Le laser, une thérapie en plein rayonnement - La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018

DOSSIER

Auteur(s) : VALENTINE CHAMARD 

Apparue discrètement sur le marché vétérinaire français il y a huit ans, la laserthérapie fait l’objet d’un engouement croissant. Complémentaire, voire alternative, aux traitements classiques dans de multiples indications, elle bénéficie d’une image positive et moderne auprès des propriétaires. Elle pourrait même révolutionner la prise en charge de l’arthrose canine et s’inscrit dans la médecine personnalisée du futur.

Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si la laserthérapie fonctionne, mais de savoir quel appareil choisir et comment l’intégrer dans une prise en charge actualisée de la douleur. » Cette position tranchée de Thierry Poitte, titulaire d’un diplôme interuniversitaire (DIU) douleur et formateur CAP douleur auprès du distributeur Mikan, qui y a recours avec succès de façon quotidienne depuis cinq ans, traduit l’évolution des pratiques vétérinaires depuis l’arrivée sur le marché français du premier laser médical vétérinaire, en 2009. Un avis partagé par Roberta Burdisso, diplômée CCRP (certified canine rehabilitation practitioner) de l’université du Tennessee (États-Unis), consultante en physiothérapie, kinésithérapie, laserthérapie, vice-présidente du groupe d’étude en rééducation fonctionnelle et physiothérapie (Gerep) de l’Afvac et formatrice pour AsaVet. Elle a été l’une des premières à s’équiper en France en 2011, et constate depuis environ trois ans une montée en puissance de l’intérêt des praticiens pour cette technique, avec de plus en plus d’inscriptions aux formations dédiées et un relais aisé auprès des confrères pour le suivi des traitements qu’elle entreprend. La société Mikan, qui distribue en France les équipements de cinq fabricants, et a, à ce jour, équipé près de 300 cliniques françaises, belges et suisses constate également une nette augmentation des demandes d’équipement.

Des équipements adaptés au marché vétérinaire

Les premiers lasers thérapeutiques sont pourtant arrivés sur le marché vétérinaire il y a plus de 30 ans. « Il s’agissait de dispositifs peu puissants et non adaptés pour une utilisation sur le terrain, ce qui a valu à la thérapie laser d’être mise de côté pendant de nombreuses années. À l’international, la thérapie laser vétérinaire est réapparue en 2009, avec des dispositifs plus puissants, multilongueurs d’onde, et différentes fréquences offrant ainsi une plus grande étendue des indications thérapeutiques. La portabilité a également été revue pour faciliter les déplacements au sein même de la clinique et sur le terrain. Enfin, des protocoles vétérinaires ont été développés pour s’adapter au mieux aux pathologies et aux types d’animaux », se rappelle Mikan. En France, nous avons commencé la commercialisation des lasers dès 2010. Mais il aura fallu attendre 2013, avec l’arrivée du K-Laser ® Vet et les premiers essais cliniques menés par Thierry Poitte pour avoir un réel développement de cette technique dans les cliniques vétérinaires françaises », poursuit la société. « La laserthérapie se développe vite… parfois même trop vite, observe toutefois Roberta Burdisso. C’est une méthode devenue à la mode pour les propriétaires, qui arrivent en consultation en demandant une thérapie laser, à la suite de leurs lectures sur Internet, au risque de galvauder la pratique, qui entre dans un cadre diagnostique et thérapeutique ».

L’inflammation du système locomoteur, indication majeure

Il faut dire que ses atouts ont de quoi séduire : propriétés thérapeutiques antalgique, anti-inflammatoire, cicatrisante (encadré page 59), effets rapides, risques nuls si employés à bon escient, acte vétérinaire à haute valeur ajoutée, fidélisation de la clientèle (indications sur les affections chroniques), dispositif bénéficiant d’une image moderne et différenciante auprès d’une clientèle en demande de thérapies complémentaires, voire alternatives, à la médecine traditionnelle… La laserthérapie serait-elle devenue incontournable ? Pour Roberta Burdisso, son recours se justifie pour la plupart des phénomènes inflammatoires musculosquelettiques. Pour Thierry Poitte, son intérêt majeur est la prise en charge de l’arthrose dans une approche multimodale et surtout pluridisciplinaire. Cette affection représente 90 % de son utilisation, avec une efficacité chez le chien dans 90 % des cas d’arthrose coxofémorale – moins dans les autres zones (75 % pour le grasset, 66 % pour le coude) –, selon son expérience. « C’est aussi un complément intéressant lors d’arthrose féline, car les séances sont efficaces, courtes et bien supportées par le chat », souligne-t-il.

