JOURNÉES VÉTÉRINAIRES APICOLES
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : TANIT HALFON
Les journées vétérinaires apicoles 2018 ont été l’occasion de faire le bilan de l’activité de l’Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère (Omaa), après une phase d’expérimentation d’un an en Bretagne et dans les Pays de la Loire.
Apis mellifera, notre abeille domestique, traverse une zone de turbulence. Outre les menaces biologiques et chimiques, désormais bien connues, qui pèsent sur elle, les apiculteurs pointent aussi du doigt l’insuffisance des dispositifs de surveillance sanitaire de la santé des abeilles. En mars 2017, l’Union nationale de l’apiculture française publiait un rapport soulignant les “graves” dysfonctionnements de l’épidémiosurveillance. Des conclusions confortées par l’évaluation technique du dispositif menée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) près de deux mois plus tard. Lors des journées vétérinaires apicoles, qui se sont déroulées les 11 et 12 octobre 2018 à Oniris (Nantes), Cédric Sourdeau, vétérinaire à la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) des Pays de la Loire, en a présenté les conclusions : « L’audit a révélé une perception variable des objectifs selon les interlocuteurs, ainsi qu’une mise en œuvre hétérogène de la surveillance. » Ce qui amenait les acteurs de la surveillance à se fixer sur les causes de mortalité les plus faciles à identifier, à savoir les mauvaises pratiques apicoles et les maladies. Si cette évaluation a permis notamment de recentrer le dispositif sur des objectifs de suspicion d’intoxication1, les autorités sanitaires avaient déjà pris les devants en mettant en route, dès le mois de mars 2015, la construction d’un Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère, l’Omaa. L’objectif : couvrir l’ensemble des événements de santé rencontrés dans les ruchers. Ce projet a abouti à un test grandeur nature dans les régions Bretagne et Pays de la Loire au second semestre 2017.
« L’observatoire n’est pas un réseau d’épidémiosurveillance, a expliqué Pascal Hendricks, directeur scientifique épidémiologie et surveillance à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Mais ce système se nourrit des données collectées des autres réseaux d’épidémiosurveillance. » Ainsi, l’objectif est-il de faire l’inventaire et d’analyser la dynamique spatio-temporelle des mortalités et affaiblissement, pour détecter précocement les hausses anormales des troubles de santé et d’alerter en conséquence les pouvoirs publics. L’idée est aussi de répondre aux attentes des apiculteurs, en permettant une compréhension de ces événements. En pratique, tout événement de santé observé dans un rucher, quels que soient sa nature ou le nombre de colonies touchées, peut être déclaré à l’Omaa, via un guichet unique régional. En fonction des informations récoltées, le répartiteur orientera le cas vers le dispositif d’investigation adapté : soit les dispositifs étatiques de surveillance des dangers sanitaires de 1re catégorie (DS1) ou des mortalités massives aiguës (MMA), soit le dispositif “autres troubles”, incluant les mortalités hivernales. Pour ce dernier, une visite de recueil des données épidémiologiques est prévue et subventionnée par l’État, à la condition qu’elle soit portée par les organismes à vocation sanitaire (OVS) ou vétérinaires à vocation technique (OVVT)2. Dans les trois cas, à l’issue des visites, des hypothèses diagnostiques sont formulées, ouvrant la voie à d’éventuels examens complémentaires. L’Omaa a également pour vocation d’analyser les données recueillies. Cependant, le système d’information centralisé nécessaire pour les stocker est encore en cours de construction.
Du 1er août 2017 au 31 juillet 2018, la phase pilote d’Omaa a abouti à 274 et 165 déclarations, respectivement en région Bretagne et Pays de la Loire (infograhie). « Nous ne nous attendions pas à en recevoir autant », a souligné Agnès Ménage, coordinatrice OVVT du projet Omaa pour la région Bretagne. Malgré cette affluence, la mise en place d’un planning de garde selon les disponibilités de chacun a amoindri les contraintes, avec au final, chaque praticien qui devait assurer 4 à 5 gardes par mois. Côté Pays de la Loire, une autre organisation du guichet unique a été décidée. « Nous souhaitions inscrire le système dans la veille sanitaire classique, assurée par les structures vétérinaires, a précisé Gérald Therville-Tondreau, le vétérinaire coordinateur pour cette région. Mais l’idée était aussi que les répartiteurs assurent également le rôle d’investigateur. » Ainsi, les appels étaient-ils reçus par les secrétaires de son cabinet qui se chargeaient ensuite de prévenir le répartiteur le plus proche géographiquement.
Si chaque région a dû faire face à un certain nombre de difficultés, notamment un afflux d’appels après e-mailings ou encore trop de déclarations tardives par rapport à l’événement de santé, les deux conférenciers se sont montrés plutôt satisfaits. « Nous avons reçu un très bon accueil de la part des apiculteurs », ont-ils noté. Un ressenti qui devra être confirmé par une enquête de satisfaction qu’ils souhaitent très prochainement mettre en place. Néanmoins, plusieurs points restent encore à améliorer. Parmi eux, citons le manque de communication anticipée sur le projet, notamment pour faire comprendre que tous les événements de santé peuvent être déclarés et pas seulement ceux liés aux xénobiotiques, ou encore les difficultés dans le choix des modalités d’analyse et dans leur interprétation. Il s’agit maintenant de transmettre le bilan d’Omaa aux apiculteurs. Pour ce faire, des réunions sont d’ores et déjà prévues d’ici la fin de l’année dans les régions concernées. Reste aussi à savoir si ce nouveau système contentera les apiculteurs qui, encore cet été, dénonçaient l’absence de réaction de l’État face aux signalements de mortalités hivernales massives des colonies d’abeilles.
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1 Détecter et caractériser les mésusages, les effets non intentionnels et les accidents dans le process de fabrication de produits phytopharmaceutiques, de biocides et de médicaments vétérinaires en recensant et en investiguant les ruchers atteints de mortalités massives aiguës d’abeilles domestiques adultes.
2 L’État paye au maximum une visite “autres troubles” par an, en excluant le coût des analyses.