Comment vivez-vous le mouvement des “gilets jaunes” ? - La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1795 du 27/01/2019

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Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

MON ACTIVITÉ N’A PAS ÉTÉ IMPACTÉE

Depuis le début du mouvement des “gilets jaunes”, plusieurs barrages ont été mis en place sur certains ronds-points. Dans le cadre de mes activités, je suis amenée à me déplacer régulièrement sur la ville de Limoges et sa région. J’ai pu les éviter grâce à des applications GPS qui détectaient rapidement les points de blocage sur mon trajet. Mon activité n’a pas été impactée directement par les actions des “gilets jaunes”. Plus cette crise perdure et plus j’ai la nette impression qu’il existe un vrai décalage entre la France des territoires et les grandes agglomérations. Près de Limoges, je croise encore de nombreux automobilistes avec des gilets jaunes sur leur tableau de bord. Mais mon constat n’est pas le même à Paris. Un écart s’est installé petit à petit entre les grandes métropoles et la province. Les décisions prises pour les grandes villes ne sont pas forcément applicables aux petites communes. Par ailleurs, de nombreux Français ont des problèmes d’argent. J’ai en mémoire un échange avec une assistante vétérinaire dont la sœur a dû souscrire un crédit sur quatre ans afin d’acquérir une voiture d’occasion. Je peux comprendre les revendications des “gilets jaunes”, mais la forme choisie est discutable. Ce mouvement a bloqué énormément de monde et a fait perdre beaucoup d’argent à d’autres.

IL FAUT ARRÊTER DE MANIFESTER

Mon activité n’a pas réellement été impactée par le mouvement des “gilets jaunes”. Lors des deux premiers samedis du mouvement, quelques clients craignaient de se rendre à la clinique, en raison des barrages mis en place par les “gilets jaunes”. Mais ce n’est pas le sujet principal de nos conversations. En revanche, des collègues m’ont raconté avoir été bloqués sur un rond-point, tandis qu’ils allaient rendre visite à des clients. Même en ayant indiqué être vétérinaires, ils n’ont pas pu passer et ont dû emprunter des itinéraires alternatifs. Sur le fond, je comprends les revendications des “gilets jaunes”. Mais ils doivent arrêter de manifester les samedis, maintenant que les responsables politiques se sont saisis du sujet. Avec le grand débat lancé à la mi-janvier, les “gilets jaunes” ont la possibilité de faire connaître leurs revendications en échangeant avec les maires de leurs communes. Dans ma ville, de nombreuses affiches ont été posées pour informer les citoyens. Ils peuvent donner leur avis. Dans les mois qui viennent, il faudra s’armer de patience et attendre les propositions du gouvernement en faveur du pouvoir d’achat. Si ces mesures ne sont pas convaincantes, les “gilets jaunes” pourraient envisager de reprendre leur mouvement. Mais en attendant, il faut arrêter de manifester.

CETTE DÉTRESSE SOCIALE NE DATE PAS D’HIER

Le mouvement des “gilets jaunes” n’a pas eu d’impact direct sur mon activité. En revanche, l’ambiance est assez morose depuis la fin de l’année dernière. Cela se ressent au niveau de notre chiffre d’affaires, qui peine à décoller. J’ai l’impression que l’ambiance sociale actuelle y est pour quelque chose. Selon moi, les revendications des “gilets jaunes” sont légitimes, notamment en ce qui concerne le pouvoir d’achat. Certaines mesures gouvernementales peuvent être annoncées brutalement. Il aurait été préférable de proposer des solutions alternatives face à la hausse de la taxe sur le carburant, par exemple. Cette détresse sociale ne date pas d’hier. Je la sens depuis un long moment et constate une montée de la pauvreté des gens qui travaillent. Globalement, je comprends ce mouvement ainsi que les manifestations qui en découlent. Il est nécessaire de faire une distinction entre les revendications et les dégradations qui peuvent se passer autour des manifestations. Je ne suis pas certain que les solutions pour sortir de cette crise produisent des effets.

CERTAINS DE NOS CLIENTS SE SONT MOINS DÉPLACÉS

Notre activité a été directement impactée en décembre dernier, au plus fort des manifestations. De par notre localisation, nous n’avons pas été ralentis par les problèmes de circulation. Toutefois, en raison de la crise des “gilets jaunes”, certains de nos clients se sont moins déplacés. La conséquence sur notre activité a été sensible. Nous avons en effet constaté une baisse de la sollicitation de notre clinique. Cette baisse ressentie de la consommation et cette retenue à la dépense semblent avoir été causées par un climat social tendu et par les difficultés de circulation. Il me semble que certains de nos clients étaient dans l’attente. Ils souhaitaient avoir plus de visibilité sur l’évolution de la situation économique avant d’engager des frais. Nous sommes dans une région rurale excentrée où le travail et la solidarité sont des valeurs morales fortes, avec une moyenne d’âge élevée et des éleveurs laitiers parfois en grande difficulté. Nos clients nous expriment régulièrement leur mécontentement face au gaspillage de l’argent public, aux difficultés administratives et économiques. Pour autant, ils n’acceptent pas les actions violentes ou les dégradations mises en œuvre pour faire entendre leurs revendications. Et finalement, on peut se demander si cela ne va pas coûter plus cher que les avantages qui auront été obtenus.