Intérêt de la médecine manuelle lors de vomissements chroniques - La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Commémoratif, anamnèse, examen clinique et ostéopathique

Un chat européen mâle castré de 12 ans est présenté en consultation pour prostration, dysorexie et vomissements bilieux depuis 1 mois. Il est habituellement gourmand, son alimentation à base de croquettes adaptées à son état physiologique n’a pas changé. Il vit à l’extérieur et est correctement vermifugé et vacciné. L’examen clinique révèle un état général médiocre (taux de déshydratation de 7 %, poils ternes et pelliculés), une perte de poids de 4 % par rapport à celui d’origine, une gingivo-stomatite importante, une adénomégalie des nœuds lymphatiques mandibulaires. La palpation abdominale montre un abdomen tendu avec un estomac distendu et douloureux. Une affection métabolique, une gastrite chronique et une intolérance alimentaire sont retenues comme hypothèses diagnostiques.

L’examen palpatoire du squelette axial de la tête au bassin révèle des tensions le long des chaînes myofasciales (dorsales, scapulaires, centrales) et une coupole diaphragmatique gauche tendue. Par résilience tissulaire (évaluation manuelle de la densité et de l’élasticité tissulaire), le complexe vasculonerveux phrénique, le ligament gastrophrénique et les mésos de la cavité abdominale sont perçus en tension. La mobilisation du groupe vertébral T12-T13-L1 est limitée en latéroflexion droite, celle du groupe vertébral L4-L5 en flexion rotation droite et l’articulation lombo-sacrée en flexion.

Examens complémentaires

Les examens biologiques (bilan biochimique, numération et formule sanguines, ionogramme) montrent des valeurs usuelles. L’échographie abdominale révèle des zones d’épaississements localisés de la muqueuse stomacale sans inflammation des nœuds lymphatiques correspondants, un péristaltisme diminué et un contenu gazeux important. Les causes obstructives et métaboliques écartées, une origine inflammatoire stomacale est suspectée.

Traitement

Le traitement par manipulation ostéopathique réalisé au cours de cette consultation débute par des étirements myofasciaux répétés des chaînes dorsales, scapulaires et centrales, suivis d’une technique de compression/décompression sur la coupole diaphragmatique gauche. Il se poursuit par une induction (étirement) tissulaire du réseau neurovasculaire du centre phrénique et du ligament gastrophrénique spasmé. Enfin, les restrictions de mobilité vertébrales T12-T13-L1 et L4-L5 sont corrigées par des techniques de manipulations dites mécaniques directes. Le traitement symptomatique comprend une fluidothérapie (20 ml/kg de chlorure de sodium 0,9 % par voie sous-cutanée) et une prescription de phosphate d’aluminium (1g/kg per os, trois fois par jour pendant 5 jours), de ranitidine (3 mg/kg per os, deux fois par jourpendant 1 mois) et une alimentation assistée hyperdigestible.

Le chat est revu en contrôle 15 jours après. L’amélioration de son état clinique est rapide. Les vomissements s’arrêtent le jour de la première consultation, avec un retour normal de l’appétit.

Discussion

Les vomissements chroniques sont un motif fréquent de consultation en médecine vétérinaire féline. La totalité des outils diagnostiques et thérapeutiques habituellement mis à disposition du praticien pour établir un diagnostic précis et un traitement ciblé n’a pu être utilisée, faute de moyens des propriétaires. Aussi, dans ce cas, la cause des vomissements n’a pu être déterminée. Cependant, les techniques manuelles, en agissant sur la chaîne lésionnelle ostéopathique (chaînes myofasciales, estomac, sacrum, vertèbres) ont permis de visualiser instantanément un soulagement de l’animal en aidant à la levée du spasme gastrique et à l’arrêt des vomissements, autorisant la non-prescription d’antiémétique. Le traitement allopathique a probablement pérennisé cette levée de spasme par son action symptomatique. L’approche ostéopathique constitue un atout en enrichissant l’examen clinique et les solutions thérapeutiques. Sa pratique nécessite d’avoir une démarche structurée, une bonne connaissance de l’anatomie et de bonnes techniques palpatoires.

Bibliographie

- Barral J. P., Corbier A. Manipulations des nerfs périphériques. Elsevier, 2e édition. 2014.

- Barral J. P. Manipulations viscérales 2, Elsevier. 2004.

- Fosse F., Gimenez N. Traité pratique d’ostéopathie mécaniste chez le chien et le cheval - tome 1 : rachis et bassin. Sully. 2008.

- Vibeke S. E. Rikke, Mark Schultz R. Myofascia - The unexplored tissue : myofascial kinetic lines in horses, a model for describing locomotion using comparative dissection studies derived from human lines. Medical Research Archives, n° 3. 2015.

Stéphanie Achcar DIE d’ostéopathie vétérinaire, certifiée EVSO, praticienne à Versailles (Yvelines).