« La décision de fermer le site de Champignelles est collective » - La Semaine Vétérinaire n° 1789 du 07/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1789 du 07/12/2018

ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE DEGUEURCE

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON  

Le conseil d’administration de l’École nationale vétérinaire d’Alfort a finalement tranché en faveur de l’arrêt de l’activité du centre d’application de Champignelles (Yonne) en 2020. Christophe Degueurce, directeur de l’école, nous explique les raisons de ce choix.

À quoi sert le site de Champignelles ?

En tant que centre d’application en productions animales, il concourt à la formation initiale des étudiants de l’école. Dans ce cadre, les domaines d’enseignement sont clairement définis. Au programme : des visites d’élevages de ruminants, de porcs et de volailles installés dans l’Yonne et dans les départements voisins, ainsi que de l’abattoir de Migennes et d’entreprises agroalimentaires locales. Des séances d’autopsie de ruminants, l’enseignement des pathologies d’élevage restent dispensé au sein des locaux de l’école. Au cours de leur scolarité, les étudiants séjournent sur le site pendant trois périodes de cinq jours consécutifs.

Pourquoi avoir décidé de le fermer ?

Plus d’un quart de la valeur de la dotation de fonctionnement annuelle allouée par l’État à l’école (2,1 millions d’euros) est dédié au site de Champignelles, ce qui représente entre 350 000 et 500 000 € pour seulement trois semaines d’enseignement ! C’est trois à cinq fois plus que le coût de la partie enseignement animaux de compagnie. Le centre a progressivement développé une exploitation agricole qui a fini par coûter très cher, entre 90 000 et 180 000 € d’entretien à l’année. Il dispose aussi d’un élevage allaitant et d’un autre de moutons, qui étaient très peu utilisés à des fins pédagogiques. Au regard du coût et du bénéfice pour la formation, le site apparaît peu pertinent, d’autant plus si on le compare avec nos autres centres d’activités. Par exemple, le Cirale1 fonctionne toute l’année, le site de Maisons-Alfort 11 mois sur 12, quand l’activité de Champignelles ne dépasse pas 24 à 28 semaines par an ! En parallèle, les travaux en cours de réhabilitation de l’école engendreront à terme 1,1 million d’euros de dépenses supplémentaires pour le fonctionnement des nouveaux bâtiments. Par conséquent, l’imminence d’un risque budgétaire majeur, qui n’est rien de moins qu’une cessation de paiement en 2020-2021, devenait plausible. Une des solutions aurait été de développer des activités lucratives sur le site, mais les demandes et tentatives faites en ce sens depuis plusieurs années n’ont jamais abouti. J’avais aussi sur ma table une demande de la Driaaf2 invitant l’école à relocaliser ses activités en Île-de-France et à construire un réseau avec les élevages et les entreprises agroalimentaires de la région. De toute façon, à terme, Champignelles allait poser un problème pédagogique : des déficiences étaient apparues lors de l’évaluation de l’ENVA en 2015 par l’Association européenne des établissements d’enseignement vétérinaire et Champignelles ne permettait pas de répondre à ce défi de diversification de l’offre pédagogique.

Ce choix est-il partagé au sein de l’école ?

Cette décision est le résultat d’une concertation d’une année. Je ne souhaitais et ne pouvais pas passer en force ; aussi, nous avons construit un processus collectif, basé sur la responsabilité de chaque membre du conseil d’administration. Au final, lors du dernier conseil, sur 36 votants, 27 ont voté pour la fermeture, 6 contre et les autres se sont abstenus ou ont voté blanc. Le corps étudiant a aussi largement participé au processus en organisant des assemblées générales, des groupes de travail, etc. Au final, 80 % d’entre eux ont voté pour la fermeture du site. Leurs représentants ont résumé la situation en une phrase : « Le cœur dit non, la raison dit oui. » Aujourd’hui, je vais appliquer la décision de la communauté. Je trouve que c’est un bel exercice de démocratie.

Que va devenir le site et son personnel ?

La fermeture effective est prévue pour septembre 2020. D’ici là, il est prévu de procéder au reclassement de l’ensemble du personnel3. La piste de repreneurs est fortement travaillée.

Comment comptez-vous compléter la formation des étudiants en productions animales ?

L’ouverture d’un hôpital pour animaux de production4, composé d’un secteur infectieux et d’un secteur sain, est prévue pour 2019. Son objectif est double : renforcer la formation des étudiants en santé animale, mais aussi répondre à la demande des éleveurs d’Île-de-France et des régions environnantes, qui souffrent d’un manque de vétérinaires ruraux. Pour le reste, toutes les visites organisées depuis Champignelles seront effectuées depuis l’école. Dans ce cadre, le département d’Île-de-France est particulièrement bien doté en matière d’entreprises agroalimentaires. Pour les visites d’élevage, nous devrons développer un nouveau réseau et profiter des opportunités que sont les trois lycées agricoles franciliens et leurs troupeaux. Cette relocalisation des activités ne signifie pas, pour autant, l’arrêt des visites dans le département de l’Yonne.

1 Centre d’imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines.

2 Direction régionale interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.

3 Treize supports d’emploi.

4 Bâtiment Nocard.