Syndrome brachycéphale : les avancées - La Semaine Vétérinaire n° 1785 du 09/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1785 du 09/11/2018

SYNTHÈSE

PRATIQUE CANINE

Formation

Les races dites brachycéphales sont de plus en plus plébiscitées en Europe. Si la popularité du bouledogue français n’est plus à démontrer en France, sa population a augmenté de 3 000 % au Royaume-Uni sur les 10 dernières années, ce qui en fait la deuxième race la plus représentée derrière le labrador. La sélection progressive de chiens hypertypés devient problématique devant la diversité, la fréquence et la sévérité des troubles pouvant être associés au syndrome brachycéphale, qu’ils soient d’ordre cutané, respiratoire, digestif, cardiaque, vasculaire, ophtalmique ou encore osseux. Cette entité fait ainsi l’objet de nombreuses recherches ces dernières années et les connaissances ne cessent de s’étendre. L’objet de cet article est de proposer un état des lieux de la littérature la plus récente sur l’obstruction des voies respiratoires hautes. En effet, de nouvelles techniques chirurgicales pour lever l’obstruction des voies respiratoires supérieures existent.

Palatoplastie

Diverses techniques chirurgicales de palatoplastie sont décrites dans les études. La tendance au cours du temps est d’élargir le passage de l’air au niveau du pharynx. La technique la plus récente, la palatoplastie en “H”, a été présentée par le centre hospitalier vétérinaire Frégis (Arcueil, Val-de-Marne) au congrès de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS) d’Athènes en 2018 et porte sur 450 cas suivis en moyenne sur 3 ans1. Cette approche originale, réalisée au laser CO2, associe raccourcissement et désépaississement du voile du palais à une amygdalectomie bilatérale (figure 1). La résultante est une désobstruction optimale du pharynx. La technique de suture est également novatrice, car elle repose sur une plastie du pharynx, mettant en tension les plis ary-épiglotiques et diminuant, de ce fait, l’obstruction du larynx (figure 2 et photo 1). Cette technique a pu être appliquée à toutes les races de chiens brachycéphales et même à ceux déjà opérés par des techniques conventionnelles et pour lesquels la technique opératoire utilisée initialement n’a pas montré de résultats satisfaisants. Les taux de complications (3,3 % de complications majeures et 14,8 % pour les mineures) et de mortalité (1,1 % en périopératoire) sont parmi les plus faibles rapportés. Aucune association significative n’a été trouvée entre le pronostic et les signes cliniques préopératoires ou la présence d’un collapsus laryngé.

Éversion des ventricules laryngés

Le traitement de l’éversion des ventricules laryngés est depuis longtemps controversé. Une étude rétrospective de 20172, portant sur 81 cas, tend à démontrer que la ventriculectomie est associée à un taux de complications plus élevé en postopératoire, avec 46,7 % de complications (18 cas sur 37), dont la moitié (9 cas) jugées modérées à sévères, contre 20,5 % (9 cas sur 44) pour les animaux traités sans ventriculectomie, avec seulement un cas pour lequel les complications ont été jugées sévères2. Les résultats sont à nuancer cependant, car la période de suivi est courte et ne concerne que le temps d’hospitalisation.

Granulomes laryngés

Des granulomes laryngés peuvent être présents lors de l’exploration endoscopique des voies respiratoires hautes chez les brachycéphales. Une étude de 20183 met en évidence cette lésion d’un point de vue clinique, macroscopique et histologique sur six chiens. Chez l’homme, ces granulomes sont très bien décrits et résultent d’une irritation physique ou chimique chronique (toux, raclement de gorge, reflux gastro-œsophagien [RGO], etc.). Chez les chiens brachycéphales, les efforts inspiratoires, les turbulences du passage de l’air et les RGO sont suspectés d’en être à l’origine. Ces granulomes sont des lésions exophytiques, de quelques millimètres de diamètre, parfois ulcérés, émanant principalement des cordes vocales (photo 2). L’histopathologie rapporte principalement des changements inflammatoires chroniques de l’épithélium laryngé. Bien que leur exérèse s’accompagne probablement d’une réaction inflammatoire et d’un œdème (non encore étudiés et dont les répercussions cliniques restent inconnues), les auteurs les retirent systématiquement en raison de leur contribution à l’effet obstructif.

