La thermographie infrarouge : un outil prometteur pour évaluer le stress ? - La Semaine Vétérinaire n° 1785 du 09/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1785 du 09/11/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON  

En se basant sur des évaluations comportementales, et rarement des réactions physiologiques, l’évaluation de la douleur manque actuellement d’éléments objectifs. Pour remédier à cette lacune, des praticiens vétérinaires du réseau Cristal ont décidé de tester la thermographie infrarouge1 en élevage cunicole, afin d’évaluer une douleur de forte et de très faible intensité, à savoir un tatouage auriculaire à la pince et l’injection sous-cutanée d’un vaccin huileux (versus d’un sérum physiologique). Pour ce faire, ils ont constitué deux groupes de lapins. Dans le premier, 30 lapins ont été tatoués et filmés à l’aide d’une caméra thermique de type Trotec® EC060V. Dans le deuxième, 80 lapins ont été soumis soit à une injection vaccinale avec adjuvant huileux (40), soit à une injection de même volume de sérum physiologique (40) et filmés à l’aide d’une caméra thermique de type Flir® B50. Avec cette expérimentation, l’idée est, in fine, de se diriger vers des modes d’élevage compatibles avec la demande sociétale et économiquement viables.

Captation de la douleur aiguë

L’évaluation comportementale permet d’objectiver facilement une douleur intense. Sont ainsi observés des vocalises, du bruxisme, une prostration, de l’anorexie et des anomalies posturales. Malgré tout, pour valider l’intérêt de la thermographie infrarouge, un premier groupe de lapins âgés de 4 semaines est soumis à une douleur aiguë. L’expérience consiste à sortir chaque animal de sa cage pour réaliser une image thermographique de la cornée. Le lapin est ensuite tatoué à la pince, opération suivie immédiatement de la prise d’une seconde image thermographique. Les images révèlent qu’avant tatouage, la température moyenne s’élève à 32,5 °C. Elle monte à 39,6 °C après tatouage, la différence étant statistiquement significative. Ces résultats montrent donc que la thermographie est capable de détecter une douleur aiguë immédiatement après un stimulus douloureux.

Pas de détection des douleurs faibles

Dans le deuxième groupe, le test est réalisé sur des lapins âgés de 5 semaines. Avant injection, les températures cornéennes sont homogènes en intra- et intergroupes, à savoir 35,10 °C pour le groupe vaccin huileux et 35,01 °C pour le groupe sérum physiologique. Après injection, les températures restent homogènes et globalement similaires à celles d’avant l’injection : 35 °C pour le groupe vaccin huileux et 34,93 °C pour l’autre. Ces résultats indiquent que l’outil n’est pas adapté pour une évaluation d’une douleur faible. Pour autant, il est à noter que l’injection est réalisée entre les omoplates, et est précédée d’un pincement de la peau au même endroit pour extraire le lapin de sa cage. Or, cette contention déclenche chez une proie une inhibition des stimuli douloureux, rendant probablement intéressante la réalisation d’une nouvelle étude dans laquelle l’injection est réalisée par voie intramusculaire profonde à la cuisse. Pour les praticiens, l’outil reste tout de même prometteur pour étudier le stress des lapins d’élevage, notamment car ces espèces sont de petite taille rendant difficile la mesure de paramètres physiologiques comme la fréquence cardiaque ou respiratoire.

1 La thermographie infrarouge se base sur la mesure de l’émission de la chaleur corporelle d’un individu.

Bernadette Le Normand Vétérinaire à la Commission cunicole de la SNGTV. Article rédigé d’après une conférence faite lors des journées nationales des GTV à Nantes (Loire-Atlantique), du 16 au 18 mai 2018.