Moyens de lutte contre les coccidioses aviaires - La Semaine Vétérinaire n° 1782 du 19/10/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1782 du 19/10/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Les coccidies sont des parasites obligatoires et spécifiques d’hôte. Sept espèces sont actuellement reconnues chez le poulet. L’animal peut être porteur asymptomatique. Ce portage peut évoluer vers une forme subclinique (impact sur les performances) ou clinique (impact sur les performances et la santé) de la maladie. Ainsi, parler de coccidiose implique obligatoirement d’observer une atteinte des animaux (forme clinique, notamment). En volaille, toutes les productions sont concernées. L’impact économique est majeur, de 1 à 3,2 milliards de dollars par an suivant les études, un nombre probablement sous-estimé du fait des formes subcliniques impossibles à chiffrer. Aujourd’hui, en matière de lutte, l’objectif n’est pas d’éradiquer la maladie, mais d’arriver à un état d’équilibre au sein des exploitations, via la prévention (contrôler les populations parasitaires pour éviter les formes subcliniques et cliniques) et le traitement (limiter les effets négatifs de la coccidiose). Au préalable, la mise en œuvre de bonnes pratiques d’élevage est primordiale pour contrôler les entrées et les persistances d’oocystes dans l’environnement.

PRÉVENTION CIBLÉE


ADDITIFS COCCIDIOSTATIQUES

Additifs coccidiostatiques
L’usage des additifs coccidiostatiques est soumis à la réglementation1 des additifs2 pour l’alimentation animale. Ces substances se caractérisent par les espèces et les populations cibles, les doses d’incorporation, la période d’utilisation, le délai d’attente, les contre-indications et les incompatibilités. En volaille, les productions cibles sont les poulets, poulettes destinées à la ponte, dindes, pintades, faisans, perdrix et cailles. Leur emploi n’est pas sans risque. Le principal est le risque d’émergence de résistances, voire de multirésistances. Pour y remédier, des programmes raisonnés d’utilisation ont été développés. Par exemple, les programmes dits “navette”, qui reposent sur l’usage simultané de plusieurs produits, sont les plus efficaces pour les éviter ou les retarder. Cependant, en cas de résistance, cette dernière concernera tous les produits employés. Les additifs présentent aussi un risque de toxicité ou d’interactions avec les médicaments vétérinaires (dose efficace/dose toxique, interaction avec la tiamuline, etc.). À ce jour, il n’y a pas de démonstration que les additifs réduisent l’efficacité des antibiotiques utilisés en humaine ou qu’ils jouent le rôle de facteurs de croissance aux concentrations employées.
1 Même si le règlement 1831/2003 avait envisagé de supprimer les anticoccidiens de la liste des additifs, un rapport de 2008 de la Commission européenne n’a pas retenu cette proposition. Ils ne sont donc pas considérés comme des médicaments vétérinaires (article L.5141-3).
2 Substance, micro-organisme ou préparation, autres que les matières premières pour aliments des animaux et les prémélanges, délibérément ajoutés aux aliments ou à l’eau pour remplir des fonctions précises, incluant un effet coccidiostatique ou histomonostatique.

VACCINS ANTICOCCIDIENS

Vaccins anticoccidiens
En Europe, les vaccins disponibles sont vivants atténués, uniquement pour l’espèce Gallus gallus. Six vaccins1 sont autorisés dans tous les États membres, à raison de trois pour les productions courtes et trois pour les productions longues2. Ils visent la totalité du parasite, permettant d’éviter tout risque de résistance. De plus, les vaccins commercialisés proposant chacun différentes espèces de coccidies, il est possible d’en intégrer de nouvelles dans le protocole de vaccination. Néanmoins, ils présentent plusieurs inconvénients, notamment leur coût élevé et le délai de mise en place de la protection (2 à 3 semaines). Ils sont sensibles aux anticoccidiens (prévention et traitement), ce qui exclut l’utilisation d’un traitement dans les 2 à 3 semaines suivant la vaccination. Ils sont peu efficaces dans les élevages à forte pression coccidienne à la première utilisation (compétition avec les populations sauvages) et ne montreront leur potentiel qu’après le deuxième ou le troisième lot vaccinal. Leur administration est délicate. Enfin, le fait qu’ils soient vivants implique des conditions plus difficiles de production et de conservation. Même si, sur le terrain, des répercussions sur la croissance des animaux sont notées, il n’est pas exclu que d’autres pathogènes y contribuent.
1 Evalon® et Hipracox® Broilers (Hipra), HuveGuard® MMAT et HuveGuard® NB (Huvepharma) Paracox® 8 et Paracox® 5 (MSD).
2 Les vaccins n’intégrant que les principales espèces de coccidies rencontrées sur le terrain sont à utiliser pour les productions courtes.