Un service à haute valeur ajoutée

Mais au-delà de cette efficacité, c’est « son caractère innovant, perçu comme tel par les clients, qui en fait une approche moderne des douleurs arthrosiques », qu’il met en avant. Au point d’autoriser une nouvelle approche dans leur prise en charge, sur-mesure pour l’animal, avec à la clé des suivis au long cours qui permettent d’affiner le traitement (exemple : ajout d’amantadine en cas d’apparition d’hyperalgésie ou d’allodynie). Dans l’expérience de notre confrère, 80 % des propriétaires des chiens arthrosiques acceptent le principe d’une séance mensuelle après la constatation d’effets positifs. À condition de faire évoluer le discours sur la maladie (encadré page 60), d’impliquer les propriétaires (alliance thérapeutique), de mesurer les résultats (par exemple, avec des scores de boiterie ou l’application Dolodog®), de proposer un nouveau cadre (consultation douleur), de remettre une documentation. Concernant la tarification du service, « il existe une corrélation entre la haute valeur perçue de la thérapie laser, intégrée dans une consultation douleur et l’acceptation d’un prix majoré », explique notre confrère. Le laser, outre son efficacité, se révèle donc aussi un investissement rentable (tarif moyen pratiqué d’une quarantaine d’euros, avec, selon Mikan, une utilisation possible chez 70 % des animaux présentés en consultation).

PROPRIÉTÉS THÉRAPEUTIQUES

Le laser thérapeutique offre quatre types d’action :
- Antalgique. Il agit sur la “soupe inflammatoire”, présente au niveau des cellules des fibres nerveuses périphériques (diminution des prostaglandines et des cytokines pro-inflammatoires), et limite ainsi la transmission du stimulus douloureux, renforce le gate control (atténuation de la perception douloureuse, offrant une analgésie localisée et peu durable), stimule la sécrétion d’endorphines (analgésie généralisée et durable).
La stimulation du système mono-aminergique, aux effets durables, explique que des séances d’entretien mensuelles, après la phase d’attaque du traitement, peuvent suffire en entretien. Ce phénomène systémique est aussi la raison pour laquelle le traitement d’une zone en particulier a un effet bénéfique sur des douleurs diffuses, selon Thierry Poitte.

- Anti-inflammatoire. Le laser réduit les taux de prostaglandines a une action sur le drainage lymphatique, stimule la phagocytose des macrophages et la production de lymphocytes T et d’immunoglobulines, diminue l’action des cytokines pro-inflammatoires.

- Régénérative. La laserthérapie a une action cicatrisante (plaies, os, tissu nerveux) en stimulant la production d’adénosine triphosphate ou ATP (croissance et réparation cellulaire, relâchement musculaire, diminution de l’hypertonicité des trigger points), de fibroblastes et de macrophages.

- Bactéricide et virucide. Cet effet s’explique là encore par l’activation lymphocytaire.
Voir aussi Le Point Vétérinaire n° 341 de décembre 2013, pages 24 à 41.

FOCUS SUR L’ARTHROSE

L’arthrose met en jeu des processus douloureux, inflammatoires et dégénératifs, trois mécanismes combattus par le laser, ce qui explique cette indication majeure de la technique, dans une approche multimodale. « Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont ainsi toujours leur place », souligne Thierry Poitte (T 83), fondateur de CAP douleur. Notre confrère insiste sur la nécessité, pour les vétérinaires, de faire évoluer leur discours sur l’arthrose, dont la pathogénie est mieux connue (modifications structurelles du cartilage, inflammation de la membrane synoviale, néo-innervation de l’os sous-chondral, avec une imprévisibilité des manifestations cliniques). Il importe d’impliquer les propriétaires (« 20 % de la population étant touchée par une maladie chronique, de tels messages sont bien reçus ») à la fois détenteurs d’informations utiles au traitement (exemple : mention de décharges électriques signes de douleurs neuropathiques, traitées avec de la gabapentine) et piliers de la réussite du traitement par l’observance. Il convient aussi, pour une prise en charge la plus adaptée, de définir des sous-catégories selon le phénotype1 de l’arthose qui permettent de hiérarchiser les traitements en fonction des facteurs de risque… le laser y trouvant des applications dans chaque cas. « L’ensemble des solutions aujourd’hui disponibles permet de dédramatiser l’arthrose », se réjouit notre confrère qui milite pour la synergie des thérapies innovantes, telles l’association de la physiothérapie manuelle, des cellules souches, du plasma enrichi en plaquettes (PRP), du laser et bientôt des anticorps monoclonaux.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1710 du 10/3/2017, pages 18 et 19.

