Lumière sur le consentement éclairé - La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1787 du 23/11/2018

LÉGISLATION

ÉCO GESTION

Auteur(s) : JEAN-PAUL DELHOM  

Lors de la prise en charge d’un animal, obtenir le consentement éclairé du propriétaire est pour le praticien une contrainte légale, la preuve qu’il a rempli son obligation d’information. La démarche permet aussi aux praticiens de faire valoir leurs compétences …

Pour fournir un service, le nouveau Code civil, depuis l’ordonnance du 10 février 2016, oblige une information préalable illimitée du client. Le Code de la consommation (article L111-1) exige que cette information soit faite sur la nature, l’étendue et les limites de la prestation. Le conseil régional d’Île-de-France et des Outre-mer de l’Ordre des vétérinaires (CRO IDF-DOM) a ainsi organisé une soirée le 15 novembre à l’école vététinaire d’Alfort autour du sujet « le consentement éclairé : une contraite, des opportunités ».

Notre confrère Bruno Tessier, secrétaire général du CRO IDF-DOM, considère que le consentement éclairé procède d’un mouvement double : recueillir (du consentement), mais aussi délivrer (de l’information), «   l’association des deux fait que vous recueillez le consentement éclairé par l’information   ». Pour obtenir ce consentement, un dialogue loyal, clair et compréhensible, sans pression ni contrainte, doit avoir lieu, préalablement à l’acte médical, entre le praticien et le détenteur de l’animal. Il convient donc d’adapter son discours en fonction du client. Suite à cette discussion, un respect absolu de la volonté des clients est nécessaire.

Les fondements juridiques du consentement éclairé sont assez récents. Pour la pratique vétérinaire, ils font suite à une jurisprudence de la cour d’appel de Caen du 26 janvier 1989.

D’autre part le Code de déontologie, dans son article R242-48, estime que le vétérinaire doit apporter aux clients ses conseils et recommandations «   avec toute la clarté nécessaire et donner toutes les explications utiles sur le diagnostic, la prophylaxie ou la thérapeutique instituée et sur la prescription établie, afin de recueillir son consentement éclairé   ». Parler du tarif est essentiel : celui-ci doit être fixé avec tact et mesure. Le consentement du client sur le prix ne signifiant pas consentement sur les actes.

Le vétérinaire n’est pas fondé à connaître le statut – propriétaire ou non – de la personne qui présente l’animal (article 1998 du Code civil). Attention au niveau de compréhension de l’interlocuteur ; comprendre ou penser comprendre sont deux choses bien différentes. Selon Eymeric Gomes, vétérinaire conseiller du CRO IDF-DOM, les informations fournies par le praticien doivent comprendre l’état de l’animal, la nature des actes envisagés, les risques d’évolution, les protocoles possibles (avantages et inconvénients) et les coûts prévisibles. Le consentement s’obtient par des entretiens individuels et la remise d’un document que le client doit comprendre et approuver avec, si possible, un délai de réflexion.

En cas de litige

Devant une juridiction civile, il y a une obligation de résultat en matière de devoir d’information (Code civil, art. 1112-1). Le consentement éclairé doit être acquis et le vétérinaire en apporter la preuve.

Devant une juridiction ordinale, le doute doit profiter à la personne poursuivie. Il n’appartient pas à un organe disciplinaire de faire démontrer au praticien l’inexactitude des faits qui lui sont reprochés (CE 22 octobre 1993). C’est au rapporteur d’apporter la preuve que le vétérinaire n’a pas mis en œuvre les moyens oraux ou écrits pour recueillir son consentement. Mais cela n’exonère pas le vétérinaire de rassembler des preuves de son information.

Archiver pour garder une traçabilité

De nombreux justificatifs peuvent exister : contrat de soins, SMS, devis, conditions générales de fonctionnement (CGF), ordonnances, fichiers informatiques, témoignages… Un document écrit et signé du détenteur facilite les choses. Pour être valables, les CGF doivent être accessibles, le contrat de soins, daté et signé avec la mention lu et approuvé. Il est prudent d’ajouter aux documents une mention par laquelle le propriétaire reconnaît avoir bien compris les explications et n’avoir pas de questions complémentaires. Enfin, il convient de s’assurer que le signataire est bien mandaté par le propriétaire.

