PROFESSION
ACTU
Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL
Les modalités de la délégation d’actes vétérinaires aux auxiliaires spécialisés vétérinaires pourraient être précisées dans le courant de l’année 2019.
Déléguera ou ne déléguera pas ? La délégation d’actes vétérinaires aux auxiliaires est l’une des orientations étudiées par le projet Vetfuturs. Dans son livre bleu, présenté début juillet par le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) et le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), la profession s’interroge sur l’entreprise vétérinaire de demain. Parmi les enjeux d’avenir, la formation des auxiliaires vétérinaires, dont la spécialisation des tâches effectuées est soulignée, tient une place importante. Le projet envisage ainsi une évolution des fonctions des auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV ; front-office/back-office) allant jusqu’à la délégation de certains soins dans certains cas. Le SNVEL s’est d’ailleurs récemment prononcé en faveur de cette évolution et reconnaît, sondage à l’appui, qu’il s’agit d’un tournant souhaité par les praticiens. La question de la délégation d’actes vétérinaires aux auxiliaires fait ainsi l’objet d’une réflexion en cours portée par l’Ordre et le SNVEL. Outre la question des actes visés, il s’agira aussi de résoudre et d’anticiper d’autres problématiques telles que les modalités de délégation, la formation des ASV, leur rémunération ou encore la part de responsabilité de chaque acteur. En France, le chantier en cours pourrait aboutir d’ici 2019 et devrait être à l’origine d’une modification du Code rural et de la pêche maritime. Dans l’intervalle, il est déjà possible de s’intéresser à la situation de nos voisins européens.
Lors de l’enquête Vetfuturs France menée entre juin et juillet 2017, 70 % des vétérinaires qui ont participé à cette enquête se sont montrés favorables à une délégation de certains actes aux auxiliaires. En outre, les délégués du SNVEL ont récemment adopté son principe en assemblée. La réflexion actuellement menée par l’Ordre et le syndicat devrait permettre de préciser les modalités de cette évolution. Selon Pascal Fanuel, vétérinaire et membre du CNOV, une liste des actes concernés a été établie, mais n’est pas figée. « Les textes sont en cours de réflexion au niveau de la profession », indique-t-il. L’Ordre, les syndicats et organisations techniques devront encore peaufiner leur copie. À ce stade, plusieurs actes pourraient être concernés. Il s’agirait de certains prélèvements à fin d’analyses, de l’assistance à l’anesthésie, de certains soins locaux, de désinfection et pansements, d’injections sous cutanée et intramusculaire, de mise en place de cathéters. « Les actes délégables ne le seront que sous l’autorité du vétérinaire employeur, qui sera responsable des actes de son employé », souligne Pascal Fanuel.
Selon lui, tous les auxiliaires ne seraient pas concernés par cette mesure. Seuls les personnels non vétérinaires, salariés d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires habilités à exercer, qui sont titulaires du titre homologué d’ASV (échelon 5), pourraient effectuer ces actes, et ce sous l’autorité du vétérinaire employeur. « Il n’est question que de déléguer certains actes à des personnels non vétérinaire, salariés d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires habilités à exercer, sous l’autorité du vétérinaire employeur » précise Pascal Fanuel. Selon la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires, l’auxiliaire d’échelon 5 peut déjà assurer le conseil et la vente argumentés des produits vétérinaires sans prescription et assister le vétérinaire lors de soins et examens complémentaires ou encore lors de soins pré-, per- et postopératoire. L’accès à cette qualification se fait soit par formation, soit par validation des acquis de l’expérience professionnelle, à l’issue d’une expérience professionnelle salariée ou bénévole d’au moins trois ans équivalents temps plein, en continue ou discontinue en rapport avec les activités de la certification visée. La future réglementation devra aussi donner des précisions sur une formation appropriée des ASV pour ces nouvelles tâches. À noter également que, logiquement, la réglementation à venir devra préciser la part de responsabilité de chacun des acteurs, dont celle du vétérinaire employeur en cas de délégations d’actes. Le Code de déontologie prévoit en effet à l’alinéa III de son article R.242-33 que ce dernier veille à définir avec précision les attributions du personnel placé sous son autorité, à le former aux règles de bonnes pratiques et à s’assurer qu’il les respecte.
Dans la partie 4 du livre bleu Vetfuturs France, un scénario de rupture est imaginé pour le statut des auxiliaires. «
Fort de son succès auprès des vétérinaires, une application s’est ouverte en 2027 aux auxiliaires vétérinaires, une population peu reconnue, prête à se déplacer à domicile pour les actes de soins et ravie de jouir d’une grande autonomie. Dès lors, l’application a progressivement diminué les tarifs de rémunération des vétérinaires partenaires. Ils doivent aujourd’hui pratiquer de plus en plus d’actes pour maintenir leur niveau de rémunération et viennent de lancer un mouvement de grève, estimant la position de MyBestFriend abusive et “quasiment monopolistique” !
» Le vétérinaire de demain devra-t-il faire face à ce type de situation ? Non, répond l’Ordre. La question n’est pas d’opposer les praticiens et les ASV. Outre-Manche, le débat sur la délégation d’actes vétérinaires aux auxiliaires est tout aussi vif, bien que la réglementation permette déjà aux vétérinary nurses d’effectuer certains actes tels que des injections ou des actes de chirurgie non invasive. Une enquête1, publiée le 31 octobre 2017 par le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS), témoigne de la volonté des veterinary nurses d’obtenir plus d’autonomie. Certains révèlent que ce changement se constate déjà sur le terrain. Ainsi, des auxiliaires indiquent pratiquer des anesthésies générales chez des chiens, des castrations de chats ou encore de veaux. Ils réclament de pouvoir effectuer légalement ces actes, une demande soutenue par une partie des praticiens anglais. Pour l’heure, le RCVS stipule qu’il n’est pas question d’autoriser les auxiliaires à effectuer des castrations de chat. En revanche, il indique vouloir clarifier la réglementation actuelle et ne s’oppose pas à l’élargissement de la liste des actes délégables, sous réserve notamment que les auxiliaires suivent une formation adéquate.
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