Les pneumonies interstitielles - La Semaine Vétérinaire n° 1782 du 19/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1782 du 19/10/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ 

Les pneumonies interstitielles regroupent des affections hétérogènes caractérisées par des dommages des parois alvéolaires. Elle peut présenter deux formes : une forme aiguë et une forme chronique.

Dans la première, une congestion pulmonaire, un œdème interstitiel et alvéolaire surviennent lors de la phase exsudative de la maladie. L’infiltration alvéolaire avec des leucocytes et de la fibrine, ainsi qu’une perméabilité augmentée entraînent une accumulation de liquide des échanges gazeux anormaux et donc une détresse respiratoire. Lors de phase chronique, une regénération alvéolaire survient avec remplacement des pneumocytes de type I par ceux de type II. Cela conduit à l’installation d’une fibrose pulmonaire, un épaississement du septum aboutissant à une diminution de la compliance pulmonaire.

La pneumonie interstitielle peut être causée par des agents toxiques, infectieux ou des allergènes.

Signes cliniques

Les signes cliniques de la pneumonie interstitielle varient en fonction du stade de l’affection et de l’agent en cause.

En phase aiguë, ces signes cliniques sont relativement similaires à ceux des infections respiratoires bactériennes, et dominés par des accès de toux, la dyspnée, une hyperthermie, parfois un jetage mucopurulent. C’est généralement l’absence de réponse aux traitements antibiotiques et anti-inflammatoires de première intention qui amène à pratiquer des examens complémentaires.

En stade chronique, les signes d’appel peuvent être une intolérance à l’exercice, une tachypnée persistante, de l’anorexie, une perte de poids, une fièvre intermittente, de la toux et du jetage.

Diagnostic

Le diagnostic repose sur les signes cliniques, les commémoratifs et l’anamnèse du cheval, mais aussi sur la réalisation de prélèvements sanguins, d’imagerie pulmonaire telle que la radiographie et l’échographie, de prélèvements pour isoler l’agent en cause et, au besoin, d’une biopsie pulmonaire.

Voici les examens complémentaires pouvant être réalisés.

Prélèvements sanguins

- un bilan sanguin avec une numération et formule, ainsi qu’une biochimie complète : il permet le plus souvent de mettre en évidence une augmentation des leucocytes (et neutrophiles) et une élévation des paramètres de l’inflammation comme le fibrinogène et le sérum amyloïde A (SAA).

- les gaz sanguins artériels peuvent révéler une hypoxie plus ou moins sévère.

Imagerie

- La radiographie pulmonaire est généralement un excellent outil diagnostic pour mettre en évidence une pneumonie interstitielle focale ou diffuse.

- L’échographie pulmonaire est un bon complément de la radiographie et permet d’évaluer s’il existe des anomalies superficielles pleurales ou au niveau du parenchyme. Les photos 1 à 5 représentent des radiographies et échographies de chevaux où apparaissent des pneumonies interstitielles dues à différentes causes.

Prélèvements

- Écouvillon nasopharyngé : à considérer en phase aiguë lorsque l’implication d’un virus peut être suspectée, par exemple.

- Lavage trachéal : pour cytologie, d’une part, mais également pour recherche d’agents infectieux (bactériologie, mycologie) et de virus par polymerase chain reaction (PCR).

- Lavage broncho-alvéolaire : pour cytologie et recherche de virus.

- Biopsie pulmonaire : peut être indiquée comme matériau pour rechercher des agents pathogènes (virus, bactérie), ainsi que pour l’analyse histologique pouvant apporter des informations sur l’étiologie de la pneumonie interstitielle, mais aussi sur l’étendue des lésions et le pronostic.

Les causes de pneumonie interstitielle

Toxiques et irritants

L’ingestion de certaines plantes comme Perilla frutescens ou le séneçon de Jacob peuvent être responsables de pneumonie interstitielle chez les équidés par l’effet toxique de certains des métabolites de ces plantes sur les endothéliums capillaires.

L’inhalation de fumée occasionne parfois des lésions interstitielles chroniques consécutives à la destruction des membranes alvéolaires et aux réactions inflammatoires à corps étranger déclenchées par les particules carbonées.

Infections virales

Une infection à Morbillivirus a été identifiée en 1995 comme agent étiologique de pneumonie interstitielle aiguë et fatale chez l’homme et le cheval.

Des pneumonies interstitielles sont décrites chez les nouveau-nés et les foals lors d’infections à herpèsvirus équin de type 1, au virus de l’artérite virale équine et plus récemment d’infections grippales. Leur rôle dans l’apparition des lésions granulomateuses et fibrosantes chroniques des adultes reste incertain.

Récemment, une relation entre les lésions de pneumonie interstitielle multinodulaire des chevaux adultes et une infection à herpèsvirus de type 5 a été établie (photos 1 et 2).

Infections bactériennes

Parmi les agents bactériens en cause, il convient de ne pas négliger Mycobacterium avium. Bien que peu fréquentes, les mycobactérioses pulmonaires doivent faire partie du diagnostic différentiel des pneumonies interstitielles chez les chevaux (photo 3). Le diagnostic ante-mortem repose sur la mise en évidence de lésions histologiques caractéristiques, avec l’identification de bactéries acido-alcoolo-résistantes intramacrophagiques par coloration spéciale, et/ou sur la recherche de matériel génétique mycobactérien par PCR à partir d’un lavage trachéal ou de prélèvements tissulaires. La recherche de mycobactéries doit être spécifiquement demandée, dans un laboratoire spécialisé (laboratoire des mycobactéries, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Maisons-Alfort).

Hypersensibilité

La pneumonie interstitielle peut être une des formes d’expression pathologique rare de phénomènes d’hypersensibilité de type III.

Autres

Certains agents fongiques et parasitaires (dictyocaulus arnfieldi) sont sporadiquement associés au développement de pneumonies granulomateuses. Une forme de pneumonie interstitielle est la pneumonie éosinophilique chronique idiopathique. Dans ce cas, le lavage broncho-alvéolaire révélera la présence d’éosinophiles en proportion anormale.

Traitements et pronostic

Concernant les anti-inflammatoires, un traitement à base de corticoïdes est recommandé. L’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peut être nécessaire pour gérer la douleur de l’animal. L’administration d’antibiotiques large spectre est aussi à envisager en traitement ou en prophylaxie de surinfections bactériennes. L’administration d’antiviraux (valacyclovir, notamment) est également à considérer lors de mise en évidence d’un agent viral.

Malgré tout, la plupart des études font état d’un taux de mortalité élevé dans les affections à dominante granulomateuse (photos 4 et 5), surtout lorsqu’elles ont atteint le stade de la fibrose et/ou lorsqu’aucun facteur étiologique n’a pu être identifié et supprimé.

Nicola Pusterla DMV, diplomate Acvim, université de Davis, California, États-Unis. Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès de la Beva à Birmingham (Royaume-Uni), du 13 au 15 septembre.