Cependant, l’écrit ne constitue pas toujours une preuve parfaite, l’état émotionnel du client compte également. Il est donc prudent de ne pas diminuer le portée des petits actes médicaux et chirurgicaux. L’écrit ne remplace pas la qualité du dialogue, qui reste l’élément fondateur du consentement éclairé.

Le respect du devoir d’information permet la mise en œuvre de la garantie responsabilité civile professionnelle (RCP). Et, si au civil un juge en tient compte, il interprétera encore plus durement son absence pour une intervention de convenance.

Les conditions générales de fonctionnement

L’obligation légale d’établir des CGF pour tout acte effectué sur les animaux est définie par l’article 8 de l’arrêté du 13 mars 2015 sur les catégories d’établissements de soins. Il y a obligation de les transmettre au conseil régional de l’Ordre et de les mettre à disposition du public. Les articles L111 et L112 du Code de la consommation imposent aux professionnels de fournir les informations relatives aux caractéristiques du service fourni, aux prix, aux modalités d’exécution et à l’identité du prestataire. Faustine Canonge Verez, vice-présidente du CRO IDF-DOM, expose les mentions obligatoires : «   appellation des établissements de soins, espèces traitées, identification de l’établissement, appartenance à des réseaux, horaires et conditions d’ouverture, liste du personnel et ses qualifications, prestations effectuées, permanence et continuité de soins, tarifs et, enfin, coordonnées du CRO, de l’assurance RCP et du médiateur en cas de litiges   ».

Il est aussi possible d’indiquer les risques inhérents à toute thérapeutique et anesthésique, les procédures pour les animaux décédés et les animaux errants, la législation sur les animaux dangereux, les modalités de règlement, les conditions d’hospitalisation et les horaires de visite.

Notons que pour l’appellation des établissements vétérinaires, il convient de répondre aux exigences de l’arrêté du 13 mars 2015 et au cahier des charges de l’établissement. La mention des horaires d’ouverture et des modalités de permanence permet de respecter l’obligation de continuité de soins (article R242-48) et la dénomination du module du cahier des charges. La mention 24 h/24 signifie par exemple la permanence d’une présence vétérinaire et non une permanence téléphonique.

Ces indications permettent de faire valoir ses compétences, de faire connaître les prestations réalisées ou déléguées et d’indiquer les modalités de délivrance des médicaments. Les informations relatives aux tarifs doivent être claires, honnêtes, accessibles à tous et datées. Ces informations aideront à prévenir les impayés et les difficultés avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Il convient par ailleurs d’indiquer le règlement général sur la protection des données.

Les CGF doivent refléter la réalité. Il s’agit donc d’un document évolutif, à mettre à jour auprès du CRO. Elles permettent de prévenir les litiges, et doivent être complétées par le contrat de soins.

Démontrer son professionnalisme avec le contrat de soins

Pour François de Couliboeuf, président du CRO, le contrat de soin est « une opportunité de démontrer son professionnalisme, la prise en compte des risques et le respect du client ». Cet accord doit renseigner l’objet du contrat, les commémoratifs, la nature des soins, les moyens techniques prévus, les risques liés aux soins, leur organisation, les conditions de prix et les modalités de règlement. Signé et approuvé par le client, le document doit être archivé. En vue d’une chirurgie ou d’examens complémentaires, des contrats d’hospitalisation seront aussi établis. L’identité du demandeur doit être indiquée, qu’il soit propriétaire ou non, ainsi que les motifs de la consultation, l’état du patient, la durée d’évolution et les éventuelles tentatives thérapeutiques antérieures. Il convient de notifier toute thérapeutique prévue (bilan sanguin, imagerie, chirurgie, hospitalisation, perfusion, etc.). Les risques liés aux soins, en général et pour le cas présent, seront notifiés. Il est possible de préciser la variabilité éventuelle du budget, les modalités de paiement (versement d’une provision ou non, mesures en cas de non-règlement).

Si toutes ces obligations semblent chronophages, du moins dans leur élaboration, il convient de ne pas oublier leur but premier : prévenir les différends. Il s’agit aussi d’une opportunité pour faire valoir nos structures de soins et nos compétences.