SYNTHÈSE
PRATIQUE CANINE
Formation
De nombreuses techniques ont été décrites pour le traitement des ruptures du ligament croisé cranial chez le chien. La Cora based leveling osteotomy (CBLO) a été développée il y a une dizaine d’années par Don Hulse1. à l’instar de la tibial plateau leveling osteotomy (TPLO), la CBLO a pour objectif de stabiliser les grassets présentant un ligament croisé cranial déficient en annulant le tiroir tibial cranial au moment de la phase de pose du membre au sol.
La CBLO est une ostéotomie tibiale qui associe à la fois les avantages de la TPLO et de la tibial transposition advancement(TTA) en effectuant un nivellement du plateau tibial et un avancement de la tubérosité tibiale. Elle se base sur la technique de correction des déformations angulaires : le centre de rotation de l’angulation (Cora). En présence d’une déformation, les axes anatomiques de l’os en portions proximale et distale à cette déformation sont déterminés. Le point de croisement de ces axes anatomiques correspond au Cora. Cette technique a été appliquée à la correction de la pente du plateau tibial en considérant que le tibia présente un Cora physiologique du fait de sa forme arquée.
- Avec une CBLO, le fragment proximal au trait d’ostéotomie est d’une taille plus importante que lors d’une TPLO. Ceci permet une stabilisation plus sûre chez les chiens de petite taille et laisse la possibilité de mettre deux plaques d’ostéosynthèse chez les chiens de races géantes.
- Contrairement à la TPLO, la CBLO peut être réalisée chez les chiens en croissance, car l’ostéotomie est réalisée distalement au cartilage de croissance proximal du tibia. Un excellent retour à la fonction est constaté sans modification de la croissance du tibia proximal.
- La CBLO permet de traiter les ruptures de ligament croisé cranial même lors de pente de plateau tibial excessive (angle de plateau tibial supérieur à 35°). Pour ce type de configuration, la TPLO doit être combinée à une autre ostéotomie tibiale et est associée à un taux de complication élevé.
- L’évaluation arthroscopique à long terme a permis de démontrer que la CBLO prévient mieux la dégénérescence de l’articulation du genou que la TPLO.
- Grâce, notamment, à la mise en place d’une vis de compression dans la crête tibiale, l’angle du plateau tibial reste stable au cours des semaines postopératoires suivant une CBLO. Avec la TPLO, l’angle de plateau tibial peut varier de 1,5 à 5° entre la valeur mesurée en postopératoire immédiat et celle relevée à la fin de la cicatrisation osseuse.
- Comme pour la TPLO, une cicatrisation osseuse peut être constatée en moyenne 7 semaines après la CBLO avec une vis de compression seule (46 à 60,5 jours postopératoires). Cependant, le pontage osseux est présent dès 5 semaines postopératoires lors d’ajout d’un hauban aux implants classiques de la CBLO. Ceci permet un retour encore plus rapide à la fonction du membre opéré et une durée plus courte de restriction stricte d’activité. La cicatrisation osseuse, plus rapide par rapport à la TPLO, peut être expliquée par la plus grande stabilité du montage.
- La CBLO est également une procédure non articulaire n’entraînant pas de coupe au travers du cartilage et donc pas de fuite de liquide synovial dans le trait d’ostéotomie. Des études ont montré que le liquide synovial des grassets avec un ligament croisé cranial déficient présente une concentration en métalloprotéases et en interleukines élevée qui serait délétère à la cicatrisation osseuse.
- Enfin, la CBLO permet de corriger plus facilement d’autres affections concomitantes, comme les luxations médiales de patelle en réalisant une transposition de la crête tibiale.
Elle se fait à l’aide de radiographies de l’articulation du grasset selon une incidence médiolatérale et caudocraniale.
Obtention de radiographies préopératoires de qualité
Sur ces deux incidences, l’articulation du grasset et celle du tarse doivent être présentes.
- Sur la radiographie médiolatérale, les articulations du grasset et du tarse sont fléchies à 90° et le tibia est placé parallèlement à la table de radiographie. Le grasset doit être parfaitement de profil, avec une superposition des deux condyles fémoraux et des deux condyles tibiaux. Cette incidence permet de déterminer la pente du plateau tibial préopératoire, le Cora, la taille de la scie et de la plaque à utiliser et de quantifier la rotation à effectuer.
- Sur la radiographie caudocraniale, le membre doit être bien de face. Cela peut se visualiser radiographiquement avec la présence de la patelle centrée dans la trochlée fémorale et le cortex latéral fémoral passant au centre de l’os sésamoïde fémoral latéral. En l’absence de torsion du tibia, le bord médial du calcanéus doit croiser le milieu de la surface articulaire distale du tibia. Cette incidence permet d’estimer la longueur des vis nécessaires à l’ostéosynthèse, de mettre en évidence l’absence ou la présence de déformations angulaires ou rotationnelles et de mesurer leur sévérité si elles sont présentes.
Mesures préopératoires et principe de l’intervention
L’objectif de la CBLO est d’aligner l’axe anatomique proximal sur l’axe anatomique distal du tibia. La pente tibiale souhaitée après rotation de l’épiphyse proximale est le plus souvent entre 8 à 14° selon la pente tibiale initiale. La planification chirurgicale permet, lors de l’intervention, de reporter les mesures sur le tibia à partir de repères anatomiques. À la suite de l’ostéotomie, le fragment proximal est basculé cranialement et stabilisé par la pose d’une vis de compression canulée insérée dans la tubérosité tibiale et d’une plaque médiale. Une étude récente propose un autre montage avec l’ajout d’un hauban sur la tubérosité tibiale.
Le pronostic fonctionnel de cette technique chirurgicale est bon, avec une reprise d’activité complète à acceptable dans 96 % des cas selon les propriétaires. La reprise d’appui sur le membre opéré est rapide, sous 24 à 48 heures en général.
Un taux de complications (mineures et majeures) d’environ 16 % est rapporté (versus 10 à 34 % pour la TPLO). Les complications mineures, principalement liées à la plaie chirurgicale (œdèmes, infections, hématomes), sont aussi fréquentes pour les deux techniques (0,7 à 7,2 % des cas). Sont majeures celles nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale (débricolage des implants, infection du matériel, insertion de vis en intra-articulaire, migration ou fracture de la vis de compression). Un mauvais placement de cette vis compressive chez un animal immature a aussi engendré un valgus du tibia nécessitant une chirurgie de correction angulaire. Lors de suivi arthroscopique, des lésions méniscales retardées ont été détectées dans 8,5 % des cas (versus 29 à 61 % lors de TPLO).
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1 Diplomate ACVS et ECVS, Austin, Texas, États-Unis.
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POINTS FORTS