Protection animale : de la science au droit - La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018

DOSSIER

Après vous avoir présenté la première promotion reçue au diplôme d’établissement de VetAgro Sup, “Protection animale : de la science au droit“ 1, ayant pour objectif de former des professionnels aux bases scientifiques et juridiques de la protection animale, nous vous invitons à découvrir quelques exemples de la diversité des sujets abordés dans les mémoires soutenus 2.

Chaque mémoire issu de la première promotion reçue au diplôme d’établissement de VetAgro Sup “Protection animale : de la science au droit” s’articule autour du bien-être animal et du droit, en analysant les pratiques et les normes qui les encadrent, en proposant des pistes d’amélioration, etc. Comme vous pourrez le constater à travers ces résumés, cette diversité reflète les nombreuses pistes de réflexion qu’offre la condition animale dans notre société, ainsi que dans la profession vétérinaire, qu’il s’agisse d’animaux appropriés ou d’animaux sauvages, libres ou en captivité. Tour d’horizon.

Vétérinaire canin : acteur majeur de la protection de l’animal et de l’intérêt général

S’inspirant de l’évolution du métier d’avocat, ce mémoire souhaite placer le vétérinaire canin au cœur du réseau de la protection animale. Il propose un allègement du secret professionnel par la création d’une obligation de vigilance et la possibilité de procéder à une déclaration de soupçon auprès de l’Ordre, seul juge de l’opportunité de la transmettre aux autorités compétentes (but annoncé : lutter contre le trafic d’animaux, mais aussi contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent en découlant). Le mémoire propose ensuite la mise en place d’un plan massif de stérilisation des chats libres par la création d’une obligation de solidarité individuelle des vétérinaires canins, sur le modèle de celle existant pour les avocats. Les modalités pratiques en seraient fixées par l’Ordre (but annoncé : réduire la misère féline, mais aussi protéger la santé publique et la biodiversité).

D’après Symniacos Olivia. Vers un renforcement du rôle du vétérinaire dans le réseau de la protection animale ?

Protection du chat libre en ville

La ville est considérée comme un territoire “humain”, régi par des règles édictées par et pour l’homme. Pourtant, elle rapproche d’une manière inédite les animaux sauvages des citadins. Le désir de cohabiter avec cette faune urbaine est un terrain propice pour repenser la place de l’animal libre dans le droit. Mais comment y parvenir ? En analysant le cas du chat errant. La loi du 6 janvier 1999 a révolutionné son statut en lui en créant un nouveau : celui de “chat libre”. Sa gestion est aujourd’hui encadrée et une nouvelle forme de gouvernance s’est installée, associant acteurs publics et privés. Reconnu sensible, le chat libre est protégé au même titre que les chats domestiques, tout en restant un animal “entre-deux” d’un point de vue scientifique, social et juridique. Ce statut très particulier du chat errant devenu “chat libre” pourrait donc permettre de faire évoluer plus généralement le statut des animaux sauvages libres dans le droit. Sylvie Delfour

D’après Delfour Julie. L’animal libre en ville : le cas du chat errant.

Respecter le bien-être des chiens en ville

La réglementation impose beaucoup de contraintes aux chiens domestiques en milieu urbain, ainsi qu’à leurs propriétaires. Les chiens, considérés comme bruyants, sales ou dangereux, doivent, par exemple, marcher en laisse et la plupart des espaces verts leur sont interdits. Cette législation ne leur permet pas d’exprimer le comportement propre à leur espèce, ce qui est pourtant l’une des libertés fondamentales pour le bien-être des animaux. Ces contraintes participent à une forme de maltraitance ordinaire, acceptée par tous. De plus, l’absence d’exercice physique et d’interactions sociales, et parfois celle de leur propriétaire en journée, peuvent être à l’origine de troubles du comportement chez les chiens. Ce mémoire propose des pistes pour que le milieu urbain devienne bientraitant, notamment, comme cela est réalisé dans certaines villes, en ouvrant des espaces de liberté pour les chiens et en participant à l’éducation des propriétaires au respect des besoins de leur animal.

D’après Richard Lorenza. Bien-être du chien domestique dans l’espace urbain : comment le prendre en compte ?

La protection des animaux d’élevage

C’est en pensant à sa clientèle, souvent des petites exploitations de vaches laitières, de poulets fermiers… qu’Eliette Sarkissian, avocate spécialisée en droit rural, a rédigé son mémoire. Que représentent le bien-être et la protection de leurs animaux pour les éleveurs ? Quels sont les textes en vigueur ? Pourquoi et comment les respecter ? Où trouver des informations ? Vers quels professionnels se tourner ? Pour quels avantages ? Quelles sont les contraintes ? Y a-t-il des sanctions ? Ce mémoire étudie son sujet à travers les textes et les rencontres de l’auteure avec des agriculteurs et des professionnels impliqués dans les filières animales. Il soulève les questions brûlantes qui s’imposent dans le face-à-face entre une société civile de plus en plus exigeante et des éleveurs soucieux de bien faire, dans un climat d’incompréhension et de scandales médiatiques sur la maltraitance animale. Eliette Sarkissian

D’après Sarkissian Eliette. Le bien-être animal et la protection des animaux d’élevage. Observations en Eure-et-Loir.

