CONFÉRENCE
PRATIQUE MIXTE
Formation
Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ
Les pleuropneumonies bactériennes sont fréquentes chez le cheval et constituent une importante cause de morbidité et de mortalité. En fonction des études, le taux de survie varie entre 44 et 96 %. Le traitement conventionnel des pleuropneumonies consiste en l’administration d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et du drainage de l’effusion pleurale si nécessaire. Le traitement antibiotique doit être à large spectre mais doit faire suite à des prélèvements.
La majorité des cas de pneumonie provient d’une aspiration dans les voies respiratoires ou “fausse route”. De ce fait, des bactéries du tractus des voies respiratoires supérieures sont souvent impliquées dans la colonisation des voies respiratoires profondes. Majoritairement, c’est le cas de Streptococcusequi zooepidemicus et de Staphylococcus spp. Les bactéries impliquées incluent des Gram+ et des Gram-, aérobies et anaérobies. Ces dernières représentent environ 30 % des germes identifiés et isolés chez les chevaux avec des pneumonies. L’identification des bactéries présentes peut donner des informations quant au pronostic, sachant que la présence de bactéries anaérobies est à relier avec une mortalité plus importante et ce, notamment, s’il y a eu un délai entre le début de l’affection et le diagnostic et traitement.
Les signes cliniques sont généralement peu spécifiques : léthargie, appétit diminué, fièvre et dyspnée et peuvent varier en fonction de la sévérité de l’affection. En début de maladie, les chevaux peuvent présenter une douleur pleurale qui s’exprime par une position assez caractéristique (cheval qui se tient avec les antérieurs en abduction au niveau du coude). Du fait de cette douleur importante, de la toux peut être présente mais elle est souvent petite et peu audible.
L’examen physique doit toujours inclure une auscultation thoracique avec une attention particulière portée aux bruits respiratoires audibles. Si ces bruits semblent atténués, il conviendra d’effectuer des examens complémentaires comme une radiographie et/ou une échographie pulmonaire.
Prélèvements sanguins
- Un bilan sanguin avec une numération formule et une biochimie complète : celui-ci permet le plus souvent de mettre en évidence une augmentation des leucocytes (et neutrophiles) et une élévation des paramètres de l’inflammation comme le fibrinogène et le sérum amyloïde A (SAA).
- Les gaz sanguins artériels peuvent révéler une hypoxie plus ou moins sévère.
Imagerie
- La radiographie pulmonaire est un bon outil diagnostic pour mettre en évidence une pleuropneumonie. Une ligne de liquide sera alors visible en région craniale, s’étendant plus ou moins caudalement (photo 1).
- L’échographie pulmonaire est un excellent complément de la radiographie et permet d’évaluer s’il y a présence de liquide, en quelle quantité, avec ou sans présence de fibrine, mais également présence de gaz, de consolidation du poumon …(Photos 2, 3 et 4).
Prélèvements respiratoires
- Il est indispensable de déterminer l’agent en cause et donc d’effectuer des analyses bactériologiques. Il est donc nécessaire d’effectuer un lavage trachéal dans des conditions stériles, mais aussi d’effectuer un prélèvement de liquide pleural, ces deux prélèvements donnant des informations complémentaires.
L’évolution clinique de chevaux présentant une pleuropneumonie est souvent imprévisible. Néanmoins, certains facteurs ont été associés à un pronostic négatif. Ces derniers incluent l’augmentation de paramètres sanguins comme la créatinine ou certains paramètres de l’inflammation, la présence d’une pneumonie nécrosante, une très mauvaise haleine et/ou une hémorragie pulmonaire par exemple. La présence de bactéries (anaérobies, Klebsiella spp. ou Actinobacillus spp.), une importante quantité de liquide pleural avec accumulation de fibrine et la survenue de complications (thrombophlébite, colite, fourbure, etc.) sont aussi des facteurs pronostics défavorables.
Le traitement médical de première intention comprend des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) afin de gérer l’inflammation mais également la douleur de l’animal. L’administration d’antibiotiques à large spectre est également à envisager en traitement de première intention, à réajuster ensuite au vu des résultats de la bactériologie et de l’antibiogramme.
Le drainage du liquide pleural (photo 5) est souvent nécessaire lors d’effusion importante avec la réalisation d’un sondage ponctuel ou permanent. Néanmoins, la présence de fibrine est souvent associée à une diminution de l’efficacité du drainage. Au vu de la propension à l’accumulation de fibrine dans les cavités pleurales, il existe un véritable intérêt à utiliser un traitement fibrinolytique, afin que le drainage pleural soit plus efficace et l’évolution du cas meilleure. Il existe différentes publications sur l’utilisation bénéfique du rtPA (recombinant tissue plasminogen activators) pour une action fibrinolytique locale chez des chevaux avec pleuropneumonie, son administration précoce étant associée à un pourcentage de survie augmenté. Il existe encore des questions quant à la dose, la fréquence et le moment d’administration, sachant qu’une nouvelle génération de ce médicament (ténectéplase) semble être encore plus efficace. C’est une protéine recombinante fibrinospécifique de l'activateur tissulaire du plasminogène. Il dérive du t-PA endogène par des modifications intervenues au niveau de trois sites de sa structure protéique. Il se fixe sur le composant fibrineux du thrombus (caillot sanguin) et transforme sélectivement le plasminogène lié au thrombus en plasmine, laquelle dégrade la matrice fibrineuse du thrombus. Par rapport au t-PA endogène, le ténectéplase possède une plus grande spécificité pour la fibrine et une plus grande résistance à l'inactivation par son inhibiteur endogène (PAI-1).
L’utilisation d’alphadornase en combinaison avec le rtPA a un effet bénéfique et améliore encore le drainage pleural en présence de fibrine. La dornase alfa est une enzyme obtenue par génie génétique, similaire à l’enzyme humaine endogène qui hydrolyse l’ADN extracellulaire. La rétention de sécrétions visqueuses purulentes dans les voies respiratoires contribue à la dégradation de la fonction respiratoire et favorise les exacerbations infectieuses. Dans les sécrétions purulentes, les concentrations en ADN extracellulaire sont très élevées ; ce polyanionique visqueux est libéré par les leucocytes altérés qui s’accumulent en réponse à l'infection. Chez l’homme, in vitro, la dornase alfahydrolyse l’ADN du mucus et diminue la viscosité des expectorations des patients atteints de mucoviscidose.
La thoracotomie latérale peut être effectuée de façon invasive en enlevant une côte, mais peut également être réalisée par myectomie ou myotomie du muscle intercostal. Cela permet souvent une visualisation suffisante du poumon et entraîne une morbidité moins importante et un temps de cicatrisation réduit.
La nature chronique de cette affection et l’utilisation de l’échographie permettent de réduire l’apparition potentielle d’un pneumothorax. La mise en place préopératoire d’un drain thoracique proche du site de thoracotomie permet d’obtenir un équilibre avec la pression atmosphérique. La thoracotomie latérale debout est une procédure bien tolérée et est associée à un bon pronostic clinique et une survie plus importante des chevaux présentant une pleuropneumonie.
Ainsi, un diagnostic précoce permettant une prise en charge rapide du cas est un véritable atout pour un meilleur pronostic. En cas de présence d’éléments de pronostic défavorable comme une grande quantité de liquide pleural avec de la fibrine, il convient de mettre en place un traitement adapté avec utilisation de fibrinolytiques localement, en plus d’un traitement systémique avec des AINS et des antibiotiques. Ne pas hésiter non plus à aller vers la thoracotomie lors de présence de fibrine en quantité trop importante.
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