Du principe du caractère personnel de l’exercice - La Semaine Vétérinaire n° 1791 du 21/12/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1791 du 21/12/2018

JUSTICE ORDINALE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Un vétérinaire à la tête d’un réseau de cliniques doit nécessairement participer au service de la clientèle de chacun de ses domiciles professionnels d’exercice.

Un vétérinaire peut-il faire gérer de façon permanente ses domiciles professionnels d’exercice (DPE) par des confrères salariés ? La Chambre nationale de discipline a rappelé dans une décision du 22 octobre qu’un vétérinaire à la tête d’un réseau de cliniques doit nécessairement participer au service de la clientèle dans chacun des DPE. Il est en effet interdit à un vétérinaire de faire gérer de façon permanente un DPE par un confrère ou d’y faire assurer un service de clientèle. Dans cette affaire auditionnée le 20 septembre dernier, la situation personnelle du vétérinaire A, à l’époque seul associé d’une société d’exercice libérale créée en 2014, a été prise en compte par la juridiction ordinale. En ouvrant sa société à des vétérinaires associés, qui pratiquent dans les différents DPE, la chambre a estimé que le vétérinaire A voulait régulariser sa situation. Une bonne volonté qui a su la convaincre de réduire la sanction prononcée en première instance. Sa suspension d’exercice passant ainsi d’un an à trois mois, dont un avec sursis, sur tout le territoire national.

Un faible exercice de la pratique vétérinaire

Selon les éléments mis à la disposition de la chambre, le vétérinaire A participait ponctuellement au service des soins des différents DPE. Sa participation n’était pas régulière. Pour l’une des cliniques, le rapport d’enquête note, par exemple, que le vétérinaire A n’exerçait en moyenne que 0,38 jour par semaine. Dans une autre clinique, il a été constaté qu’il n’exerçait pas pendant plusieurs semaines consécutives. La chambre relève également l’absence du nom du vétérinaire A sur les plaques apposées sur les différents DPE de la société. « Ce faible exercice de la pratique vétérinaire au service de la clientèle dans chacun des domiciles professionnels d’exercice qui ne revêt pas un caractère habituel ne peut être compensé par la gestion administrative à distance qu’assurait le docteur vétérinaire A pour le compte de la société, pas plus que par l’usage de moyens modernes de communication, ces tâches ne mettant pas en relation le vétérinaire et la clientèle de la société », souligne la chambre dans sa décision.

Une dérive mercantile ?

Le fonctionnement du réseau de cliniques interpelle par ailleurs les membres de la chambre. « Comment exercez-vous votre rôle d’employeur ? », interroge le président de la juridiction ordinale. « La ligne est claire. Je ne m’immisce pas dans la pratique de mes salariés. Ils sont libres de leurs choix médicaux et thérapeutiques », retoque le vétérinaire A. à un conseiller d’ajouter : « Comment sont organisées la permanence et la continuité des soins ? ». « Les cliniques sont très proches. à tour de rôle, un vétérinaire assure la continuité des soins sur la clinique qui est la plus proche », poursuit le vétérinaire A. Pour ce dernier, ce projet de réseau de cliniques veut offrir aux vétérinaires le moyen d’exercer et de pérenniser ces modèles économiques. « Je pense que l’avenir de notre profession sera le regroupement », souligne le vétérinaire A. Mais pour la chambre, « ce type d’organisation conduit à laisser une très grande autonomie aux vétérinaires salariés exerçant sur chacun des sites ». Le vétérinaire A reconnaît que le fonctionnementde sa société doit être perfectionné. « Je ne suis pas un va-t-en-guerre, mais il faut laisser le temps à la société de se mettre en place », indique-t-il. Pour sa part, la chambre retient qu’il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une dérive mercantile, car le vétérinaire a développé un nombre limité de DPE localisés dans la même agglomération. Elle note en effet que les choix opérés ne caractérisent pas, à eux seuls, une recherche exclusive du profit de nature à compromettre la réalisation des objectifs d’intérêt général auxquels concourt l’exercice de la profession ou une confusion de la pratique vétérinaire et du commerce.