Rongeurs et lapins : les oubliés du bien-être animal ?

Contrairement à celle de chiens et de chats (interdite dans de nombreux pays), la vente des lapins et des petits rongeurs en animalerie reste un commerce florissant. Pourtant, leurs conditions de détention et de vente sont bien éloignées de la volonté sociétale de bien-être animal. Le législateur a encadré ce commerce, mais les textes s’avèrent insuffisants. Le faible coût d’achat de ces animaux leur nuit à chaque étape : “casse” à l’animalerie, achat impulsif, matériel non adapté, peu de soins, abandons. L’animalerie ne peut concilier leur bien-être avec sa logique commerciale et devrait se concentrer uniquement sur la vente du matériel de meilleure qualité, en ouvrant ses portes à des éleveurs ou à des associations pour des “journées adoption”, comme cela se pratique déjà pour les chiens et les chats. Le législateur pourrait responsabiliser l’adoptant en développant l’identification de ces petits animaux, déjà possible pour les lapins et prochainement pour les rats et les cobayes.

Brigitte Leblanc

D’après Leblanc Brigitte. La vente d’animaux en animalerie : cas des rongeurs et lagomorphes domestiques.

Amateurs de psittaciformes et réglementation

La France compterait 5,8 millions d’oiseaux de compagnie, dont peut-être la moitié de psittaciformes, qui regroupent des animaux de tailles et de couleurs extrêmement variées. Les psittaciformes sont présents dans toute animalerie vendant des oiseaux, et s’il est possible de les acquérir à un tarif modeste, le coût de l’installation et de l’entretien peut s’avérer beaucoup plus élevé. Des personnes peuvent être passionnées par ces animaux, mais éprouver des difficultés à comprendre la réglementation, parfois complexe, qui s’applique à leur protection. D’autres ont décidé d’acheter un oiseau, dont l’acquisition ne nécessite pas de capacité particulière, sur un coup de cœur. Ce mémoire expose la réglementation que devra respecter une personne qui souhaiterait, pour son plaisir, acquérir et reproduire des psittaciformes, afin qu’elle puisse offrir des conditions d’hébergement adaptées, qui respecteront le bien-être des oiseaux. La répression n’est pas abordée.

D’après Cornillon Florence. Réglementation relative à la protection animale applicable à l'éleveur amateur de psittaciformes.

Protection animale et chevaux de courses

Associer courses hippiques et protection animale soulève beaucoup de questions. Ce mémoire propose un état des lieux des textes, contraignants ou non, et des initiatives de la société civile concernant la protection des chevaux de courses. La confrontation des textes existants aux réalités pratiques et économiques permet de proposer des voies d’amélioration. En gardant à l’esprit que la filière des courses hippiques est en crise culturelle et économique1, il apparaît nécessaire d’harmoniser au niveau européen le statut juridique du cheval, de proposer une loi nationale protégeant les équidés, de compléter le Code des courses au trot et le Code des courses au galop avec un chapitre spécifique pour la protection animale, et de réfléchir sur les conséquences de l’hyper-sélection génétique, ainsi que sur la création d’un système de reconversion des chevaux respectueux. Annabelle Garand

D’après Garand Annabelle. La protection des chevaux de courses : état des lieux législatifs et améliorations envisageables.

1 Jean Arthuis. Filière équine : vision et propositions pour un nouveau souffle - « Le pari de reconquérir le grand public ». Rapport à M. le Premier ministre, octobre 2018.

Anne-Catherine Loisier. Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires économiques sur la situation de la filières équine, Sénat session ordinaire 2015-2016.

Remise en cause de la pêche au vif

La pêche au vif consiste à utiliser un poisson vivant comme appât, d’espèce différente selon la période de l’année ou du carnassier recherché. L’animal est accroché vivant à un ou deux hameçons plantés dans le dos, la bouche ou le flan. En l’absence de mimique faciale et de cris audibles par l’être humain, l’éventuel mal être des poissons est mal détecté, mais de nombreuses études apportent les preuves de leur capacité à souffrir. Ce procédé de pêche cruel est remis en cause par des associations et 76 % des Français1 souhaitent que le poisson bénéficie d’une protection similaire à celle des autres animaux consommés. Il relève en effet du champ d’application de la loi sur la protection des animaux vertébrés et est reconnu dans le Code civil comme « être vivant doué de sensibilité ». Plusieurs pays interdisent déjà cette pratique, soit pour mettre en adéquation les connaissances scientifiques, la réglementation et l’attente sociétale, soit pour éviter l’introduction d’espèce de poisson indésirable. Pauline Allier

D’après Allier Pauline. La réglementation de la pêche au vif en eau douce, de la science au droit vers une meilleure protection animale.

1 Survey of 9,047 EU publiée le 6 juin 2018.

Comment limiter le trafic des pangolins ?

