CONTROVERSE
PRATIQUE CANINE
L'ACTU
Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA
Danny Chambers et Helen Beattie, qui exercent respectivement en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande, mettent en garde contre les conséquences d’une diminution de la couverture vaccinale et de la montée des régimes alimentaires jugés à tort plus sains.
Lors de l’émission Nine to Noon diffusée sur la chaîne de radio néo-zélandaise RNZ le 30 août, un vétérinaire britannique, Danny Chambers, et une consœur néo-zélandaise, Helen Beattie, ont fait part de leurs inquiétudes quant à la montée des mouvements antivaccins et du gain de popularité sur la toile des types d’alimentation pour animaux comme le raw feeding ou les régimes sans céréales. Cette interview fait suite à un article publié à ce sujet dans la revue New Scientist 1, que Danny Chambers (Liverpool 2008) a coécrit avec sa consœur et compatriote Zoe Belshaw (Cambridge 2003). Ils constatent l’expansion des thérapies alternatives, telles que l’homéopathie, la médecine chinoise et même les médiums pour animaux de compagnie via les réseaux sociaux. « Nous découvrons actuellement que pas mal de gens croient que les vaccins font plus de mal que de bien ou que beaucoup d’aliments pour animaux de compagnie sont réellement dangereux et ils s’orientent ainsi vers des thérapies alternatives réfutées. Ils préfèrent aussi se faire conseiller par des groupes Facebook selon lesquels les vétérinaires ne sont pas les mieux placés pour donner des conseils sur la santé des animaux, et ces groupes de personnes semblent se développer », explique Danny Chambers.
Selon lui, cette tendance séduit un nombre non négligeable et croissant de personnes très déterminées à diffuser leur message. Il cite l’exemple sur les réseaux sociaux britanniques d’un groupe fermé où il est question d’alimentation crue, qui compte plus de 40 000 personnes, et d’un autre intitulé en français “La santé canine, la vaccination des chiens, ce que les vétérinaires ne vous disent pas”. Ce dernier recenserait 45 000 personnes qui pensent que les vétérinaires font la promotion des vaccins et de la nourriture pour les chiens afin de rendre les animaux malades et d’en tirer ainsi davantage de profit.
Pour Danny Chambers, inquiet des effets potentiels du refus de la vaccination, cette tendance reflète ce qui se passe en médecine humaine : « En Europe la rougeole a atteint un niveau record 2 . Plus de 41 000 personnes ont été infectées au cours des six premiers mois de l’année 2018, 37 en sont mortes. Et la principale raison est que les gens ont stoppé la vaccination. Il y a deux ans, il n’y avait que 5 000 cas de rougeole. Les vaccins sont victimes de leur propre succès, car une fois que la population est vaccinée et que la maladie ne se manifeste plus, les gens oublient la gravité des affections et commencent à croire que la vaccination est plus dangereuse que la maladie elle-même. »
La mode de l’alimentation crue est également une préoccupation : « Si vous le faites correctement et que vous êtes très bien informé, il est possible de nourrir les chiens avec une alimentation crue et cela peut être très sain ». Cependant, le vétérinaire met en garde sur le risque potentiel de contamination par E. coli ou Salmonella, qui pourra rendre le chien malade comme cela se produit chez l’homme qui consomme de la viande sans la cuire. De plus « si le chien mange du poulet cru, puis lèche le visage des enfants ou du propriétaire, il a de grandes chances d’infecter les humains ».
Helen Beattie, vétérinaire en chef de l’association néo-zélandaise des vétérinaires, a aussi constaté dans son pays le rejet de la vaccination chez certains propriétaires d’animaux et l’intérêt croissant pour les régimes alimentaires crus. Les motifs sont identiques à ceux invoqués par Chambers au Royaume-Uni. Elle constate que la raison pour laquelle les gens s’engagent dans des médecines et alimentations alternatives est née de leur souhait de s’occuper au mieux de leur animal.
La vétérinaire rejoint le point de vue de son confrère concernant les régimes alimentaires alternatifs : « Il existe de nombreuses façons de procéder. Un régime alimentaire cru peut parfaitement convenir, mais cela demande de l’implication, des connaissances, l’obtention d’informations et de conseils émanant des bonnes personnes ».
Elle conclut son interview en suggérant fortement aux auditeurs d’interagir avec leur vétérinaire pour toutes ces questions.
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