CONFÉRENCE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
La diarrhée virale bovine (BVD) est actuellement considérée comme l’une des maladies virales les plus préoccupantes chez les bovins à travers le monde. En effet, malgré les progrès réalisés grâce aux plans obligatoires et volontaires d’éradication en Europe1, cette maladie reste endémique dans de nombreux pays2 et continue de faire des dégâts cliniques, mais surtout économiques. Cependant, des facteurs de risque peuvent être identifiés pour expliquer l’introduction et la dissémination du virus en élevage, notamment l’introduction dans le troupeau d’animaux achetés et le contact avec des élevages voisins3. Le cas clinique présenté par Anna Bruguera Sala et récompensé par le BVD Zero Award 3 en témoigne, avec l’exemple de l’incursion du virus de la BVD dans une exploitation indemne4 du nord de l’Angleterre.
L’élevage de bovins allaitants et de brebis reproductrices, sujet de cette étude, se trouve en contact avec trois élevages voisins dont le statut BVD est inconnu. Les vêlages ont lieu au printemps et à l’automne. Chaque année, quelques animaux (notamment des génisses de remplacement) sont achetés et testés à leur arrivée par prise de sang (antigènes BVD et sérologie paratuberculose). Concernant les protocoles de vaccination, les veaux sont vaccinés à 2 semaines d’âge (Rispoval® RS + PI3 intranasal (Rispoval® 4 jusqu’à 2012) de Zoetis UK) et les jeunes reçoivent en octobre les vaccins Tracheine® et Rispoval® RS + PI3 intranasal. Les génisses de remplacement nées à l’élevage reçoivent une première dose de vaccin inactivé non cytopathogène BVD Bovidec® (Elanco) fin septembre ou début octobre, puis une seconde dose 1 mois plus tard. Les génisses de remplacement, quant à elles, sont souvent déjà vaccinées contre la BVD à l’achat.
En 2011, alors que le troupeau était vacciné contre la BVD depuis plus de 10 ans, les sérologies réalisées sur les veaux de l’exploitation avaient signalé la présence du virus BVD dans l’exploitation. à partir de janvier 2012, une identification et une éradication des veaux infectés permanents immunotolérants (IPI) avaient alors été menées, ainsi que la réalisation de tests sanguins sur les adultes (antigènes de BVD) et l’analyse d’échantillons de peau du pavillon auriculaire des veaux à la naissance (antigènes de BVD). En 2014, après deux sérologies négatives chez les veaux, l’élevage obtenait un statut indemne (Premium cattle health scheme). Or, même si ce statut a été obtenu après de lourds efforts, les enseignements de cette crise n’ont pas été tirés, car, en 2018, le troupeau a été de nouveau infecté.
En effet, en février 2018, les vétérinaires sont appelés plusieurs fois pour des cas sévères de pneumonie chez les veaux. Des cas de BVD ayant été détectés au même moment dans un élevage voisin, la présence du virus a été également suspectée dans cette exploitation. Parmi les 17 veaux de plus de 1 mois testés (antigènes BVD) en mars 2018, 3 se sont révélés positifs à deux reprises (intervalle de 21 jours), confirmant ainsi leur statut d’IPI. Cependant, ce sont les veaux non IPI (infectés aigus ou transitoires) qui ont présenté le plus de signes d’infections liées aux effets immunosuppressifs de la BVD (pneumonie, diarrhées). Au total, 9 veaux sont morts parmi les 17 (dont les veaux IPI). Outre les pneumonies, la cryptosporidiose a été à l’origine de forts taux de mortalité et de morbidité chez des bovins et des ovins de l’élevage. En revanche, aucun avortement n’a été constaté dans le troupeau au cours de l’automne 2017 et du printemps 2018, avec un taux d’infécondité resté stable (12 %) par rapport aux années précédentes. Au total, du fait de la mortalité liée aux infections secondaires, des examens de laboratoire et des visites vétérinaires, cet épisode de BVD s’est révélé très onéreux pour les éleveurs.
Pour expliquer l’incursion de la BVD dans cet élevage alors indemne, les éleveurs et les vétérinaires ont cherché à isoler les sources principales d’infection.