Les huit espèces de pangolin sont menacées d’extinction essentiellement en raison de la destruction de leur habitat et du braconnage. Le commerce de cet animal est interdit depuis 2000 par le droit international, mais les croyances sur les vertus médicinales de ses écailles et le symbole de statut social élevé que confère sa chair sont tenaces. Les médias relatent régulièrement des saisies record d’écailles de pangolin. Ainsi, la population de deux espèces asiatiques (pangolin à queue courte et pangolin de Chine) aurait diminué de 80 % en une vingtaine d’années, et le trafic international, en constante augmentation, se tourne aussi vers les espèces africaines. Ce mémoire montre que les réglementations internationales (notamment la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction ou Cites) et nationales ne permettent pas une protection suffisante de ces animaux, et présente les initiatives de plusieurs associations pour tenter d’enrayer les trafics.

D’après Coniglio Marie. Le pangolin : l’animal le plus braconné au monde face à une réglementation insuffisante.

Protection des animaux sauvages en captivité

Ce mémoire est rédigé en vue d’apporter une contribution au guide du bien-être animal que souhaite élaborer le zoo du parc de la Tête d’or à Lyon (Rhône), dans le contexte actuel de revalorisation de la condition animale. Il présente la réglementation spécifique qui s’applique aux parcs zoologiques et à la faune sauvage captive, ainsi que les particularités du zoo de Lyon. Si maintenir des animaux en captivité est parfois assimilé à un emprisonnement, ceci permet cependant la sensibilisation du public par des actions pédagogiques, ainsi que la conservation des espèces. Le zoo cherche à apporter aux animaux des conditions de vie de plus en plus respectueuses de leur bien-être, notamment en matière de logements, d’occupations et d’exposition au public. Deux espèces animales sont spécifiquement évoquées : le lion d’Asie et le rat des sables, dont les statuts de protection (le premier est fortement menacé d’extinction, contrairement au second), les caractéristiques et le type de présentation au public sont très différents.

D’après Miani Françoise. Approche scientifique et juridique du bien-être animal - Réglementation sur les animaux sauvages en captivité - Application pratique à deux espèces animales.

Agences européennes : enjeux et influence en matière de protection animale

La création et le fonctionnement des agences de l’Union européenne répondent à des besoins spécifiques évalués au cas par cas par la Commission européenne et les législateurs. Indépendantes dans leur fonctionnement, les agences sont soumises au droit communautaire et subventionnées par les institutions européennes. À travers leurs avis et recommandations d’experts, elles apportent des éclairages scientifiques qui guident les décideurs administratifs, juridiques et politiques. Ces actes de soft law, en principe non contraignants, orientent toutefois l’interprétation et l’application des textes législatifs et réglementaires, traduisant l’évolution des liens entre science et gouvernance. En contrepartie de leur autonomie, les performances des agences sont étroitement surveillées. La protection et le bien-être animal figurent au cœur des missions du panel Animal Health and Welfare (AHAW) de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Ce panel analyse l’impact potentiel des conditions de vie et de l’environnement sur la santé et le bien-être des animaux, producteurs de denrées alimentaires ou de compagnie, ainsi que sur la santé humaine. Une analyse comparée des recommandations publiées et du règlement CE 1/2005 relatif au transport des animaux montre, par exemple, l’influence de l’expertise scientifique effectuée. La Commission européenne reste toutefois libre de suivre ou non les recommandations de ses agences.

D’après Cogi Nathalie. La gouvernance des agences européennes dans l’évolution de la réglementation européenne en matière de protection animale : le cas de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Harmoniser les conditions d’hospitalisation des chiens et des chats

La nouvelle définition du bien-être animal par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande de satisfaire les besoins physiologiques et comportementaux des animaux, ainsi que leurs attentes, ce qui interroge les pratiques quotidiennes des vétérinaires, l’hospitalisation d’un animal malade ou blessé affectant nécessairement son ressenti. Seules quelques obligations définies dans le Code rural et de la pêche maritime encadrent les conditions d’hospitalisation des chiens et des chats. Elles laissent une grande latitude d’interprétation, qui se traduit par une hétérogénéité des pratiques. Des guides de bonnes pratiques seraient utiles pour homogénéiser les prestations fournies. Les règles encadrant les relations entre le vétérinaire et son client sont plus détaillées. Le contrat de soins, au sens strict, définit les obligations principales et accessoires des cocontractants, vétérinaire et détenteur de l’animal. Par le contrat de dépôt salarié, le vétérinaire est responsable de l’animal qui lui est confié et des dommages qui pourraient lui être causés. Par le transfert de garde juridique, il est également responsable des dommages que pourrait causer l’animal placé sous sa garde, y compris lors des visites des propriétaires. La valeur juridique des chartes éthiques est à réfléchir.

D’après Rose Hélène. Normes relatives à l’hospitalisation des chiens et des chats dans les structures vétérinaires.

1 Voir l’article de Lorenza Richard « Délivrance du premier diplôme d’établissement en droit de la protection animale », La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 5/10/2018, page 22. 2 Voir aussi l’article de Corinne Lesaine : « Où en est-on de la protection animale sur les tournages de films ? », La Semaine Vétérinaire n° 1780 du 5/10/2018, page 16.