Comment réagir lors de mise en cause ? - La Semaine Vétérinaire n° 1786 du 16/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1786 du 16/11/2018

JURIDIQUE

ÉCO GESTION

Les clients n’hésitent pas aujourd’hui à assigner le vétérinaire. Il convient d’y être préparé pour réagir au mieux et tenter de pallier les litiges, ou d’éviter des procédures.

La responsabilité du vétérinaire peut être engagée devant les juridictions disciplinaires, pénales (par exemple, pour non-respect des règles du Code de la santé publique ou lors de faux certificat, etc.), devant les juridictions civiles (manquement à l’obligation d’information de conseil ou dans les soins, etc.). La réponse sera adaptée au type de mise en cause. « Votre réaction va être différente selon le devoir que vous êtes supposé avoir violé, explique Blanche de Granvilliers, avocate au barreau de Paris1. Ayez le bon comportement. Porter de l’attention à la victime et avoir de la reconnaissance est important, car il y a tout un aspect psychologique qui va faire que la personne va basculer dans un procès ou pas ». Blanche de Granvilliers conseille aussi d’éviter les procès lorsque l’enjeu financier est faible.

Comment réagir

« Le premier réflexe est d’appeler l’avocat et d’informer l’assureur, indique Blanche de Granvilliers. Surtout, ne rien écrire sans l’accord de votre assureur. » Le second réflexe, si l’on n’arrive pas à dépassionner la situation, est de s’extérioriser du problème, il ne faut pas intervenir soi-même. « Dans un procès, tout se joue au départ. »

Daniel Hagopian, assureur, insiste sur la nécessité d’avoir un “quadrinôme” client-expert-avocat-vétérinaire qui fonctionne. « Si vous êtes mis en cause uniquement sur la déontologie, c’est votre contrat de protection juridique qui est actionné. »

Comme l’expertise a un coût élevé, les clients sont tentés d’aller devant la juridiction disciplinaire, car le rapport est gratuit… Un nombre croissant de clients se mettent aussi en quête d’éléments en vue d’une procédure judiciaire.

Proposer une conciliation

La procédure disciplinaire commence par une procédure de conciliation. « Tous les professionnels doivent proposer au consommateur une conciliation, et les frais sont à votre charge. En cas de conflit, vous devez proposer cette médiation et informer votre assureur. » Lors de procédure disciplinaire, un rapporteur est nommé. « Soyez vigilant sur ce que vous allez dire. Il faut préparer son discours, faire attention aux reconnaissances de responsabilité. Avant tout, il ne faut rien dire ou le moins possible : les faits, rien que les faits, et pas de jugement sur ce que l’on a fait ! », conseille Blanche de Granvilliers. Une grave erreur peut aussi consister à ne pas émettre de facture. « Premièrement, lors de contestation, il faut éditer une facture ! À la fois cela vous donne une marge de négociation, mais surtout, si vous n’éditez pas de facture, cela peut être interprété comme une re connaissance de res ponsabilité. »

L’avocat va pouvoir émettre des propositions qui vont être confidentielles. « La moyenne d’une procédure est d’environ 40 mois, donc il y a intérêt à ne pas aller jusqu’à un procès. On essaie de l’éviter entre avocats par des échanges de courriers confidentiels qui ne peuvent pas être produits au procès. »

Jacques Guérin, président de l’Ordre des vétérinaires, ajoute : « Quand il y a un litige avec un client, il ne faut pas faire barrage à l’ouverture d’un dossier. Nous avons mis en place depuis deux ans une médiatrice de la consommation (notre consœur Dona Sauvage). » « Avez-vous déclaré votre responsabilité civile professionnelle ? » est la première question posée. « Si le client décide d’aller en procédure disciplinaire, la conciliation permet de désamorcer bon nombre de problèmes. Car les litiges viennent souvent d’une difficulté d’écoute. La relation avec le client est quelque chose d’important. » Quand le dossier est initié par la direction départementale de la protection des populations (DDPP), il n’y a pas d’obligation de conciliation.

Être diligent

« Les experts judiciaires n’aiment pas qu’on leur cache des choses », déclare Blanche de Granvilliers. Il ne faut pas chercher à dissimuler les pièces et montrer que l’on a fait un travail diligent. « Dans vos bases de données, c’est à vous de conserver tous les échanges de courriels, notamment. Ensuite, vous allez contester le montant du préjudice. » Pour le vétérinaire, cela revient au montant de perte de chance. La Cour de cassation a rappelé que le juge doit établir un lien entre la faute retenue et la perte de chance évoquée.

Les hypothèses les plus fréquentes de mise en cause des vétérinaires sont la visite d’achat, car cela concerne une obligation de moyens renforcés où il faut décrire toutes les lésions. « Vous êtes tenus d’un devoir de vigilance accru. »

Veiller à l’obligation d’information

L’obligation d’information est de plus en plus souvent à l’origine de condamnations. Le praticien doit prouver qu’il a bien informé son client. L’article R.242-48 II précise qu’il « formule ses conseils et ses recommandations, compte tenu de leurs conséquences, avec toute la clarté nécessaire et donne toutes les explications utiles sur le diagnostic, sur la prophylaxie ou la thérapeutique instituée et sur la prescription établie, afin de recueillir le consentement éclairé de ses clients ». L’obligation d’information au regard de cette rédaction a été élargie et vise désormais toutes les interventions, souligne Blanche de Grandvilliers.

1 Conférence du 9 novembre aux journées annuelles de l’Association vétérinaire équine françaice (Avef).

ENBREF


ARTICLE R.242-38, CERTIFICATS ET AUTRES DOCUMENTS

Article R.242-38, certificats et autres documents
« Le vétérinaire apporte le plus grand soin à la rédaction des certificats ou autres documents qui lui sont demandés et n'y affirme que des faits dont il a vérifié lui-même l'exactitude. Tout certificat ou autre document analogue est authentifié par la signature et le timbre personnel du vétérinaire qui le délivre ou par sa signature électronique sécurisée. Les certificats et autres documents doivent être conformes aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. La mise à la disposition d'un tiers de certificats signés sans contenu rédactionnel constitue une faute professionnelle grave. Le vétérinaire a l’obligation de procéder aux examens. »

Exemple de faute dans l’obligation de soins proprement dite, mais absence de préjudice : cour d’appel de Bordeaux (22 novembre 2016, n° 15/01976). « Après avoir rappelé de manière détaillée les divers symptômes observés chez le cheval et les soins prodigués entre la première consultation le 25 mai 2011 par le Dr G. (collaborateur du Dr K.), et son arrivée à l'École nationale vétérinaire de Toulouse, le tribunal a, par des motifs pertinents que la cour adopte, considéré à bon droit que le Dr B. avait certes commis une faute le 10 juin 2011, en posant le diagnostic exclusif d'uvéite rebelle, sans envisager celui d'un abcès stromal profond en dépit de l'évolution défavorable observée depuis le début de la corticothérapie le 25 mai 2011, mais qu'il n'en était pas résulté de préjudice pour Mme K., puisque l'animal serait devenu borgne ou aurait dû être énucléé, avec une valeur vénale identique, quel que soit le traitement mis en œuvre. »