SÉCURITÉ SANITAIRE
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Comment vivre avec les maladies vectorielles ? Telle est la question que se sont posée les experts européens des agences de santé animale et de sécurité sanitaire réunis à Bruxelles le 13 décembre, lors d’une journée organisée par la Fesass.
La question qui se pose actuellement n’est pas : est-ce que l’émergence d’une maladie vectorielle aura lieu, mais plutôt quand ? » tel est le constat fait par Sofie Dhollander, de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), pour introduire la journée de conférences du 13 décembre, organisée par la Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (Fesass). En effet, comme elle l’a rappelé, l’intensification des échanges et les changements climatiques actuels sont autant de facteurs favorisant l’émergence et la survie de nouveaux vecteurs. D’ailleurs, l’apparition récente de nouvelles maladies infectieuses vectorielles en Europe, dont certaines avec un potentiel zoonotique comme le West Nile, en témoigne.
Pour répondre à ces nouveaux enjeux, chaque État membre possède son propre système de contrôle. Les données de surveillance ainsi collectées1 sont ensuite utilisées par l’EFSA pour définir un taux global de risque d’introduction d’une maladie vectorielle. Une évaluation du risque par la surveillance des agents pathogènes et des vecteurs est tout d’abord réalisée, puis les données portant sur le niveau de transmission aux hôtes sont collectées avant d’estimer la probabilité de survenue d’une maladie. De plus, afin d’améliorer cette surveillance, les instances européennes consacrent aussi une part importante de leur budget à la communication auprès du public et de la communauté médicale au sens large (document relatif aux stratégies d’échantillonnage de certains vecteurs en Europe2, par exemple).
Les données de surveillance collectées sont essentielles car, comme l’a rappelé Andrea Gavinelli, chef de l’unité contrôles officiels et éradication des maladies animales de la Commission européenne, elles permettent ensuite aux gestionnaires de risques de classer les programmes vaccinaux par ordre de priorité et de fournir ces informations aux législateurs. Ainsi, suivant la maladie et la disponibilité vaccinale (type de vaccin, autorisation, etc.), la loi de santé animale3 défini des scénarios vaccinaux différents dans l’Union européenne (UE) : vaccination non obligatoire (dermatose nodulaire contagieuse), vaccination obligatoire comme mesure de contrôle (FCO) ou au libre arbitre de chaque État membre (West Nile). Et c’est une liste de 12 maladies vectorielles animales considérées comme importantes qui a été définie et catégorisée en décembre dernier. Toutefois, selon Andrea Gavinelli, « ces mesures devront être évolutives et instaurées de façon coordonnée entre pays voisins pour gérer au mieux les crises, faciliter les échanges commerciaux des animaux vaccinés, mais aussi pour disposer de banques vaccinales avec des autorisations de mises sur le marché (AMM) communes ». L’exemple de la Croatie, qui avait décidé, lors de l’épidémie de dermatose nodulaire de 2015, de mettre en place une vaccination obligatoire alors qu’il n’y avait pas de foyers sur son territoire, a ainsi permis d’illustrer l’importance de la collaboration interétatique, car la maladie ne s’est pas alors propagée en Europe.
Cependant, pour que de tels programmes vaccinaux réussissent, il sera nécessaire de davantage communiquer auprès des éleveurs sur leur intérêt et sur leur importance, car ils sont souvent réticents à les mettre en place. En effet, comme l’a indiqué Fabrizio Rosso, vétérinaire en chef du ministère de l’Environnement, du Développement durable et du Changement climatique (Malte), « il est important que le vétérinaire change de paradigme en privilégiant la satisfaction des attentes des différents acteurs de terrain et politiques ».
En dépit de toutes les mesures déjà mises en place, un rapport récent de l’EFSA (septembre 2018) déplore encore le fait que «
les maladies vectorielles échappent souvent aux gestionnaires de risques
». Selon Cornelia Silaghi, directrice de l’Institut d’infectiologie (Imed), des projets de recherche portant sur la compréhension des mécanismes et de l’épidémiologie de ces maladies (atlas sur les moustiques créé en 2012, notamment) ont déjà été menés avec succès, mais devront être poursuivis. De même, des tests de dépistage normalisés pour les différentes souches d’agents pathogène et des modèles mathématiques des mécanismes d’infection sont à l’étude.
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1 Programme du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) : bit.ly/2CR05Rh.
3 Regulation (EU) 2016/429 (Animal Health Law).