DÉSINFECTANTS

Désinfectants
Dans la lutte ciblée, la base est l’élimination de la litière et le lavage des bâtiments et du matériel. L’objectif est de réduire la pression environnementale en oocystes. Pour ce faire, l’éleveur a à sa disposition un certain nombre de produits désinfectants. Ces derniers ne sont pas considérés comme des médicaments mais comme des biocides1. De fait, la présentation des produits ne doit pas contenir d’allégations préventive ou curative à l’égard des maladies animales. De plus, le produit biocide indiqué pour le traitement du matériel ou des locaux ne doit pas être utilisé sur l’animal ou appliqué en sa présence. Si c’est le cas, seule l’activité répulsive est acceptée, une action létale sur le parasite impliquant de fait sa classification en médicament vétérinaire. En pratique, les produits étant testés dans des conditions de laboratoire, en découle une efficacité limitée sur le terrain. Seuls quelques-uns sont efficaces, comme le sulfure de carbone, le bromure de méthyle et l’ammoniac, contrairement à l’eau de Javel, au formol et aux ammoniums quaternaires. De plus, leur effet n’est pas prouvé sur toutes les espèces de coccidies.
1 Tout produit destiné à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière par une action chimique ou biologique.


AUTRES PRODUITS PRÉVENTIFS

Autres produits préventifs
D’autres produits revendiquent une action préventive indirecte contre la coccidiose, en stimulant l’immunité, prévenant le stress oxydatif… Il s’agit des pro et prébiotiques, de l’homéopathie, de l’isothérapie, des extraits végétaux, des huiles essentielles, des tannins, des minéraux et argiles, ainsi que des extraits de levures. Pour autant, jusqu’à présent, aucune démonstration n’a montré une efficacité réelle de ces produits. Cependant, pour les pro et prébiotiques, l’action contre Eimeria tenella serait éventuellement intéressante.
Le critère d’efficacité “excrétion des oocystes” n’est pas pertinent, l’excrétion étant fluctuante. De même, évaluer l’intensité de l’infection par raclage des muqueuses est inapproprié. Les critères d’efficacité à prendre en compte sont la conservation des performances, par rapport à un témoin non infecté, ainsi que la réduction des symptômes.

Jean-Michel Repérant Ingénieur de recherche à l’Anses. Article rédigé d’après une présentation faite lors du Salon international des productions animales à Rennes (Ille-et-Vilaine), le 12 septembre.

TRAITEMENT

Le traitement n’est à mettre en place qu’en cas de coccidiose diagnostiquée, et non de portage simple. L’objectif est de limiter les effets négatifs de la maladie, et de permettre aux oiseaux de développer leurs défenses immunitaires. En pratique, il convient d’intervenir le plus vite possible une fois le diagnostic posé, le développement parasitaire étant rapide. À l’échelle du lot, le traitement ne vise que les oiseaux bien portants, les malades étant exclus. Deux jours sont généralement suffisants1. Un arrêt de l’aggravation de la maladie, ainsi que du nombre d’individus atteints, signifie que le traitement est efficace. Après celui-ci, il est possible d’observer de nouveaux signes de coccidiose, en lien avec le développement d’autres espèces de coccidies ou avec des animaux nouvellement en contact avec les pathogènes visés par le traitement. À ce jour, peu de médicaments sont disponibles (toltrazuril, amprolium, sulfamides, etc.). Les résistances sont possibles.

1 Si le traitement est utilisé plus longtemps et qu’il semble efficace, c’est probablement lié au fait que les oiseaux malades guérissent naturellement au bout de 4 à 5 jours.