QUESTIONS-RÉPONSES

Les effets de la laserthérapie sont-ils prouvés scientifiquement ?
Oui, il existe une multitude d’études scientifiques prouvant son efficacité, dans de nombreuses espèces, que ce soit en soins ou pour le traitement de la douleur.

Les auxiliaires spécialisés vétérinaires peuvent-ils pratiquer la laserthérapie ?
Non, il s’agit d’un acte réservé aux vétérinaires.

Le laser thérapeutique est-il cancérigène ?
Le laser n’émet pas de radiations ionisantes. Il ne peut donc être responsable de mutations de l’ADN. En revanche, ayant une action sur la mitose, il est contre-indiqué en présence de cellules cancéreuses déjà présentes. En particulier, il convient d’éliminer un éventuel ostéosarcome. « Une localisation autre que cutanée ou osseuse, par exemple intra-abdominale, n’est pas une contre-indication, la pénétration du faisceau lumineux n’étant pas assez profonde pour l’atteindre, mais il conviendra tout de même de ne pas appliquer le laser directement sur l’organe atteint », nuance Roberta Burdisso, consultante en laserthérapie.

La laserthérapie présente-t-elle d’autres risques ?
Les irradiations des tissus sains par des densités d’énergie de 2 à 10 J/cm2 n’influent pas sur leur métabolisme cellulaire, tandis que celles des tissus lésés tendent à rétablir leur équilibre. Leur utilisation est toutefois contre-indiquée lors d’affections de la glande thyroïde ou en cas de gestation. Les yeux doivent être protégés par des lunettes spécifiques (lésions de la macula) dans un rayon de 6 m autour de l’appareil. Il existe un risque théorique de brûlure.

Une femme enceinte peut-elle pratiquer une séance laser ?
Oui, car la lumière infrarouge reflétée est infime et les vêtements la bloquent.

Existe-t-il un risque de toxicité cumulée ?
Un risque éventuel peut apparaître en cas de dépassement de cinq fois la dose maximale recommandée (qui est de 2 à 10 J/cm2) avec apparition d’une apoptose.

Les animaux au pelage à la fois clair et foncé peuvent-ils être traités ?
La mélanine étant un chromophore sur lequel agit le laser, la couleur du pelage doit être prise en compte. Mais le choix du mode “pelage clair” ne diminue au final la fréquence que de 10 % (avec une augmentation du temps de 10 %). En cas de pelage associant zones claires et sombres, il conviendra alors de choisir plutôt le mode “pelage clair” et de ne pas s’attarder sur les zones foncées en mode statique.

Est-ce une pratique courante en médecine humaine ?
Si le laser est bien connu en dermatologie, il est moins employé dans la rééducation et le traitement de la douleur humaine en France (à l’inverse d’autres pays), contrairement à l’électrostimulation, aux ultrasons ou encore à la cryothérapie. La laserthérapie est cependant de plus en plus utilisée par les kinésithérapeutes pour les troubles musculosquelettiques chez les sportifs.

SE FORMER

Si de nombreux appareils laser sont intuitifs et disposent de programmes préenregistrés, la formation demeure indispensable pour tirer avantage de la technique, que ce soit via les organismes de formation (CAP douleur, DE physiothérapie AlforPro, Vetokinesis, Afvac, Avetao1, formation CCRP2 de l’université du Tennessee, etc.) ou les distributeurs. « Les programmes prédéfinis sont surtout utiles lors de la prise en main de son équipement. Ils sont conçus par pathologie et animal traité. Au fur et à mesure de l’utilisation de son laser, le vétérinaire maîtrise les programmes et peut également les personnaliser selon son expérience ou par patient », précise Mikan. Il est alors possible pour le praticien de proposer les protocoles qui lui semblent le plus adaptés, de réaliser des séances de laser classique, puis, en entretien, des séances ciblées sur les points d’acupuncture, de programmer lui-même son appareil (par exemple, pour du laser-acupuncture), etc. Thierry Poitte, de CAP douleur, insiste sur le fait de ne pas appliquer de protocoles tout établis. Le retour d’expérience est aussi intéressant pour faire évoluer sa pratique (Mikan a mis en place un groupe Facebook réservé aux possesseurs du K-Laser® Vet et les nouveaux lasers peuvent être connectés pour le partage des protocoles).
1Académie vétérinaire d’acupuncture et d’ostéopathie.
2 Certified canine rehabilitation practitioner.