Fin juillet 2017, un groupe de 17 génisses gestantes non vaccinées contre la BVD a été acheté à une exploitation de statut BVD inconnu. à leur arrivée, ces vaches ont été testées négativement pour la BVD (antigènes) et ont reçu deux injections de Bovidec® à 1 mois d’intervalle. Puis, elles ont été “isolées” dans une pâture au contact avec un autre élevage voisin de statut BVD inconnu. Début 2018, un individu IPI de 18 mois, d’un élevage voisin, qui pâturait à proximité des vaches gestantes achetées a été identifié. 14 génisses sur les 17 présentes étaient alors entre 88 et 124 jours de gestation, et présentaient donc un risque de donner naissance à des veaux IPI.
Dans le cas présent, il n’a pas été possible de confirmer si les génisses avaient été infectées avant ou après l’achat, car, à leur arrivée dans l’exploitation, seuls des tests antigènes BVD ont été effectués. Or, dans la mesure où les animaux n’avaient pas été vaccinés par leur vendeur, des sérologies auraient aidé à déterminer si, avant l’achat, les génisses avaient déjà été exposées au virus. Les deux facteurs (introduction de vaches gestantes extérieures et contact avec des élevages voisins) peuvent donc être potentiellement incriminés pour expliquer l’incursion virale.
Le virus a pu ensuite être disséminé dans l’exploitation par ces génisses, qui ont été déplacées plusieurs fois et mises en contact avec d’autres animaux, notamment avec d’autres vaches gestantes. Selon des études récentes5, les vaches gestantes avec un fœtus IPI ont des titres anticorps BVD plus élevés que celles non porteuses de virus IPI ; si à leur arrivée, des sérologies fortement positives avaient été observées, ces vaches auraient pu être isolées jusqu’à la fin de la gestation, leurs veaux testés à la naissance et, au final, une contamination virale évitée. Le prélèvement à la naissance d’un échantillon de peau du pavillon auriculaire est le moyen le plus rapide et le plus efficace, malgré son coût, pour identifier des veaux IPI et limiter la dissémination. Dans le cas de cette exploitation, où seul le test antigène BVD a été réalisé sur les veaux âgés de 1 mois, le virus a ainsi pu se propager.
à partir de l’automne 2018, pour éliminer le virus de l’élevage, il a été décidé de tester à la naissance tous les veaux (échantillon de peau d’oreille) et, en cas de résultat positif, de les tester de nouveau 21 jours plus tard. Les veaux IPI devront alors être isolés. De même, des sérologies BVD seront effectuées sur tous les veaux de 9 à 18 mois, et le protocole vaccinal a été modifié pour une injection unique de Bovela® (Boehringer Ingelheim), associé au Rispoval® RS + Pi3 intranasal afin de simplifier le travail des éleveurs. Pour éviter toute nouvelle introduction du virus, les génisses gestantes ne seront plus achetées et tout nouvel animal devra être isolé, testé pour la BVD (antigène et sérologie) et vacciné si nécessaire. Pour régler le problème de distance suffisante avec les élevages voisins, une double clôture avec un espace de séparation de 3 m sera installée autour de certaines pâtures. Le risque d’infection restera toujours important dans cet élevage, car des animaux extérieurs continueront à arriver et les contacts avec les élevages voisins restent possibles. Mais le nouveau protocole de vaccination et un monitoring précis du statut des troupeaux devraient permettre d’assurer que l’exploitation reste indemne de BVD lorsque ce statut sera de nouveau atteint.
Au dire des éleveurs, les réunions organisées par les vétérinaires praticiens ont amélioré le niveau d’information et la prise de conscience des risques induits par la BVD à la suite de la crise de 2012. Cependant, nombreux sont les éleveurs qui sont encore insuffisamment sensibilisés aux risques engendrés par la BVD, et qui n’appliquent pas correctement les mesures de contrôle dans leurs élevages. Ainsi, le BVD free England scheme apporte un soutien, mais tant que ce programme n’est pas obligatoire, il reste un risque d’introduction de la maladie lors des achats d’animaux. Le cas qui vient d’être décrit illustre donc bien l’importance d’appliquer des mesures strictes de biosécurité pour prévenir les infections par le virus BVD.
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1 En Angleterre : BVD free England scheme pour la BVD et Premium cattle health scheme (PCHS) pour la BVD et la paratuberculose.
2 Stahl et coll., 2012.
3 Lire page 33 de ce numéro.
4 Gates et coll., 2014, Reardon et coll., 2018.
5 Lindberg et coll., 2001.