Mobilisations associatives : contestation ou partenariat ? - La Semaine Vétérinaire n° 1786 du 16/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1786 du 16/11/2018

BIEN-ÊTRE ANIMAL

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Le bien-être des animaux de rente était au cœur des rencontres de santé publique vétérinaire du Val-de-Grâce organisées, le 14   novembre, par la Société vétérinaire pratique de France. Au menu des discussions, l’impact des actions des associations de protection animale et leur rôle grandissant.

Depuis quelques années les revendications concernant le bien-être animal des animaux de rente (BEA) sont au cœur de l’actualité avec l’émergence ou la réémergence d’associations de protection qui mènent notamment des actions “chocs” à destination du public et des autorités. Souvent considérées comme des lanceurs d’alerte utiles, ces associations ont une influence sur les évolutions sociétales de la perception de l’importance du BEA et sur la mise à l’agenda de nouvelles réglementations. Leur rôle manifeste dans ces domaines a été abordé lors des 6e rencontres de santé publique vétérinaire du Val-de-Grâce organisées par la Société vétérinaire pratique de France (SVPF), le 14 novembre dernier.

Une vraie synergie d’actions

Les résultats d’une étude1 menée en 2017 sur des associations aux revendications et aux modes d’action variés ont été présentés à cette occasion par Valérie Guiral-Treuil (ENSV). Il semblerait qu’elles agissent en synergie pour améliorer les conditions de BEA. Ce fut le cas notamment en 2015 quand la diffusion de vidéos alertant sur des cas de maltraitances en abattoirs par des associations “abolitionnistes” a conduit à une prise de conscience de l’opinion publique et à une mise à l’agenda institutionnel prioritaire des questions de BEA (mise en place d’une stratégie nationale du ministère de l’Agriculture et d’une stratégie européenne de la Commission). à cette occasion, les revendications de toutes les associations de protection animale, notamment sur la question des abattoirs et des élevages dits intensifs, avaient été entendues. «   Nous n’avons pas les mêmes objectifs, mais nos méthodes sont complémentaires   », a confirmé Jean-Pierre Kieffer, président de l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA).

Un partenariat recherché

Par ailleurs, les associations peuvent jouer un rôle auprès des différentes instances professionnelles en participant aux comités consultatifs des services de l’état comme le comité “Bien-être animal” du conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale, ou en contrôlant l’application de la réglementation lors de visites d’établissement. Elles peuvent aussi participer à la mise en place de chartes de bonnes pratiques avec les professionnels de l’élevage, de l’agroalimentaire et de la distribution. Comme l’a précisé Ghislain Zuccolo, directeur général de Wellfarm : «   Le monde de l’élevage a pris conscience qu’il doit être acteur des changements et les associations ont un rôle d’accompagnement à jouer.   »

La loi n’est pas la seule marge de manœuvre

Enfin, malgré quelques avancées en termes de droit des animaux, certaines mesures restent encore difficiles à mettre en place. De plus, la volonté actuelle de la Commission européenne de ne plus légiférer sur ces questions peut nourrir un sentiment d’impasse. Or, aujourd’hui, la voie législative et réglementaire n’apparaît plus comme le seul moyen de faire évoluer la prise en compte du BEA. En effet, selon Clara Marcé, chef du bureau protection animale de la Direction générale de l'alimentation au ministère de l’Agriculture : «   La réglementation ne fait pas tout, même si les messages passent, il faut du temps et la loi est parfois en décalage   ». Dès lors, si l’ensemble des acteurs se tourne vers une meilleure application des dispositions déjà existantes et vers des partenariats renforcés avec les différents acteurs, le BEA pourrait encore s’améliorer. Selon Clara Marcé «   améliorer l’éducation citoyenne reste un levier   ». Par ailleurs, «   le consommateur doit accepter de payer plus pour avoir une alimentation de qualité   », ont ajouté Ghislain Zuccolo et Frédéric Freund, directeur de l’OABA.

«   Les vétérinaires ont un grand rôle à jouer   », a conclu Loïc Dombreval, vétérinaire député LREM des Alpes-Maritimes. Il s’est par ailleurs dit «   à l’écoute de remontées terrain des confrères pour toutes suggestions d’amélioration de la législation en termes de bien être animal.   »

1 Recherche menée par le groupe d’étude des politiques publiques (GEPP) de l’ENSV suite à une commande de la SVPF sur plusieurs associations ou regroupements d’association (L214, LFDA, Ensemble pour les animaux, AFAAO, OABA, Wellfarm, CIWF, Eurogroup for Animal), 6 acteurs publics et intermédiaires (DDPP, ENSES, CNR, BEA-Inra, DGAL).