Un vaccin pour améliorer la santé des abeilles ? - La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1790 du 14/12/2018

RECHERCHE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Une équipe de chercheuses de l’université d’Helsinki développe une méthode de vaccination pour l’abeille domestique.

En juillet 2015, des chercheurs de l’université d’Arizona (États-Unis), d’Helsinki (Finlande), de Jyväskylä (Finlande) et de l’université norvégienne des sciences de la vie publiaient, dans la revue Plos Pathogens 1, la découverte du mécanisme de transfert d’immunité de la reine aux œufs, permettant la “vaccination” du futur couvain. Et ouvrant la voix, selon les chercheurs, à la production de vaccins pour les abeilles. Aujourd’hui, c’est chose faite : l’université d’Helskinki a annoncé, fin octobre, développer une méthode efficace de vaccination des abeilles domestiques2. Nommé PrimeBEE, ce vaccin serait le tout premier du genre pour les insectes. Avec comme premier pathogène visé l’agent de la loque américaine, Paenibacillus larvae ssp. larvae. « Nous espérons pouvoir également développer une vaccination contre d’autres affections, telles que la loque européenne et les maladies fongiques, explique Dalial Freitak, une des chercheuses de l’université ayant participé à ce travail, aux côtés de Heli Salmela. Nous avons démarré des tests en ce sens. L’objectif étant d’être capable de vacciner contre n’importe quel agent pathogène. »

Une exposition alimentaire

Le principe du vaccin est simple. En effet, la reine peut potentiellement ingérer des agents pathogènes ramenés par les butineuses via la gelée royale. Bien que partiellement détruits dans leur système digestif, des débris des parois cellulaires microbiens persistent. Ils sont stockés dans le corps gras et certains se fixent sur la vitellogénine qui y est produite. Cette protéine aux propriétés anti-oxydantes est ensuite distribuée aux œufs par la circulation sanguine, contribuant ainsi à un transfert d’immunité. La vaccination développée par l’équipe finlandaise consiste alors à nourrir la reine avec du sucre alimentaire contenant le vaccin3, sur une période de 7 à 10 jours. Si l’innocuité du vaccin est toujours en phase de test dans le laboratoire de l’université d’Helsinki, celle-ci espère pouvoir rapidement envisager un débouché commercial.

Une solution partielle ?

« Améliorer un peu la vie des abeilles aurait un grand effet à l’échelle mondiale, affirme la chercheuse. Bien-sûr, elles font face à d’autres problématiques comme l’exposition aux pesticides ou la perte d’habitat, mais les maladies vont de pair avec ces problèmes de qualité de vie. » Si la solution reste donc incomplète pour lutter contre le déclin des abeilles, elle apparaît en revanche étroitement liée à la qualité de l’environnement des colonies d’abeilles. En effet, une étude4 de 2017, menée par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), les instituts techniques agricoles (Acta), et l’Itsap5, Institut de l’abeille, avait montré que la vitellogénine renforçait la longévité des abeilles. Ainsi, cette protéine était associée à une augmentation de 30 % de la probabilité de survie des colonies d’abeilles en hiver. Les colonies présentant un faible taux de vitellogénine avaient un taux de survie hivernale de 60 % contre 90 % pour celles dont les taux étaient élevés. Or, l’étude a montré que la production de cette protéine était liée à « la qualité de l’environnement dans lequel les abeilles se préparent à l’hiver, notamment à la présence de couverts fleuris implantés par les agriculteurs en automne 6 et de ressources liées aux habitats ». L’effet le plus significatif a été obtenu avec les milieux naturels tels que les haies et les lisières forestières.

1bit.ly/2CnxRNJ.

2bit.ly/2PDh2Sd.

3Une dose de vaccin pèse entre 10 et 15 g.

4bit.ly/2PNrUgD.

5Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation.

6Cultures intermédiaires à base de plantes produisant du nectar et du pollen, implantées dès septembre (moutardes blanche et brune, trèfle d’Alexandrie, vesces pourpre et commune, phacélie, tournesol).