Corps étranger œsophagien chez une cane colvert - La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Motif de consultation et examen clinique

Une cane colvert, âgée de 4 mois, est présentée pour un abattement soudain à la suite de l’ingestion d’un escargot. Elle est abattue, secoue la tête et reste prostrée, avec des tentatives de vomissements. Une radiographie montre la présence de l’escargot dans l’œsophage distal, entre le jabot et le proventricule.

Chirurgie

Le traitement médical est illusoire sur ce cas d’occlusion. Une fibroscopie digestive est réalisée sous anesthésie générale (isoflurane). Une œsophagite est présente et la coquille de l’escargot est visible. Sa forme arrondie ne permet pas son accroche par une pince et sa taille exclut une progression forcée dans le proventricule (risques de lésions de l’œsophage). Le traitement chirurgical offre deux options : une extraction par proventriculotomie ou ingluviotomie (incision du jabot). Cette dernière option, moins invasive, est choisie. L’animal est anesthésié (butorphanol, 2 mg/kg, midazolam, 2 mg/kg, induction au masque à l’isoflurane puis maintien après intubation) et perfusé par la veine métatarsienne médiale (NaCl 0,9 %, 8 ml/kg/h). Un nettoyage de la zone chirurgicale est réalisé à la chlorhexidine. Une ingluviotomie est effectuée sur la portion droite du jabot, après incision cutanée. Une pince clamp est introduite par le jabot en direction de l’œsophage distal, mais la coquille ne peut techniquement pas être saisie. L’index du chirurgien est alors introduit dans le jabot en direction de l’œsophage, permettant de crocheter la coquille et d’extraire l’escargot. Un rinçage est réalisé avant la suture du jabot puis de la peau (surjets simples perforants avec un fil monofilament résorbable).

Suivi

Un traitement à base de méloxicam (1 mg/kg per os, deux fois par jour) et d’amoxicilline-acide clavulanique (125 mg/kg per os, deux fois par jour) est prescrit pendant 1 semaine. Une réalimentation assistée liquide précoce est préconisée (bouillie de graines). L’état général s’améliore progressivement pendant 1 semaine jusqu’au retour d’un comportement normal et d’une alimentation autonome. Le transit digestif est normal après 48 heures. Aucune complication n’est rapportée, hormis une flottabilité compromise due à la plumaison du site opératoire, lésion réversible avec la mue.

Discussion

Corps étrangers chez les oiseaux

Peu de cas de corps étrangers gastro-intestinaux sont rapportés chez les oiseaux. Leur présence est imputable à leur comportement naturel de curiosité et à leur incontrôlable attrait pour la nourriture. Chez les psittacidés, il s’agit souvent de fragments de jouets ou de sondes de gavage ingérées accidentellement lors d’un repas assisté. Chez les rapaces, les cailloux de l’environnement peuvent être ingérés, par jeu ou ennui. Un stress environnemental (comme un changement de lieu de vie) est un facteur favorisant. Chez les oiseaux, les obstructions digestives par des corps étrangers sont plus fréquemment observées chez des espèces terrestres. Ces derniers sont généralement localisés dans le jabot, le proventricule ou le ventricule (gésier), bien que des corps étrangers linéaires puissent être présents dans les intestins. La localisation, comme dans le cas présent, du corps étranger entre le jabot et le proventricule est rare et explique la difficulté rencontrée pour son extraction. Une anorexie, une perte de poids, une léthargie et des vomissements font partie des signes cliniques observés. Les corps étrangers alimentaires peuvent également être à l’origine d’obstructions trachéales rapidement mortelles.

Ingluviotomie

Le corps étranger a été extrait ici avec succès, sans complication, par ingluviotomie, une technique utilisée en cas d’ingestion de corps étrangers dans le jabot ou les premières portions de l’œsophage. Elle permet un abord moins invasif que la proventriculotomie, qui nécessite une cœliotomie et souvent une section des deux dernières côtes. Chez les oiseaux à long cou, elle permet également l’introduction plus aisée d’un endoscope vers le proventricule et le gésier pour l’extraction de corps étranger ou la réalisation de biopsies. La plumaison du site opératoire doit être limitée, car elle augmente les risques d’hypothermie postopératoire et compromet la flottabilité des oiseaux d’eau.

Kévin Schlax Emmanuel Risi Praticiens à FauneVet, CHV Atlantia, Nantes (Loire-Atlantique).