s’excuser, puis proposer une solution pour réparer. Si ce n’est pas le cas, on doit ramener le client dans le cadre en lui opposant par exemple un devis qu’il a signé ou les règles clairement affichées dans la clinique », conseille le fondateur de VetOne. Face à une telle situation, garder son calme est surement l’exercice le plus compliqué. Pourtant, c’est la meilleure parade. Face à quelqu’un qui s’emporte et qui hausse le ton, parler bas et lentement reste l’arme la plus efficace pour faire baisser la tension.
Reste enfin une étape à franchir lorsque tout est rentré dans l’ordre : gérer le contrecoup de la crise. En effet, de telles situations sont toujours éprouvantes. Il convient donc de prendre le temps d’en parler et de rassurer ses équipes sur la façon dont elles ont fait face. Le cas échéant, il est nécessaire de mettre en place de nouvelles règles et de tirer les leçons de la situation vécue pour mieux aborder la prochaine.
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