ÉTHOLOGIE
PRATIQUE CANINE
L'ACTU
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
L’un des buts de ce projet, assorti d’un “label”, est de moraliser la filière canine et de devenir une réelle force de proposition au niveau politique, en associant bien-être des chiens et sécurité des personnes.
Notre consœur comportementaliste Isabelle Vieira, présidente de la Société européenne d’éthologie vétérinaire des animaux domestiques (Seevad)1, est à l’origine du développement d’un nouveau concept, “Le chien mon ami”, sorte de révolution culturelle en faveur de la bientraitance interprofessionnelle des chiens. Entretien.
Isabelle Vieira : Ce concept se décline en trois axes :
- la création d’une communauté active sous forme d’un réseau national multiprofessionnel (éleveurs, éducateurs, vétérinaires, etc.) récompensant les personnes ou structures qui s’engagent dans l’éthique canine, référencées sur un site ou une application par une sorte de label délivré par la Seevad ;
- la formation des auxiliaires, des vétérinaires et des étudiants à un abord bienveillant de l’animal et à une meilleure approche de la relation propriétaire-chien. Le but n’est pas de sanctionner les confrères, mais au contraire d’élever le niveau de l’éthique générale des pratiques et, si besoin, d’aider à leur changement (grâce à des livrets explicatifs, notamment). Cela améliorerait l’image globale de la profession et récompenserait également le praticien pour son engagement individuel. Toutefois, notre profession étant réglementée, nous devons discuter pour savoir comment mettre cela en pratique ;
- la construction d’une force politique pour réhabiliter la place du chien en France.
I. V. : Ils ont d’excellentes compétences médicales et chirurgicales, mais ils s’investissent encore peu dans l’approche empathique avec les chiens et leurs propriétaires. Il n’est plus acceptable d’entendre encore un discours d’un autre temps à propos du rapport de dominance, par exemple. L’éthique est un état d’esprit nouveau, qui prend en compte la douleur, mais aussi tous les facteurs de stress vécus par les chiens et leurs propriétaires. Comme dans certaines cliniques pour chats, les praticiens pourraient adapter leurs locaux et former leurs auxiliaires à l’accueil des chiens. Ils ont tout intérêt à modifier leurs pratiques, car une approche éthique fidélise la clientèle.
I. V. : À l’heure où le bien-être animal est au cœur des attentes de chacun, le chien n’échappe pas à la maltraitance. La France compte 20 à 30 % de chiens de moins qu’il y a 20 ans, mais le nombre de morsures et d’abandons reste constant. C’est révélateur d’un problème : la morsure n’est qu’un symptôme de conditions de vie inappropriées. Le “label” est ainsi développé avec la volonté de moraliser la filière canine et de devenir une réelle force de proposition au niveau politique, en associant bien-être des chiens et sécurité des personnes. Il convient notamment de réglementer les conditions d’élevage, de vente et de détention des chiens, et d’imposer l’éducation positive comme la norme. Il est également nécessaire de supprimer le permis de détention et les catégories “chiens dangereux”, la vente de chiots dans les salons, les colliers étrangleurs ou électriques, etc. Il est enfin temps de faire respecter la loi sur la maltraitance et d’en proposer une sur la formation des propriétaires avant l’acquisition d’un chien. L’idée majeure de ce concept est de sortir de nos tours d’ivoire scientifiques pour descendre dans l’arène politique et pédagogique.
I. V. : Le séminaire “Le chien mon ami”, les 24 et 25 novembre, au Zooparc de Beauval (Loir-et-Cher), permettra de faire le point sur la situation actuelle du chien en France et de prendre conscience de l’importance de cette maltraitance ordinaire. Il sera l’occasion d’expliquer les fondements de la relation homme-chien, les freins à une évolution sociétale meilleure et les solutions qui en découlent, et de débattre d’idées pour aboutir à une vraie proposition de loi. Les confrères et consœurs sont conviés à venir participer aux discussions sur ce label et les propositions législatives pour que la bienveillance envers les chiens soit la norme. La profession vétérinaire a tout intérêt à s’engager dans cette évolution politique et à en devenir un acteur majeur.
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1 seevad.fr.