L’obligation d’information du vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 05/10/2018

DROIT

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY 

Devant la récurrence des procès contre les vétérinaires pour défaut d’information, le praticien doit absolument intégrer ce devoir dans sa pratique quotidienne

Traditionnellement, lorsque l’on pensait responsabilité du vétérinaire, on avait en tête une faute commise lors d’un acte médical, le plus souvent chirurgical. Les temps ont bien changé et les plaignants ne se contentent plus de chercher ce type de faute. Pourquoi en effet s’engager sur le terrain d’une faute qu’il va falloir prouver quand on peut tout simplement actionner sur un fondement où il appartiendra au vétérinaire d’apporter une preuve suffisante pour ne pas être condamné ? Voilà qui ne serait pas très judicieux.

Ici entre donc en scène l’obligation d’information. Sévère à l’égard du vétérinaire tout comme du médecin, elle revêt divers aspects.

La formule nous vient initialement de l’arrêt Guyomar du 14 octobre 1997 de la Cour de cassation : le vétérinaire est tenu (avant notamment un acte chirurgical) de délivrer à son client une information loyale, claire et appropriée. On retrouve ces qualificatifs à présent dans l’article R.4127-35 du Code de la santé publique. Pour le vétérinaire, les textes incontournables se situent dans le Code rural aux articles R.242-48 et R.242-49.

Obtenir le consentement éclairé du client

Un seul but suprême à atteindre : obtenir le consentement éclairé du client. Une fois que c’est chose faite, le vétérinaire peut être serein. Parfaitement serein ? La réponse se doit effectivement d’être nuancée. La sérénité pleine et entière ne peut venir que du ménagement de la preuve de la délivrance de l’information et du recueillement du consentement éclairé. Depuis l’arrêt Hedreul du 25 février 1997 rendu par la Cour de cassation, il est constant qu’il appartient au praticien de prouver (il peut le faire par tous moyens et pas uniquement par écrit) qu’il a bien exécuté son obligation. Voilà pourquoi attaquer sur le défaut d’information est si séduisant pour un propriétaire d’animal.

Perte de chance

Et si le praticien ne peut prouver utilement ? Quelle va être la sanction ? Toujours et seulement une perte de chances pour le client d’avoir échappé par une décision peut être plus judicieuse au risque qui s’est finalement réalisé. C’est donc toujours de la réparation d’un pourcentage du préjudice dont il est question et jamais de la réparation de l’entier préjudice.Pour exemple : arrêt de la Cour d’appel de Riom (Puy-de-Dôme) du 25 novembre 2015 : « Les préjudices subis par les propriétaires du cheval ne résultent que de la perte d’une chance d’avoir vu l’animal survivre à l’opération. Il convient de retenir un coefficient de perte de chance de 90 %. Le préjudice réparable s’élève à la somme de 63 000 , la valeur du cheval étant fixée à la somme de 70 000 . Les vétérinaires et l’assureur responsabilité civile sont condamnés in solidum. »

Et s’il était avéré que même informé le client aurait donné son accord ? Un pourcentage égal à zéro appliqué à un préjudice ne donne-t-il pas un résultat nul ? Assurément et c’est pour cette raison que longtemps les juridictions ont débouté les requérants de leurs demandes si la chance de refuser l’intervention était jugée nulle (arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 2013).

Préjudice d’impréparation

Ce contournement de la loi n’est cependant plus d’actualité. En effet, depuis un arrêt de principe de la Cour de cassation du 3 juin 2010, il est avéré qu’indépendamment de l’issue de l’acte médical non consenti, le défaut d’information crée à celui qui devait la recevoir un préjudice moral appelé “préjudice d’impréparation” qui se doit d’être réparé.

Cette sévérité a-t-elle été maintenue par la jurisprudence au-delà de 2010 ? Malheureusement oui pour le praticien.

Récemment et par deux arrêts des 25 janvier et 22 juin 2017, la Cour de cassation a encore confirmé que la perte de chances et le préjudice moral d’impréparation sont deux préjudices distincts qui peuvent tous deux être indemnisés.

En conclusion : devant la récurrence des procès contre les vétérinaires pour défaut d’information, le praticien doit absolument intégrer ce devoir dans sa pratique quotidienne au point qu’il en devienne un véritable réflexe.