RECHERCHE
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
De la prévention aux solutions alternatives naturelles, l’Institut national de recherche agronomique (Inra) lance de nombreuses pistes pour répondre à la problématique de la résistance aux antibiotiques dans les élevages.
La lutte contre l’antibiorésistance en santé humaine est un objectif prioritaire pour l’ Institut national de recherche agronomique (Inra) », a indiqué Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du département scientifique santé animale de l’Inra, le 8 novembre dernier, à l’occasion d’une conférence de presse pour faire le point sur les recherches de l’institut dans ce domaine. En effet, de nombreux travaux portant sur la recherche de nouvelles stratégies et d’alternatives afin de réduire l’usage des antibiotiques en élevage sont menés actuellement au sein des unités de santé animale, de microbiologie de la chaîne alimentaire et de physiologie animale et systèmes d’élevages de l’institut.
En ce qui concerne les méthodes préventives, le projet européen Saphir1 tente de mettre au point de nouveaux vaccins pour l’élevage. Par ailleurs, comme l’a évoqué Françoise Médale, cheffe du département physiologie animale et système d’élevage, l’alimentation des femelles gestantes et des nouveau-nés est étudiée afin de rendre le microbiote plus robuste dès la naissance et de limiter la survenue de maladies digestives. Enfin, une meilleure compréhension des modes de dissémination des gènes d’antibiorésistance bactérienne, de l’animal vers l’aliment, puis vers l’homme et le sol agricole, par l’épandage des boues d’épuration, est nécessaire.
En parallèle, des alternatives aux antibiotiques voient le jour. Ainsi, le rôle des algues comme substances inhibitrices de la croissance bactérienne et comme agent de stimulation de la réaction immunitaire chez l’animal (production de cytokines), via la reconnaissance de récepteurs sur les cellules épithéliales, a été évoqué par Mustapha Berri, ingénieur de recherche à l’unité infectiologie et santé publique. Ces données prometteuses ont été menées in vitro et doivent être suivies de tests in vivo en conditions physiologiques. De même, des travaux sont menés selon une autre méthode : le pathobiome, l’étude de l’écosystème microbien dans lequel vit l’agent pathogène. « Tout agent pathogène agit avec le microbiote qui l’entoure avant d’interagir avec son hôte, a rappelé Yves Le Loir, directeur de l’unité sciences et technologie du lait et de l’œuf. Par conséquent, en agissant sur le microbiote environnemental, on peut éliminer ou réduire la virulence d’une bactérie pathogène. C’est le cas des bactéries lactiques qui peuvent inhiber la production d’entérotoxines par les staphylocoques dorés, responsables de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) chez l’homme, et lutter contre leur internalisation dans les cellules épithéliales mammaires bovines (à l’origine de la récurrence des mammites) ». Selon lui, les chercheurs sont « encore loin de tout traitement préventif ou curatif à l’échelle de la mamelle, mais les avancées progressent ». En effet, c’est le cas pour les bactériophages (virus qui ciblent certains types de bactéries), qui ont déjà été testés en filière volaille. Par ailleurs, des essais sur l’équilibre de l’écosystème mammaire ont également permis de constater que les germes normalement présents dans la flore mammaire (bifidobactéries par exemple) peuvent avoir un effet barrière bénéfique sur la survenue de mammites. Enfin, les huiles essentielles (verveine, cardamome, etc.) ont aussi été évoquées comme piste de traitements complémentaires, mais leur efficacité et leur mode d’utilisation doivent encore être étudiés.
Toutefois, comme les chercheurs l’ont rappelé pour conclure leur intervention, les antibiotiques seront toujours utiles en élevage. Il convient cependant de les utiliser exclusivement sur les animaux malades et de façon raisonnée (précocement et à dose adéquate). L’unité d’innovation thérapeutique contre la résistance (InTheRes) de l’Inra a ainsi été créée, en collaboration avec l’École nationale vétérinaire de Toulouse, pour détecter les animaux malades le plus tôt possible via des capteurs de mesures en continu (température, etc.). De nouveaux antibiotiques “verts” ou écoresponsables, sans effets sur les bactéries de l’environnement, sont aussi étudiés. Enfin, comme l’a souligné Muriel Vayssier-Taussat, «
le développement de la science ne sera utile que si une application concrète sur le terrain est effective ensuite
». La concertation des différentes parties prenantes du secteur de l’élevage afin d’identifier ensemble les stratégies applicables, telle que développée dans le réseau R2A22 (réseau recherche animal antibiotique), devra donc se poursuivre.
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2 www6.inra.fr/r2a2.