CONFÉRENCE
ACTU
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
Les points de vue d’éthologues ou historiens convergent vers la même constatation : l’homme doit accepter le fait que les animaux sont conscients.
L’idée que les animaux sont conscients est une évidence pour les chercheurs, a expliqué Charlie Wilson, chercheur en neurobiologie à l’Inserm1, lors de la conférence-débat organisée à VetAgro Sup (Marcy-l’Étoile, Rhône), le 6 décembre. Pour cette raison, nous avons un devoir et un besoin éthique et scientifique de choisir les protocoles adaptés aux capacités des animaux et d’évaluer leur bien-être en fonction de leur façon de percevoir les situations. » Selon l’expertise scientifique collective2 sur la conscience animale réalisée par l’Institut national de recherche agronomique (INRA) en 2017, la conscience est une expérience subjective, ou phénoménale, que l’animal a de son environnement, de son propre corps et/ou de ses propres connaissances. « Elle se compose chez l’homme de niveaux d’éveil et de contenus qui constituent la perception de l’environnement et de soi-même », a expliqué Jacques Servière, directeur de recherche à l’institut. Pierre Le Neindre, pilote de l’expertise, a ajouté : « C’est un processus complexe, opposé au réflexe ou à un processus associatif simple. » Chez la plupart des vertébrés, ce dernier a souligné que « l’équipement neuronal nécessaire pour détecter et réagir aux stimuli nociceptifs et traiter les informations à l’origine d’émotion à valence négative sont retrouvés. De nombreux animaux peuvent donc éprouver de la douleur de manière consciente, avec différents niveaux de complexité ».
Selon Pierre Le Neindre, « l’existence de perceptions subjectives, apprises, flexibles et fonctionnelles qui conduisent à des réponses non réflexes suggère l’existence de processus conscients. » En effet, les études montrent que l’accumulation d’émotions peut moduler durablement l’état affectif d’un animal, et certains animaux savent qu’ils savent ou qu’ils ne savent pas (métacognition), sont dotés d’une mémoire épisodique, et sont capables d’empathie et de tromperie (théorie de l’esprit). « Ils ont ainsi des capacités longtemps attribuées seulement à l’homme, ce qui ne signifie pas qu’ils ont les mêmes ni au même niveau », a précisé le chercheur. Pour Charlie Wilson, « la conscience pourrait émerger de différentes architectures cérébrales et de divers ensembles de comportements, mais une plus grande complexité cérébrale, déterminée par le nombre de neurones et la richesse des interactions entre eux et les différentes zones du cerveau, donne une plus haute capacité de conscience. »
« Nous devons accepter le fait que les animaux sont conscients, et que l’hypothèse d’une continuité entre les consciences des espèces animales non humaines et humaines pourrait être émise, sans impliquer qu’elles sont identiques », a précisé l’éthologue Bertrand Deputte.
Pour Éric Baratay, professeur d’histoire contemporaine à l’université Lyon 3, «
c’est la prise en compte de l’individualité des animaux dans l’art et la littérature qui a amené les scientifiques à s’y intéresser
». Désormais, la souffrance et la cognition des animaux sont donc des questions de société, «
qui impliquent de redéfinir la conscience de façon générale, sans anthropocentrisme. Cela amène à un changement de la représentation occidentale du monde du vivant. L’image de l’homme, seul être pensant dominant les autres espèces animales, est abandonnée au profit d’un modèle arborescent, où il est un être parmi d’autres, et où sa conscience en est une parmi d’autres. Nous pouvons ainsi désormais observer ce qui existe chez les autres animaux dans une idée de différences de développement, mais sans hiérarchie.
»
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1 Institut national de la santé et de la recherche médicale.
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