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Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
Le chien-guide d’aveugle ou le chien d’assistance n’est pas un animal comme les autres. Il bénéficie d’un statut dérogatoire.
Début octobre, les médias relayaient une scène « absolument inacceptable ». Une personne malvoyante se faisait expulser d’un supermarché car elle était accompagnée de son chien-guide. Cette situation, qui n’est pas inédite, soulève de nombreuses questions. Que dit la loi dans ce cas ? Le colloque organisé les 11 et 12 octobre à l’université de Bretagne occidentale à Brest (Finistère) a permis, entre autres, d’aborder la question de la protection juridique des chiens-guides et des chiens d’assistance. Le législateur1 et la jurisprudence considèrent que ces animaux ont un statut dérogatoire.
Sur le plan juridique, le chien d’aveugle bénéficie d’un statut spécifique. Par exemple, la loi autorise la présence de chiens-guides dans des lieux publics. De même que l’accès aux transports, ainsi qu’aux lieux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative est autorisé aux chiens-guides ou d’assistance à la condition qu’ils accompagnent des personnes titulaires de la carte d’invalidité, et ce sans muselière ni facturation supplémentaire. La législation européenne prévoit également qu’ils peuvent voyager avec leur maître en cabine. En cas de transport de son propriétaire par une ambulance, il doit en être un passager. Ils sont ainsi admis dans des centres hospitaliers. Dans le même objectif, les conducteurs de taxis ne peuvent refuser des personnes aveugles accompagnées de leur chien. D’autres particularités juridiques couvrent les chiens-guides, ayant par définition reçu une éducation spécifique. Cette formation leur apprend, entre autres, à accompagner les personnes atteintes de handicap. Même s’ils sont remis au bénéficiaire, la loi prévoit qu’il n’y a pas pour autant un transfert de propriété. Le chien-guide demeure en effet toute sa vie la propriété de l’école qui les a formés. Isabelle Sérandour, professeur de droit privé et sciences criminelles à l’université de Brest, rappelle toutefois que la personne à qui il est destiné en est le gardien, doit en prendre soin et répondre à tous ses besoins, dont celui de la détente.
Autre spécificité : de nombreuses municipalités ont exempté les personnes handicapées de l’obligation de ramasser les déjections de leur animal. Le tribunal de grande instance de Lille (Nord) avait même considéré en juin 2000 qu’un chien-guide était «
une prothèse vivante
au service de la personne non voyante
». «
L’animal est traité comme une personne, contrairement aux animaux qui ne font qu’accompagner une personne vulnérable mais sans handicap. Il est une personne par destination, selon la jurisprudence, et suit le régime de celle qu’il accompagne. Ils ne font qu’un
», indique Isabelle Sérandour. Ainsi, menacer le chien-guide d’une personne aveugle ou malvoyante serait menacer la personne elle-même. Isabelle Sérandour indique toutefois que des améliorations de la loi sont encore nécessaires. Elle propose ainsi la prise en charge par la Sécurité sociale des frais de formation des chiens ou encore que la circonstance aggravante soit retenue en cas de vol de l’animal, car celui-ci est indispensable à son propriétaire.
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1 La loi n° 8 7-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social (article 88), modifiée par l’article 54 de la loi n° 2005-102 du 11/2/2005, puis par l’article 10 de l’ordonnance n° 2 014-1090 du 26/9/2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1781 du 19/10/2018, pages 10 et 11.