Gestion de l’œdème laryngé postopératoire

Malgré la supériorité des techniques récentes de palatoplastie et l’utilisation du laser chirurgical, un œdème laryngé postopératoire peut compromettre la survie de l’animal. Une étude de 20184 décrit une technique modifiée de trachéostomie temporaire. La voie d’abord décrite reste inchangée. La subtilité réside dans le fait de passer un drain de Penrose dorsalement à la trachée et de le suturer de part et d’autre de l’incision cutanée. De cette façon, la trachée est rapprochée de la surface de la peau et limite l’obstruction de la sonde de trachéostomie par des replis cutanés. Les auteurs ne rapportent pas de complications liées au passage du drain autour de la trachée.

Un cas clinique récent5 rapporte l’utilisation d’adrénaline nébulisée dans la gestion d’un œdème laryngé post-opératoire chez un carlin. Les auteurs ont dilué 0,3 mg d’adrénaline dans 5 ml de sérum physiologique qu’ils ont ensuite nébulisé pendant 10 minutes toutes les 6 heures pendant 24 heures. Le chien a également reçu une perfusion continue de dexmédétomidine pour éviter toute excitation qui aurait pu aggraver l’œdème laryngé pendant 12 heures. Ce chien n’a pas eu besoin d’une trachéostomie.

Une meilleure compréhension des troubles digestifs associés

L’aspect digestif du syndrome brachycéphale est important à investiguer et traiter lorsqu’il est présent. Bien que l’observation date de 2005, une étude récente6 rapporte une prévalence de 56 % de signes gastro-intestinaux sur une population de 98 chiens composée de bouledogues français (93 % de chiens atteints), de bulldogs anglais et de carlins (respectivement 58 et 16 % de sujets atteints). La plupart de ces animaux ont montré une amélioration de leurs signes cliniques après traitement chirurgical, notamment chez le bouledogue français. La persistance de signes digestifs postopératoires (grade 3 sur le système de grading proposé par Poncet et coll. en 20057) augmente le risque de mortalité de 379 %1.

Une meilleure évaluation des résultats postopératoires

Le principal biais rencontré dans l’étude du syndrome brachycéphale est le caractère subjectif des observations. La plupart des techniques chirurgicales s’appuient sur des données relevées par le chirurgien ou les témoignages des propriétaires. La pléthysmographie, largement utilisée en médecine humaine et dont l’usage a été décrit il y a quelques années chez l’animal, permet d’obtenir des mesures objectives des capacités ventilatoires. Il n’existe pour le moment aucune étude pléthysmographique associée à une technique chirurgicale. Cependant, certains facteurs sont testés. Récemment, il a été rapporté l’effet du syndrome brachycéphale et du score corporel sur les capacités de thermorégulation8. Les résultats de cette étude montrent que les chiens brachycéphales ont de moins bonnes capacités de thermorégulation que les dolichocéphales, mais que le facteur le plus déterminant reste le score corporel. Plus les chiens sont gros, plus ils ont de difficultés à faire descendre leur température corporelle.

Bibliographie

1 Carabalona J., Le Boedec K., Poncet C. A novel surgical approach to the brachycephalic syndrome: description and long-term outcomes in 450 consecutive dogs. ECVS meeting, Athens, Greece, 2018.

2 Hughes J., Kaye B. M., Beswick A. R. et coll. Complications following laryngeal sacculectomy in brachycephalic dogs. J. Small. Anim. Pract. 2018;59,1-6.

3 Sarran D., Caron A., Billet J. P. Vocal fold granulomas in six brachycephalic dogs: clinical, macroscopical and histological features. J Small Anim Pract. 2018;58,1-4.

4 Bird F. G., Vallefuoco R., Dupré G. et coll. A modified temporary tracheostomy in dogs: outcome and complications in 21 dogs (2012 to 2017). J. Small Anim. Pract. 2018;61,1-8.

5 Ellis J. and Leece E. A. Nebulized adrenaline in the postoperative management of brachycephalic obstructive airway syndrome in a pug. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2017;53(2):107-110.

6 Kaye B. M., Rutherford L., Perridge D. J et coll. Relationship between brachycephalic airway syndrome and gastrointestinal signs in three breeds of dog. J. Small Anim. Pract. 2018;60,1-4.

7 Poncet C., Dupre G., Freiche V. et coll. Prevalence of gastrointestinal tract lesions in 73 brachycephalic dogs with upper respiratory syndrome. J. Small Anim. Pract. 2005;46,273-279.

8 Davis M. S., Cummings S. L. and Payton M. E. Effect of brachycephaly and body condition score on respiratory thermoregulation of healthy dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2017;251(10):1160-1165.

Julien Carabalona Résident ECVS. Cyrill Poncet Diplomate ECVS, spécialiste en chirurgie Praticiens au CHV Frégis, Arcueil (Val-de-Marne).