Bien-être animal-humain : les connexions - La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018

SCIENCES COGNITIVES

ACTU

L'ACTU

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON 

Le 6 octobre, la Salle philharmonique de Liège a attiré un auditoire nombreux pour une conférence réunissant un moine bouddhiste, un neurologue, un vétérinaire éthologue, une philosophe et une psychologue du travail, autour de la thématique « Bien-être humain, bien-être animal ».

Le neurologue Steven Laureys, spécialiste du coma, connaît bien le moine bouddhiste Matthieu Ricard, qui participe depuis des années aux travaux du Giga-consciousness. Ce centre de recherche interdisciplinaire a publié dans Brain Stimulation, en septembre, le résultat des différents états que la méditation peut induire chez un sujet entraîné comme Matthieu Ricard.

Équipé de trois électrodes scotchées sur son front, Matthieu Ricard s’est prêté à l’exercice en public le 6 octobre, à la Salle philharmonique de Liège (Belgique), lors d’une conférence donnée avec Steven Laureys et leurs invités (vétérinaire éthologue, philosophe, psychologue du travail). Les ondes de son cerveau apparaissaient en direct sur un smartphone et un écran géant.

D’un cerveau à l’autre

Au cours de ce “dialogue” avec le neurologue sur le thème « Bien-être humain, bien-être animal », face à un auditoire nombreux, Matthieu Ricard a souligné que les hommes partagent avec les animaux la qualité d’êtres sensibles et l’aspiration d’échapper à la douleur, à la souffrance et à ce qui menace leur intégrité mentale.

La compréhension de la “sentience” commune qui nous unit au sein du vivant nous permet d’avoir de la considération pour les autres, dont nous sommes interdépendants. C’est la clé pour nous ouvrir à l’altruisme, donc souhaiter le bien de l’autre, qui passe par l’empathie, cette résonance affective et cognitive qui nous permet de ressentir et de comprendre l’autre en nous mettant à sa place. Une qualité dont les psychopathes sont dépourvus.

Au-delà de l’empathie, la compassion nous permet d’agir pour que l’autre ne souffre pas.

La compassion est un véritable antidote au burn-out, qui, chez les professionnels de santé, est causé dans 80 % des cas par la détresse empathique – le soignant ou l’aidant s’épuisant émotionnellement face à la souffrance de l’autre. Dans 20 % des cas de burn-out, le mal-être vient d’être en porte-à-faux entre ses patients et sa hiérarchie.

L’interdépendance du vivant

Matthieu Ricard a rappelé les nombreuses compétences cognitives attestées chez les animaux dans les différents niveaux de conscience qui existent dans le règne animal comprenant plus de 8 millions espèces.

Notre confrère Marc Vandenheede, professeur d’éthologie à l’université de Liège, a présenté un vibrant plaidoyer pour les animaux, en rappelant que le bien-être des humains ne va pas sans le leur ni sans celui de l’environnement, dans un ensemble interdépendant.

« L’histoire particulière de la domestication a permis aux uns comme aux autres de se multiplier dans un certain confort, remis toutefois en cause récemment par l’intensification et l’industrialisation d’une certaine “production”, qui fait naître des questions légitimes quant aux conditions de vie des animaux concernés, jusqu’à remettre en cause le principe même de leur utilisation par l’humain. »

D’autant plus que la science ne cesse de reconnaître « les capacités mentales insoupçonnées des animaux », qui sont loin d’être bêtes, poussant à revoir la copie du cartésianisme.

« O mitakuye oyasin »

« Être responsable des animaux, c’est leur assurer une qualité décente de vie, mais aussi de mort, dont l’omniprésence, sous forme d’abattage ou d’euthanasie, engendre un questionnement éthique plus fondamental, a précisé Marc Vandenheede. La réflexion éthique concernant l’utilisation des animaux par l’humain se doit d’intégrer une composante spirituelle, notamment relative à la mort ». À l’heure du One Health, One Welfare, nous pourrions, comme les Sioux Lakotas, exprimer par un « O mitakuye oyasin » notre reconnaissance à tous nos parents (humains, animaux, plantes, rivières, nuages, montagnes, par exemple).

Au Japon comme au National Institutes of Health aux États-Unis, les chercheurs remercient les animaux de laboratoire pour leur contribution à l’avancée de la recherche biomédicale. Ce qui a permis à Marc Vandenheede de conclure sur cette proposition fraternelle d’ajouter aux trois “R” de l’éthique animale (remplacement, réduction, raffinement) un nouveau “R”, celui du remerciement, de la reconnaissance.