CONFÉRENCE
PRATIQUE CANINE
Formation
Auteur(s) : LAURENT MASSON
à l’occasion d’un examen biologique de routine, le praticien est souvent amené à s’interroger sur l’atteinte hépatique ou non chez un chien non malade. En effet, certains chiens peuvent présenter des modifications des enzymes hépatiques alors que sur le plan clinique rien ne permet de suspecter une maladie hépatique. Comment interpréter ces modifications ? Est-il, par exemple, nécessaire de retarder la chirurgie, au vu des examens pré-anesthésiques réalisés le matin même, et de réaliser une cinétique, ou le risque d’une décompensation periopératoire peut-il être pris ?
Le foie est un organe avec de grandes capacités fonctionnelles de régénération, si bien que les maladies hépatiques sont souvent d’évolution chronique. Les signes cliniques sont fréquemment absents pendant une longue période ou peu spécifiques (léthargie, dysorexie, amaigrissement, polyuro-polydipsie), et les signes pathognomoniques apparaissent tardivement. Il existe des races prédisposées (voir encadré). Il convient de proposer systématiquement un bilan hépatique à l’âge de 2 ans chez les westies et les labradors, voire 1 an chez les scottish terriers. Les stades débutants des hépatopathies répondent bien aux traitements lors d’une prise en charge précoce (D-pénicillamine lors de surcharge en cuivre). En outre, le foie est un témoin asymptomatique d’affections extra-hépatiques (diabète, maladie inflammatoire chronique de l'intestin, hypercorticisme, infection bactérienne, hyperthyroïdie). Quel que soit le facteur pathogène engendrant l’atteinte hépatique, le processus est le même : destruction d’hépatocytes, libération d’antigènes constitutifs de l’hépatocyte, activation des cellules inflammatoires (lymphocytes T, cellules étoilées, etc.) et production d’immuns complexes, puis cascade inflammatoire conduisant rapidement (quelques jours) à une fibrose hépatique, responsable d’une insuffisance hépatique.
Alat
Les différents tests biologiques inclus dans un bilan hépatique sont des marqueurs assez peu sensibles du fonctionnement hépatique, mais apportent une orientation sur l’existence, l’ampleur et le type de dommages lésionnels. Une augmentation rapide et importante de l’activité de l’alanine aminotransférase (Alat) est en faveur d’une hépatite aiguë avec cytolyse, tandis qu’une élévation modérée est plus en faveur d’une affection chronique ou d’une cholestase. Une bonne interprétation nécessite une cinétique sur plusieurs semaines : le retour aux valeurs usuelles en 2 ou 3 semaines est en faveur d’une atteinte aiguë et d’un bon pronostic. La persistance d’une élévation au-delà de 2 mois sans affection extra-hépatique, même sans signe clinique, doit pousser à une exploration plus poussée.
Pal et GGT
Les enzymes considérées comme des “marqueurs de cholestase” sont les phosphatases alcalines (Pal) et la gamma-glutamyl transférase (GGT). Dans toute affection hépatique, l’élévation des PAL et des GGT est plus tardive que celle des Alat, et le retour après guérison est nettement plus lent (plusieurs semaines). La sensibilité des PAL est supérieure à celle de la GGT, mais sa spécificité est bien inférieure chez le chien. Chez le chat, l’augmentation de la GGT est plus importante et plus précoce dans le cas de cholestase extra et intra-hépatique (cholangite), sauf lors de lipidose hépatique où une augmentation isolée et souvent précoce des Pal est observée.
Fibrovet ®
Un nouveau test utilisant des algorithmes mathématiques à partir de paramètres biologiques, Fibrovet®, permet d’évaluer l’inflammation et le stade de la fibrose (4 stades établis chez le chien), de façon non invasive. Aucun paramètre n’est suffisamment fiable à lui seul pour évaluer la fibrose hépatique. Mais, par l’évaluation combinée de différents facteurs, une sensibilité de 88 % est observée pour Fibrovet®, contre 54 % pour le dosage des Alat.
Histologie
Lors de recours nécessaire à l’histologie, la biopsie hépatique est réalisée par laparotomie ou laparoscopie. La biopsie échoguidée par Tru-cut® est à éviter, car peu fiable lors de maladie diffuse. La biopsie est contre-indiquée en cas d’ascite, de troubles de la coagulation ou de thrombopénie.
Au cours de la phase inflammatoire, période asymptomatique, une élévation de l'activité des Alat (5 à 20 fois la norme) et des paramètres de la cholestase (2 à 8 fois la norme) peut être notée. Dans ce cas, il convient tout d’abord d’écarter une induction enzymatique médicamenteuse (corticoïdes, phénobarbital, etc.) ou une maladie de Cushing. Puis une hépatopathie réactive (stress cortisolémique endogène avec une hépatopathie vacuolaire secondaire) doit être recherchée : infection urinaire, prostatite chronique, endométriose, etc. Après 2 ou 3 mois de traitement antioxydant, en plus du traitement éventuel de la cause, une cinétique des enzymes hépatiques est réalisée : en l’absence d’une augmentation significative, l’hypothèse d’une hépatopathie réactive est toujours à privilégier. Dans le cas inverse, il faut faire appel à des examens complémentaires tels que Fibrovet®, l’imagerie, les tests fonctionnels (acides biliaires, albumine). Le dosage des acides biliaires est le premier test fonctionnel à réaliser, car ils commencent à augmenter peu de temps avant le passage à la phase symptomatique. Si les résultats de Fibrovet® sont négatifs, une hépatopathie réactive est probable et à surveiller. Si le résultat est en faveur d’une inflammation, il est recommandé de renouveler le test après traitement médical ou de prévoir une biopsie hépatique si l’animal fait partie des races à risque. Si les résultats de Fibrovet® sont en faveur d’une fibrose, une biopsie hépatique est alors indispensable (voir schéma). Pendant la période symptomatique (stade d’insuffisance hépatique), la bilirubinémie augmente tandis que l’albuminémie diminue. Le traitement médical devient palliatif. En revanche, les aliments thérapeutiques à visée hépatique sont indiqués à partir de ce stade. Au stade terminal (encéphalose hépatique), l’urémie, la glycémie, les Alat et la prothrombine diminuent alors que l’ammoniémie augmente (stade de cirrhose).
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LES RACES PRÉDISPOSÉES AUX HÉPATOPATHIES