Que pensez-vous de l’abattage à la ferme ? - La Semaine Vétérinaire n° 1793 du 13/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1793 du 13/01/2019

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Auteur(s) : TANIT HALFON 

C’EST DOMMAGE D’ENVOYER DES ANIMAUX ACCIDENTÉS À L’ÉQUARRISSAGE

Peu d’abattoirs acceptent les carcasses d’animaux abattus en ferme, notamment du fait de la logistique que cette pratique impose, et des risques sanitaires encourus par les denrées alimentaires mises sur le marché. Outre la question du transport des carcasses, la mise à mort est difficilement réalisable. En tant que vétérinaire, je ne dispose ni du matériel ni de l’expérience pour le faire. Pour autant, je trouve cela dommage d’envoyer des animaux commercialisables à l’équarrissage, notamment pour les ateliers de vaches allaitantes et de taurillons. Je pense donc qu’il serait intéressant de mettre en place une filière avec des opérateurs de mises à mort dépendant des abattoirs, qui seraient envoyés dans les fermes. Pourquoi ne pas aussi envisager une réflexion sur le maintien et le rétablissement des abattoirs de proximité, qui pourraient accueillir les animaux accidentés et tués à la ferme ? Les abattoirs mobiles me paraissent, quant à eux, utopiques et économiquement infaisables. Malgré leur intérêt évident en circuit court, le coût qu’ils engendreraient nécessiterait à mes yeux forcément un appui financier de l’état.

Stéphane Dehoux

IL FAUDRAIT AMÉLIORER LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

Actuellement, la réglementation rend difficile l’abattage à la ferme des animaux accidentés, car une fois tués, ils doivent être transportés rapidement vers un abattoir. Cette logistique est d’autant plus compliquée qu’une majorité des établissements d’abattage refusent ces animaux. Pour ces raisons, j’ai pu constater des pratiques illégales dans certaines exploitations : des éleveurs avaient, par exemple, réussi à conduire un animal accidenté vivant non transportable vers un abattoir ! De plus, dans ce contexte, quelles seraient les modalités de mise en œuvre de l’inspection ante mortem ? Une des solutions pourrait venir des récentes initiatives d’abattoirs mobiles. Ces démarches pourraient en effet résoudre la question financière liée au réseau logistique à mettre en place dans le cadre de l’abattage d’urgence à la ferme. Ces démarches sont, de plus, intéressantes pour des animaux non blessés, car elles évitent le stress lié au transport. Enfin, ne pourrait-on pas définir des normes supplémentaires pour permettre l’abattage des veaux à la ferme comme c’est déjà le cas pour d’autres animaux ? Je pense qu’il n’y a pas de raison, si ce n’est un manque de volonté, de ne pas l’autoriser. Dans tous les cas, la réglementation de l’abattage à la ferme reste insuffisante. Dans ce cadre, pourquoi ne pas envisager la création d’une formation obligatoire pour être autorisé à abattre hors abattoir ?

Georgina Dunn

JE ME VOIS MAL ÉTOURDIR UN ANIMAL

Le durcissement des règles de transport des animaux vivants accidentés a remis le sujet sur le devant de la scène. Cette pratique est en réalité déjà réglementée, et concerne les animaux qui ne sont plus transportables et qui devront être soit euthanasiés soit abattus. En tant que vétérinaire d’abattoir, tant du point de vue réglementaire que logistique, je me pose la question de la faisabilité sur le terrain. Qu’en est-il des obligations qui sont de mises dans les abattoirs ? Il faudra qu’un vétérinaire décide de la transportabilité ou non de l’animal et procède à une inspection ante mortem. Les carcasses devront être transportées en moins de 2 heures à l’abattoir. Sans parler de l’étourdissement et de la saignée : personnellement, je me vois mal étourdir et saigner un animal… Cela ne se fera pas non plus, sans poser des problèmes médiatiques : les associations de protection animale pourraient s’en donner à cœur joie, en prenant simplement des photos ! La prise de conscience de la souffrance animale dans les transports est une bonne chose, mais il convient de ne pas écarter l’aspect économique. Aujourd’hui clairement, il n’existe pas de modèle économique. En revanche, pour ce qui est de l’abattage mobile, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas possible, à condition de respecter la même réglementation qu’un abattoir classique.

Jérôme Frasson