Chats âgés et urgences : les bonnes pratiques au congrès AAFP - La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018

MÉDECINE FÉLINE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON 

La prise en charge antalgique, anesthésique et médicale du chat âgé, respectueuse de l’animal, est l’avenir de la profession. Des valeurs mises en avant lors du dernier congrès de l’Association américaine des praticiens félins.

Pas moins de 1 213 vétérinaires, 30 heures de conférences autour du chat âgé et des urgences félines, 28 conférenciers : pour sa 28e édition, fin septembre, à Charlotte (Caroline du Nord, états-Unis), le congrès de l’Association américaine des praticiens félins (AAFP) a atteint son record d’affluence. Trois sessions avaient lieu en simultané, pour les praticiens, les ASV et les managers, mais chacun pouvait aller où l’inspiration le menait, rejoints par les étudiants pour le week-end.

Maximiser notre effet placebo : yes, we can !

En précongrès, Tony Buffington (Davis, Californie du Nord) est revenu sur le sujet de l’effet placebo par procuration qui existe chez le chat, une thématique qu’il avait déjà abordée en 2014 en France1 : « Nous sommes tous beaucoup plus que de simples cliniciens et prescripteurs. Mieux vaut d’ailleurs prescrire un médicament de bon cœur que sans conviction. Par notre enthousiasme, notre ordonnance acquiert une valeur ajoutée qui exerce son effet non seulement sur le propriétaire, mais aussi sur notre patient. » Une cascade bénéfique, avec un effet placebo estimé entre 54 et 74 % par Margaret Gruen (université de Raleigh, Caroline du Nord) dans l’analyse qu’elle a publiée de six études cliniques du traitement de l’arthrose, avec un tel effet dans 74 % des cas lors de la prescription d’un aliment thérapeutique, 70 % pour les nutraceutiques, 66 % pour la dose infrathérapeutique du méloxicam, et 54 % si seule une évaluation de la douleur sur une grille est proposée. Comme chez l’humain lors d’arthrose, l’attention que le propriétaire porte à son chat est thérapeutique en elle-même.

Soigner l’anesthésie du chat âgé

Vieillir n’est pas une maladie et la douleur liée à l’âge encore moins une fatalité, mais le propriétaire a souvent besoin d’être éduqué et rassuré pour permettre à son chat de vieillir sans douleur. Sheilah Robertson (Lap of Love Veterinary Hospice, Floride) a précisé que les vétérinaires praticiens doivent tous devenir des anesthésistes gériatriques, car chez le chat âgé, la première cause de chirurgie concerne les dents, un acte qui angoisse beaucoup le propriétaire (« Une anesthésie à 18 ans, juste pour une dent ? »). Elle classe volontiers les animaux qu’elle soigne en trois catégories : âgés et en bonne santé apparente, âgés avec des signes subcliniques et âgés avec un diagnostic d’affections comorbides. Le paramètre à prendre en considération est la perte de masse musculaire et l’augmentation de la masse graisseuse, où l’anesthésique persiste plus longtemps. Le dosage des anesthésiques est précis et tient compte de la diméthylarginine symétrique (SDMA), à réaliser systématiquement, et de la créatininémie. Et une bonne anesthésie du chat âgé commence à la maison, avec des modificateurs d’odeurs dans la cage et des compléments alimentaires antinauséeux donnés en amont. Le jeûne imposé doit demeurer court, en laissant un accès à l’eau avant l’intervention, et la fluidothérapie démarre avant l’anesthésie, avec une préoxygénation. Un coussin placé sous le thorax permet une élévation de 30°, qui facilite la respiration. La phase de réveil est essentielle (les accidents surviennent dans les 3 heures postopératoires) et demande l’attention d’un personnel qualifié pour vider la vessie (l’inconfort d’une vessie pleine ou qui a souillé l’alèse est source d’agitation) et réchauffer l’animal, si nécessaire (les frissons entraînent une consommation importante d’énergie et d’oxygène). Comme en médecine humaine, la qualité de l’hospitalisation et du repos postopératoire est déterminante. L’AAFP a publié cette année ses recommandations en matière d’anesthésie. Après l’amélioration des pratiques pédiatriques, le temps de l’anesthésie gériatrique est enfin venu.

Cultiver la médecine préventive à tout âge

Margie Scherk (Vancouver, Canada) a souligné l’importance d’éduquer le propriétaire, dont l’angoisse vient souvent d’un manque de connaissances, à partager avec le vétérinaire. La non-verbalisation, y compris pendant l’examen clinique du chat, est l’un des défauts des praticiens, qui, à l’instar des dentistes ou des stomatologues en santé humaine, devraient, étape par étape, décrire leurs actes et leurs observations, en gardant la même tonalité apaisante de communication qu’en consultation de prévention, même lorsque la maladie frappe l’animal.

Le questionnement sur le confort du chat âgé passe par l’interrogation du client sur les épisodes de malpropreté (urinaire ou fécale) de son chat. Est-ce arrivé une fois cette année, ou plus ? Beaucoup n’ont tendance à en parler spontanément que lorsque le trouble est systématique. Or la malpropreté du chat senior est un bon indicateur de douleurs chroniques ou de constipation (souvent liée à la déshydratation induite par une maladie rénale, parfois subclinique).

En vieillissant, les chats maigrissent beaucoup plus que les chiens. Pire, ils perdent 20 % de leur capacité de digestibilité après 14 ans. Il importe donc de trouver l’alimentation qui convient à chaque chat, en fonction des affections dont il est atteint, mais aussi de ses goûts. Et de prendre le temps, si un aliment diététique est prescrit, de faire une transition lente, qui ne sera jamais réalisée en hospitalisation.

L’anorexie reste une cause trop importante d’euthanasie et Margie Scherk a insisté une fois encore sur la nécessité de donner aux chats âgés une quantité et une qualité de protéines suffisantes pour qu’ils aient envie et plaisir à manger, tout en réduisant l’apport de phosphore.

Rendre au généraliste toute sa légitimité

Plébiscitées par les urgentistes, les techniques FAST et VetBlue2 sont appelées, selon Greg Lisciandro3 (Texas), à se développer, permettant aux généralistes de voir bien plus avec une sonde d’échographie qu’ils ne peuvent entendre et diagnostiquer avec leur seul stéthoscope4. En 5 à 7 minutes, sans tondre ni prendre le risque de coucher un chat dyspnéique ou en détresse respiratoire, la technique VetBlue permet d’être à la fois respectueux de l’animal et d’explorer les zones invisibles, presque mieux qu’avec un scanner. Pour un rapport qualité-prix sans comparaison.

Le triage réalisé par les urgentistes est un atout que le praticien généraliste peut acquérir (la courbe d’apprentissage est rapide), ce qui lui permet de référer d’autant mieux qu’il a visualisé une hydronéphrose, un épanchement péritonéal, une vésicule biliaire, une rate ou un foie suspects. Greg Lisciandro est si passionné par sa discipline qu’il estime que cette technique, également baptisée “stéthoscope visuel”, deviendra bientôt une obligation avant toute anesthésie générale. Pour la sécurité de tous.

1 La Semaine Vétérinaire n° 1605 du 14/11/2014, page 24.

2 En accès libre, bit.ly/2AgaraP et bit.ly/2Ahn6Ku.

3 Greg Lisciandro a coordonné l’ouvrage Focused Ultrasound Techniques for the Small Animal Practitioner, bit.ly/2OZ0PGO.

4 Les formations FAST et VetBlue sont dispensées en France par au moins deux organismes, Veterinarius et ScilVet.