Des mots, un code - La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 11/10/2018

Edito

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Après dix ans de réflexion, l’animal a été considéré en 2015 dans le Code civil comme « un être doué de sensibilité ». Il est (enfin) reconnu selon sa valeur intrinsèque. Une révolution juridique ? Oui pour le civiliste et non pour le pénaliste, car cela était déjà reconnu par d’autres codes. Mais trois ans après la modification du Code civil sur le statut de l’animal, de nombreuses questions restent en suspens. Certes, l’animal n’est plus une chose, mais il ne saurait non plus être juridiquement considéré comme une personne. L’animal serait-il en lévitation juridique ? Dans de nombreux cas, il est soumis au régime des biens. Paradoxal, non ? à quand un statut juridique approprié pour l’animal ? Sur ce dossier, le législateur sait prendre son temps. Qu’à cela ne tienne. L’opinion publique s’empare de la question au risque de voir émerger des mouvements contestataires parfois extrêmes. Du côté des juristes aussi, la machine est en marche. Des colloques s’organisent, des pistes de réflexion sont soumises au législateur. La solution ? Créer un statut juridique intermédiaire et autonome entre les personnes et les biens. Celui-ci tiendrait compte de la sensibilité de l’animal afin de lui garantir une meilleure protection. Et pourquoi pas la création d’un code avec un régime juridique spécifique pour l’animal ? Quel paradoxe encore de constater que ces approches émanent d’une société dont la vision utilitariste et très anthropocentrée de l’animal s’oppose au final à l’effectivité de ce changement de statut. Ces évolutions juridiques souhaitées se heurtent souvent à des “conservatismes bornés” qui peinent à dépasser les intérêts économiques humains. Et puis, il y a aussi lieu de s’interroger sur le rôle de certains lanceurs d’alerte dont les actions peuvent s’avérer contre-productives. Le droit animal de demain légalisera-t-il ces actes militants ? Un tournant important reste à prendre. Il ne faudrait pas que la profession manque ce virage. Qui d’autre que le vétérinaire est le plus légitime pour porter la voix des animaux dans ce débat agité ? Il lui est encore possible d’être force de proposition. En attendant d’y voir plus clair, les poules et les cochons ne sont pas près de prendre la Bastille. Néanmoins, le sujet est sur la table. échanger, débattre, proposer, appliquer semblent encore être les meilleurs leviers à mobiliser pour concilier les différents intérêts en cause. Tout reste à écrire !●

Lire pages 10 et 11 de ce numéro.